Colombie / Vénezuela : Le peuple Piaroa
Publié le 26 Août 2012
Peuple indigène qui vit dans l’Orénoque
Anciens chasseurs cueilleurs agriculteurs semi-nomades
Langue orale : le piaroa de la famille des langues salivanes
Il y a environ 64 % de monolingues. Il est possible que 50 % des hommes parlent également en maquiritari, yabarana ( 2 langues caribes du Venezuela) ou espagnol
Population et répartition
- Venezuela : 12.000 personnes – Etat de l’Amazonas entre le rio Parguaza, le rio Venturi et le rio Manapiare sur la rive droite de l’Orénoque
- Colombie : environ 600 personnes qui vivent dans des réserves au sud du département du Vichada entre le rio Vichada et le rio Guaviare.
Le territoire
Traditionnellement l’habitat était dispersé et les Piaroa vivaient à l’état semi-nomade. Au Venezuela les terres sont domaniales avec deux parcs nationaux et une réserve forestière. Les communautés disposent de 41.000 hectares en aires discontinues.
En Colombie, il y a trois réserves d’une surface totale de 181.193 hectares
Le mot « piaroa » est une appellation due certainement aux missionnaires jésuites et datant du XVIIe siècle « pearoa » qui s’est transformé par la suite en piaroa.
Les noms qu’ils se donnent
Ils varient selon les personnes à qui ils s’adressent ou selon les situations : De'arua (maîtres de la forêt), Wóthuha (personnes bien informées), De'atʰïhä (les gens de la forêt) ou Thhã (gens, personnes)
Organisation sociale
En voyant la concurrence comme spirituellement mauvaise et en louant la coopération, les Piaroa sont à la fois fortement égalitaires et soutiennent l'autonomie individuelle. Ils sont également fortement anti-autoritaires, conscients de l'importance de veiller à ce que personne ne soit sous les ordres d'un autre et s'opposent à la thésaurisation des ressources, qu'ils considèrent comme donnant aux membres le pouvoir de contraindre leur liberté. Ils ont donc été décrits par certains anthropologues (tels Clastre ou Overing) comme une société anarchiste qui fonctionne réellement.
Ils sont aussi considérés comme l'une des sociétés les plus pacifiques du monde, l'assassinat étant un concept qui est à la fois inconnu et tout à fait inexistant. L'anthropologue Joanna Overing note également que la hiérarchie sociale est minime et qu'il serait difficile de dire si une forme de domination masculine existe, malgré que les dirigeants soient traditionnellement masculins. Concernant le rapport entre les sexes, les Piaroas pensent que le repas idéal est composé de viande et de pain de manioc, le produit de la chasse d'un homme et du jardin d'une femme. Leur idéal tant pour les hommes que les femmes, c'est la tranquillité et le contrôle, de maîtriser ses émotions. Pour eux, la maturité masculine est la capacité à coopérer tranquillement avec les autres dans la vie de tous les jours, ils considèrent comme odieux les tempéraments arrogants et dominants. Les décisions touchant la communauté sont prises par consensus. En conséquence, les Piaroas ont été décrits par certains anthropologues comme une société anarchiste fonctionnant réellement.
Chaque territoire est composé de 6 à 7 maisons communes avec son propre chef de territoire, « ruwang « qui est un homme de connaissance s’occupant des forces de destruction et de régénération des mondes.
Les piaroa ne supportent pas les règles sociales, chacun est maître de son lieu de résidence, de son travail, de son développement personnel et même de son mariage. La notion de société est très importante à leurs yeux même si l’individualisme leur permet de ne rien abandonner à la communauté ce qui révèle une grande liberté.
Leur histoire
« Piaroa » par Édouard Riou — BnF. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons - https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Piaroa.jpg#/media/File:Piaroa.jpg
- XVIIe siècle : premières références suite aux premiers contacts avec les missionnaires jésuites établis entre le rio Neta et le rio Casare
- Fin du XVIIIe siècle : apparition du nom « piaroa » au cours des expéditions de plusieurs explorateurs (Humboldt, Bonpland puis Chaffanjon)
- Ils arrivent pendant 300 ans après les premiers contacts à se tenir à l’écart des occidentaux grâce à leur mode de vie pacifiste, leur stratégie de défense étant l’évitement. Ils fuient donc la colonisation de l’Orénoque en s’enfonçant dans la forêt afin d’éviter les conséquences de cette dernière : violence, esclavagisme, épidémies, missions religieuses.
