CHILI : 30 ans après... Ni pardon, ni oubli… la lutte continue !

Publié le 11 Septembre 2011

 

Le 11 septembre ce n'est pas que le triste rappel de l'anniversaire du world trade center....

 

C'est l'anniversaire du coup d'état contre Salvador Allende, le président socialiste du Chili, le coup d'état qui met au pouvoir la dictature de Pinochet qui ensanglantera le pays .

 

Un hommage à Allende et à Neruda son compagnon de route qui l'a suivi de peu dans la mort.

 

Pensons aux hommes morts pour la patrie afin que tout ceci ne recommence plus.

 

Caroleone

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mon peuple a été le peuple le plus trahi de notre temps. Du fond des déserts du salpêtre, des mines du charbon creusées sous la mer, des hauteurs terribles où gît le cuivre qu'extraient en un labeur inhumain les mains de mon peuple, avait surgi un mouvement libérateur, grandiose et noble. Ce mouvement avait porté à la présidence du Chili un homme appelé Salvador Allende, pour qu'il réalise des réformes, prenne des mesures de justice urgentes et arrache nos richesses nationales des griffes étrangères.


 

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                                Le président Salvador Allende et le poète Pablo Neruda

 

 

ALLENDE-EN-ACTO-PC-CON-NERUDA-copie-1.jpg                                    Salvador ALLENDE dans un MEETING DU PC AVEC Pablo NERUDA


Partout où je suis allé, dans les pays les plus lointains, les peuples admiraient Allende et vantaient l'extraordinaire pluralisme de notre gouvernement. Jamais, au siège des Nations unies à New York, on n'avait entendu une ovation comparable à celle que firent au président du Chili les délégués du monde entier. Dans ce pays, dans son pays, on était en train de construire, au milieu de difficultés immenses, une société vraiment équitable, élevée sur la base de notre indépendance, de notre fierté nationale, de l'héroïsme des meilleurs d'entre nous. De notre côté, du côté de la révolution chilienne, se trouvaient la constitution et la loi, la démocratie et l'espoir.

De l'autre côté il ne manquait rien. Ils avaient des arlequins et des polichinelles, des clowns à foison, des terroristes tueurs et geôliers, des frocs sans conscience et des militaires avilis. Tous tournaient dans le carroussel du mépris. Main dans la main s'avançaient le fasciste Jarpa et ses neveux de Patrie et Liberté, prêts à casser les reins et le coeur à tout ce qui existe, pourvu qu'on récupère l'énorme hacienda appelée Chili. A leur Côté, pour égayer la farandole, évoluait un grand banquier danseur, éclaboussé de sang. Gonzalez Videla, le roi de la rumba, lequel, rumba par-ci, rumba par-là, avait depuis belle lurette livré son parti aux ennemis du peuple. Maintenant c'était Frei qui livrait le sien aux mêmes ennemis, et qui dansait au son de leur orchestre, avec l'ex-colonel Viaux, son complice ès forfaiture. Ils étaient tous tètes d'affiche dans cette comédie. Ils avaient préparé le nécessaire pour tout accaparer, les miguelitos, les massues et les balles, ces balles qui hier encore avaient blessé notre peuple à mort à Iquique, Ranquil, Salvador, Puerto-Montt, José Maria Caro, Frutillar, Puente Alto et autres nombreux endroits. Les assassins d'Hernan Mery dansaient avec ceux qui auraient dû défendre sa mémoire. Ils dansaient avec naturel, avec leurs airs de bondieusards. Ils se sentaient offensés qu'on leur reproche ces «petits détails».

 

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Le président José Manuel Balmaceda Fernández
(19 juillet 1840 - Santiago † 19 septembre 1891)
président du Chili entre 1886 et 1891

 

Le Chili a une longue histoire civile qui compte peu de révolutions et beaucoup de gouvernements stables, conservateurs et médiocres. De nombreux présidaillons et deux grands présidents : Balmaceda et Allende. Curieusement, l'un et l'autre sortent du même milieu: la bourgeoisie riche, qui se fait appeler chez nous «aristocratie». Hommes de principes, obstinés à rendre grand un pays amoindri par une oligarchie médiocre, ils eurent la même fin tragique. Balmaceda fut contraint au suicide parce qu'il refusait de livrer aux compagnies étrangères nos riches gisements de salpêtre. Allende fut assassiné pour avoir nationalisé l'autre richesse du sous-sol chilien : le cuivre. Dans les deux cas, les militaires pratiquèrent la curée. Les compagnies anglaises sous Balmaceda, les trusts nord-américains sous Allende, fomentèrent et soulèvements d'état-major.