- 1937 : arrivée de l’église catholique
- 1946 : arrivée d’une ONG chrétienne évangélique « new tribes mission », de nombreux changements dans la région découleront de ses deux évènements
- Années 60 : Une majorité de piaroas sont convertis en masse et entraînés comme disciples puis ils reviennent dans les communautés pour alors convertir famille et voisins. De nombreuses épidémies dues aux contacts avec les étrangers les déciment en partie (rougeole, paludisme, maladies vénériennes)
Depuis un peu plus de trente ans, les Piaroas ont cessé de vivre en petites communautés mobiles et reculées pour s'installer dans des centres sédentaires de plus en plus importants, au voisinage de missions ou de villes et villages.
Les progrès dans les moyens de transport comme les routes, les moteurs hors-bord et les pistes d'atterrissage influencent beaucoup l'intégration culturelle et économique des Piaroa dont la plupart ont des contacts réguliers avec la société occidentale pour y vendre leur farine de manioc et leurs produits cultivés ou récoltés dans la forêt ainsi que pour acheter des biens occidentaux. Seuls 5 % des Piaroa - surtout ceux dans la partie supérieure du bassin versant Cuao-Parguaza-Cataniapo - restent largement isolés de la société occidentale et conservent un style de vie traditionnel.
Les Piaroa qui ont migré en aval de leurs rivières sont plus métissés. Ils vivent dans des communautés nucléées et sédentaires, ne portent plus leurs costumes traditionnels et ont adopté les religions occidentales. Ils sont intégrés dans le commerce régional et ont des contacts fréquents avec les peuples créoles. Ils sont considérés comme des partenaires fiables dans l'Amazonie vénézuélienne et l'activité agricole est une caractéristique déterminante de la sociologie de ce groupe. Toutefois, leur production très diverse comprenant différents outils, de la nourriture, des ornements, des biens rituels, des résines et colorants, s'est limitée aux produits agricoles exigés par les populations indigènes (fruits et manioc principalement).
Mode de vie
Habitat
Dans les traditions ancestrales l’habitat était dispersé et les piaroas vivaient à l’état semi-nomade. Les communautés se regroupaient dans une seule maison communautaire au toit de chaume en feuilles de palmier qui touchait le sol. Les maisons collectives étaient soit conico-rondes et pouvaient abriter jusqu’à 100 personnes, soit elliptco-coniques et elles abritaient alors 40 personnes, ou bien rectangulaires et là, y habitaient 15 personnes. L’intérieur des churuatas ne possède pas de structures pour séparer les membres de chaque famille. Elles ont chacune leur zone d’occupation déterminée pour y stocker ses effets, les hamacs ainsi qu’un foyer pour cuisiner. Tous les habitants de la churruata sont libres d’utiliser la zone centrale pour se rassembler pour les rituels, faire de l’artisanat ou divertir les invités. Les maisons sont souvent installées dans une clairière, au pied d’une colline, près d’un ruisseau éloigné des cours d’eau importants. Au bout de cinq ans, les sites sont abandonnés afin de permettre à l’environnement de se régénérer.
Tenue vestimentaire
Les hommes comme les femmes portent des pagnes tissés en coton récolté dans leurs plantations, le guayuco. Leurs corps sont ornés de couronnes de plumes, de bracelets et de colliers. Les colliers sont constitués avec des dents d’alligator et de pécari enfilées avec des plumes multicolores. Les peintures corporelles représentent des graphiques de la connaissance des rituels, elles sont appliquées grâce à des timbres en bois de différents modèles et tailles comme une sorte de tampon.
Agriculture/chasse/pêche/cueillette
L’agriculture est dite itinérante, elle est complétée par la chasse, la pêche et la cueillette qui leur permettent de vivre en autosuffisance. Ils connaissent de nombreuses espèces sauvages de leur environnement et cultivent d’autres espèces en alternant les cultures pour ne pas épuiser les sols et en pratiquant le brûlis pour fertiliser le terrain. Chaque famille ouvre annuellement par brûlis un demi-hectare de forêt primaire et secondaire. La parcelle est abandonnée au bout de 4 ans pour une jachère de 15 ans et plus. Une partie de la production agricole est vendue, les sous-produits du manioc, des ananas, des bananes….
Un droit d’usufruit est reconnu à qui travaille la terre sans possibilité de transmission. C’est le chef de chaque maison collective qui est responsable du maintien de la fertilité du territoire qui l’entoure.
« Maniok-Pflanzung der Piaroa Indianer » par Anagoria — Travail personnel. Sous licence CC B
Ils possèdent 20 à 40 cultigènes mais leur agriculture de base est celle du maïs et du manioc . ( le maïs et le manioc sur cocomagnanville)
Les légumes : patate douce, igname, courge, pois
Les fruits : ananas, banane, papaye, pastèque, avocat, lime, goyave, fruit de la passion, cacao sauvage, noix de cajou, arachide
les condiments : piment, gingembre, canne à sucre
Les plantes industrielles : coton, calebasse, roucou et chica (arbre trompette) pour la fabrication des tiges de flèches et les teintures, larme de job pour les ornements
Les drogues : tabac, yopo, capi(ayahuasca)
Plantes magiques et médicinales : amarante, caladium, calathéa etc…..
Cueillette
Ils connaissent environ 120 espèces de plantes qu’ils cueillent dans la région de l’Alto cuao :
- fruits des palmiers, fibre de piaçava (léopoldina piassaba), récolte du miel sauvage, ramassage de grenouilles, araignées, chenilles, vers, fourmis bachacos, termites, cigales et larves.
Division des tâches
Comme chez de nombreux peuples indigènes les tâches sont partagées comme suit :
Hommes : coupe de la forêt pour créer les jardins, plantation des cultures qu’ils utilisent : tabac, capi, drogues, poisons, plantes magiques, chasse, une grande partie de la pêche, construction des maisons, vannerie, poterie, tâches religieuses.
Femmes : Toutes les cultures vivrières : manioc, patate douce igname, désherbage, tissage.
La chasse
Ils n’élèvent pas d’animaux pour la nourriture, quelquefois des poulets. La sarbacane avec les fléchettes empoisonnées au curare est utilisée ainsi que la lance, le gourdin et le couteau, les collets ou les pièges englués. Mais le fusil à présent est devenu l’arme privilégiée. Parfois un chien de chasse les accompagne.
Tous les animaux sont chassés sauf ceux qui sont sacrés : anaconda et tapir
La loutre, l'opossum, tous les félins et les chauves-souris, vautours, aigles et serpent venimeux ne sont pas chassés non plus.
Les proies favorites sont les pacas, les pécaris, les cervidés mais aussi les oiseaux, les singes, les écureuils, les martres, les coatis, les paresseux, les porcs épics, les tamandous.
Le chant du chaman avant la chasse est un rituel important pour la réussite des chasses.
Le curare
Le nom indien du curare veut dire « mort qui tue tout bas. Explication :
L'animal touché par une petite fléchette n'y prend pas garde et ne donne pas l'alerte à ses congénères. La moindre blessure, si minime soit-elle peut-être fatale, alors qu'une blessure par balle ne l'est pas forcément, de plus l'animal touché par une arme à feu s'enfuira, même sérieusement blessé, pour aller mourir plus loin, hors de portée du chasseur qui rentrera bredouille. L'animal tué par le curare est tout à fait comestible sans risque d'intoxication pour le consommateur car le poison est inactif par voie digestive, tout au plus certains indiens éliminent-ils la partie du gibier touchée par la flèche. Enfin, de par le mécanisme d'action des curares, l'animal touché sera paralysé et ne pourra s'agripper aux branches des arbres, il tombera à terre de lui même et le chasseur n'aura plus qu'à le ramasser, tandis que le gibier tué par balle reste souvent pendu aux branches dans les spasmes de l'agonie et ce, parfois à vingt ou trente mètres du sol !
La fabrication du curare est très variable d'une zone géographique à une autre, certaines tribus ne savaient pas le fabriquer, aussi existait-t-il un marché du curare dans toute l'Amazonie. Les espèces végétales qui entrent dans la composition des poisons utilisés dans cette région du monde appartiennent à deux grands genre : les genres Strychnos (loganiacées) et Chondrodendron (ménispermacées). Les piaroas y ajoutent d’autres plantes : cariri, pitaton, jaro, hueva.
On sait que les curarisants entraînent une paralysie avec relâchement musculaire, seuls les muscles striés squelettiques semblent touchés, le coeur résiste très bien aux substances curarisantes et est peu affecté. Suite à l'inoculation de la substance par voie sanguine ou intradermique le curare ne manifeste ses effets qu'après un certain laps de temps qui dépend de la dose, du mode d'inoculation et de l'activité intrinsèque de la préparation utilisée. Les premiers symptômes sont en général des tremblements, puis une faiblesse musculaire avec difficulté pour se mouvoir. La paralysie semble s'étendre lentement à tout l'organisme, le curare n'a donc pas un effet aussi foudroyant qu'on a voulu le faire croire, même si l'effet reste assez rapide. La paralysie va ensuite gagner les muscles trachéaux, la salive ne pourra plus être déglutie et coulera par la bouche, les paupières elles-mêmes sont affectées par le poison et retombent sur les yeux, mais la conscience ne semble pas altérée jusqu'à la mort. Enfin la paralysie touche le diaphragme (muscle en forme de lame qui sépare la cavité abdominale de la cavité thoracique, c'est le muscle principal de la respiration qui permet l'élévation et l'abaissement de la cage thoracique lors de la respiration). La mort survient par asphyxie en quelques minutes.
La viande tuée par curare peut être consommée car ce dernier ne provoque pas d’empoisonnement par ingestion.
« Strychnos toxifera - Köhler–s Medizinal-Pflanzen-267 » par Franz Eugen Köhler, Köhler's Medizinal-Pflanzen —
La pêche
Elle se pratique dans les ruisseaux, les étangs et les rapides : poissons, crustacés, vers, reptiles sont pêchés. Ils préfèrent pêcher en eaux noires au lieu des eaux blanches.
Ils utilisent l’hameçon, le harpon, l’arc avec des barrières, des nasses et aussi la nivrée (empoisonnement d’une section de rivière avec une liane toxique pour les poissons).
L’éducation
C’est le chaman qui apprend aux enfants la responsabilité personnelle, l’autodiscipline, le respect d’autrui vers l’âge de 6/7 ans. Il leur enseigne la façon d’éviter les querelles, de contrôler la jalousie, l’arrogance, la méchanceté, la malhonnêteté, la vanité et la cruauté.
Ils doivent savoir que les émotions et les désirs peuvent être également contrôlés afin de préserver leur libre-arbitre et respecter les autres. Il n’existe pas de punition physique pour les enfants, aux fautifs, on applique le silence. Les enfants n’ont pas de modèles de comportement violent ou coercitif, leurs jeux sont vigoureux et remplis d’énergie mais pour autant il n’existe pas de compétition ni d’expression de colère. Les décisions personnelles sont respectées mais l’ambition est découragée
Le chamanisme
Le chamane (piache) en chantant et soufflant contrôle la violence. Il souffle les mots dans un mélange d’eau et de mile le soir et le lendemain matin la tribu consomme le mélange. Cela tient la tribu en sécurité toute la journée. Presque tous les adultes sont chamans à différents degrés mais seulement deux d’entre eux peuvent guérir et offrir la protection spirituelle.
Il existe deux sortes de chamans :
- le menyeruâ ou meñura (chanteur)
- le mâritû (tueur de märitü, les esprits qui causent les maladies ou entrainent la maladie)
Les maladies peuvent être causées soit par une infection en consommant la chair des animaux qui contiennent des cristaux invisibles envoyés par les märitüs. Ou elles peuvent êtres données par les mâritüs parce que l’indien a enfreint un tabou ou les valeurs de la société, ou bien elle peut-être aussi envoyée par un sorcier ennemi.
Les plantes des rituels chamaniques
Tabac
Les pratiques chamaniques se servent de quelques plantes endémiques et traditionnelles aux substances psycho actives :
- Le tabac ou jatte (nicotiana tabacum)
- le dä’dä (malouetia flavescens) il provoque un changement radical de l’esprit qui est transformé en transe (maripä) ou en esprit magique qui peut voir ce qui n’a jamais existé et donne accès à des mondes au-delà des cieux. Il créée de nouvelles choses et donne à l’homme la puissance des dieux.
- le capi (banisteriopsis caapi) qui mélangé à d’autres espèces donne l’ayahuasca, boisson hallucinogène. L’utilisation d’ayahuasca permet de comprendre l’invisible et restaurer l’ordre naturel des choses
« Banisteriopsis caapi vine » par Terpsichore — Travail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons - https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Banisteriopsis_caapi_vine.JPG#/media/File:Banisteriopsis_caapi_vine.JPG
- le yopo ou yuhua ( ou bien encore niopo) anadenanthera peregrina. Il ‘agit d’un mélange de graines pétries et fermentées, de farine de manioc et d’un coquillage du genre ampullaria trituré et pulvérisé. Durci au feu ce mélange est conservé sous forme de petits gâteaux. Ils le porte sur eux dans la cavité de longs os de jaguar transformées en étuis et ornés de plumes de toucan. Pour s’en servir, ils l’aspirent au moyen d’un tuyau en os double du coté du nez et terminé à chaque branche par une boule perforée qui s’adapte à la narine. Cette poudre produits une sorte d’ivresse qui rend courageux dans les combats. L’utilisation du yopo permet la séparation de l’esprit et du corps de sorte que l’esprit peut voler et pénétrer dans les rochers où alors il peut voir les choses cachées. (en suivant le line vers la vidéo du CNRS, vous pourrez voir le rituel de la prise de yopo.
Anadenanthera peregrina
La poudre de sorcellerie pusana
Ils la portent sur eux dans de petites calebasses bouchées.
Le guanare
C’est une dent de tapir à laquelle est attachée un morceau de cristal de roche comme un bilboquet. Cette amulette leur sert de garantie dans les échanges qu’ils font avec leurs voisins et leur donne une puissance spéciale. Les amulettes servent également à protéger des maladies.
Musique
Elle est utilisée seulement pour les rituels chamaniques. Les chamans maîtres du chant sont souvent les hommes matures ou âgés. Ce sont eux qui enseignent l’art du chant aux novices pendant de longues années d’étude. Les chants sont différents selon les situations : pour soigner une maladie, assurer une chasse ou une pêche fructueuse, purifier la viande avant de la manger, demander le soutien d’un esprit protecteur. Chaque soir entre 21/22 heures jusqu’à l’aube les chamans chantent seuls ou par groupe de 2 à 5 participants en prisant du yopo (drogue hallucinogène et stimulante) pour se maintenir éveillés. Les chants peuvent être forts ou silencieux, mélodiques avec des phrases hachées.
La flûte de bambou wora imite le grondement du jaguar, d’autres flûtes imitent le cri du toucan ou du singe hurleur.
Un panier-maracca, le morocoto (gros poissons) est utilisé pour la cérémonie (huirane) qui reproduit le bruit des poissons pris dans une nasse de pêche. D’autres maracas sont fabriquées dans des calebasses gravées lorsqu’elles sont encore vertes et décorées de plumes colorées et remplies de graines ou de cristaux magiques (wanali).
Panier et maracca image
Enterrement
Le cadavre est roulé dans un hamac et ils l’entourent de fortes écorces attachées avec des lianes. Ce cercueil en forme de fuseau constitue le mavi, c’est grâce à ça que l’on reconnaît les personnes de cette ethnie lors des fouilles.
Ils fabriquent les objets utilitaires, paniers, râpes à manioc, poteries peintes, hamacs, objets en bois, canoës, mortiers sculptés, meubles basiques, teintures, poisons, tissus, cordes, torches, couronnes de plumes, masques de cérémonie peints, sarbacanes, gourdes etc….
Les Piaroas croient que les dieux antiques étaient violents, avides et arrogants. La religion indigène comprend la croyance en des héros ancestraux et en des esprits bons ou mauvais associés à des éléments environnementaux qui contrôlent la destinée humaine et l'expérience hallucinogène comme moyen de communication avec le monde des esprits. Un panthéon constitué de héros et de dieux vivants dans les temps mythiques et qui ont créé le monde, ont apporté à l'Homme la culture et la connaissance de l'agriculture, de la pêche et de la chasse.
- Ojwoda’ä : dieu originel, tapir/anaconda, hermaphrodite
- Kuemoi, son fils, maitre des rivières et des lacs, père de tous les aliments cultivés, créateur du jardinage, de la chassen du curare, du feu. C’est le représentant de la méchanceté dans son côté ridicule et absurde (bouffon)
- Wahari, son frère qui est le maître de la jungle et dieu créateur des piaroas
De nombreux dieux font partie du panthéon Piaroa. Certains sont des tianawa, descendus de leur résidence céleste pour prendre la forme d'animaux sur Terre. Ils sont parfois porteurs de maladies et sont invoqués par les chamans pour guérir ou donner de la force.
- Chejeru, la déesse de la fertilité, sœur de Wahari.
- Ku'upä, le dieu du tonnerre.
- Khaewati, le dieu soleil.
- Reyo, le seigneur des animaux de la jungle (sauf du jaguar).
- Aje itami, le seigneur des poissons.
- Maekira, seigneur des pécaris
- Raeuda'ae, le serpent d'eau.
- Tuwa'isa (Tuzva'isa), le puma
- Yübaku (Yubacka), le jaguar
- Muk'a, l'aigle-harpie
- Pujäku (Puhaeku), l'ours blanc.
- Awiri, le chien de chasse.
- Burewe, la grenouille verte.
- Jemene Daa, le crocodile.
- Mureka, le grand aigle.
- Idiyu Daa, la tarentule.
- Maeraenaeu, le coati commun.
- Rureyei, la guêpe.
Danseurs masqués sortant de la maison communautaire image
Le sãr est un festival de danse et de boisson se tenant à la saison des pluies et qui réunit les familles voisines.
Le wärime est un rituel complexe et une pratique cérémonielle qui symbolise les origines du monde avec un retrour aux débuts de l’humanité qu’il faut réinsérer dans l’activité humaines avec vitalité. Elle a lieu une fois par an pour célébrer l’abondance de la nourriture et des cultures. Ce rituel demande la participation de tous les membres de la communauté ainsi que celles avoisinantes.
D’autres rituels comprennent celui du passage à l’âge adulte à la fin de la saison des pluies et des exorcismes lors de la mort d’un membre de la communauté.
Animaux sacrés
Le tapir est l’incarnation de Wahari le créateur bienveillant des piaroas. Il n’est jamais tué à moins d’une circonstance spéciale et tout est fait pour l’attirer près des plantations. Si le tapir alors y mange des fruits les piaoras s’en réjouissent car c’est signe de bon augure. L’anaconda représente le dieu originel ojwodä’a et il est aussi un animal tabou.
Le tapir, animal sacré
Le sang
Le sang circulant dans le corps représente l’intelligence et le savoir qui est transmis à chaque partie du corps. Le dieu Wahari ayant donné les maladies en tant que « connaissances » au animaux, ceux-ci peuvent les transmettre aux humains par leur sang. Il est considéré comme mauvais et ne doit surtout pas tomber sur le sol. Les personnes blessées sont isolées dans la forêt dans un hamac. De même les menstruations des femmes sont aussi dangereuses pour les autres personnes car elles sont sensées contenir tous les poisons que la femme a cumulé durant le mois au contact d’autres personnes. Donc, pendant leurs règles, les femmes sont isolées dans la forêt. Elles accouchent dans les eaux peu profondes des rivières aux alentours des villages.
Les hommes chamans et leurs apprentis se percent la langue avec une épine de raie pour faire saigner volontairement afin d’éliminer tous les six mois, les poisons accumulés avec les autres personnes. Les animaux chasés ne sont pas écorchés, ils sont juste éviscérés sur une pierre dans l’eau de la rivière puis cuits. A la chasse, les pièges sont préférés aux armes qui font couler le sang comme la lance et les animaux sont étouffés.
Les autres excrétions humaines et animales sans exception sont considérées comme porteuses de maladie et potentiellement empoisonnées.
Pour compléter cet article au mieux, je vous invite à aller visionner grâce au lien une vidéo du CNRS qui date de 1969 sur laquelle on voit bien les coutumes des piaroas.
Caroleone
Sources : ethnographie précolombienne du Vénézuela : indiens piaroas et guahibos de G. Marcano , wikipédia, Bruno Ciccone page perso