Dans les deux cas, les domiciles des présidents furent mis à sac sur l'ordre de nos distingués «aristocrates». Les salons de Balmaceda furent détruits à coups de hache. La maison d'Allende, avec le progrès, fut bombardée par nos héroïques aviateurs.

Pourtant, les deux hommes se ressemblent peu. Balmaceda fut un orateur fascinant. Il avait une nature impérieuse qui le rapprochait chaque jour davantage du pouvoir personnel. Il était sûr de la noblesse de ses intentions. Les ennemis l'entouraient à chaque instant. Sa supériorité sur son entourage était si grande, et si grande sa solitude, qu'il finit par se replier sur lui-même. Le peuple qui aurait dû l'aider n'existait pas en tant que force, c'est-à-dire n'était pas organisé. Ce président était condamné à agir comme un illuminé, comme un rêveur : son rêve de grandeur resta à l'état de rêve. Après son assassinat, les trafiquants étrangers et les parlementaires du cru s'emparèrent du salpêtre , les étrangers, en concessions; les représentants du cru, en pots-de-vin. Les trente deniers perçus, tout rentra dans l'ordre. Le sang de quelques milliers d'hommes du peuple sécha vite sur les champs de bataille. Les ouvriers les plus exploités du monde, ceux des zones du nord du Chili, ne cessèrent plus de produire d'immenses quantités de livres sterling pour la City de Londres.

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Allende ne fut jamais un grand orateur. Gouvernant, il ne prenait aucune décision sans consultations préalables. Il était l'incarnation de l'anti-dictateur, du démocrate respectueux des principes dans leur moindre détail. Le pays qu'il dirigeait n'était plus ce peuple novice de Balmaceda, mais une classe ouvrière puissante et bien informée. Allende était un président collectif; un homme qui, bien que n'étant pas issu des classes populaires, était un produit de leurs luttes contre la stagnation et la corruption des exploiteurs. C'est pourquoi l'oeuvre réalisée par Allende dans un temps si court est supérieure à celle de Balmaceda ; mieux, c'est la plus importante dans l'histoire du Chili. La nationalisation du cuivre fut une entreprise titanique. Sans compter la destruction des monopoles, la réforme agraire et beaucoup d'autres objectifs menés à terme sous son gouvernement d'inspiration collective.

Les oeuvres et les actes d'Allende, d'une valeur nationale inappréciable, exaspérèrent les ennemis de notre libération. Le symbolisme tragique de cette crise se manifeste dans le bombardement du palais du gouvernement; on n'a pas oublié la Blitzkrieg de l'aviation nazie contre des villes étrangères sans défense, espagnoles, anglaises, russes; le même crime se reproduisait au Chili; des pilotes chiliens attaquaient en piqué le palais qui durant deux siècles avait été le centre de la vie civile du pays.

J'écris ces lignes hâtives pour mes Mémoires trois jours seulement après les faits inqualifiables qui ont emporté mon grand compagnon, le président Allende. On a fait le silence autour de son assassinat; on l'a inhumé en cachette et seule sa veuve a été autorisée à accompagner son cadavre immortel. La version des agresseurs est qu'ils l'ont découvert inanimé, avec des traces visibles de suicide. La version publiée à l'étranger est différente. Aussitôt après l'attaque aérienne, les tanks - beaucoup de tanks - sont entrés en action, pour combattre un seul homme : le président de la République du Chili, Salvador Allende, qui les attendait dans son bureau, sans autre compagnie que son coeur généreux, entouré de fumée et de flammes.

Des pompiers et de militaires retirent dans une civière le corps sans vie du président Allende

L'occasion était belle et il fallait en profiter. Il fallait mitrailler l'homme qui ne renoncerait pas â son devoir. Ce corps fut enterré secrètement dans un endroit quelconque. Ce cadavre qui partit vers sa tombe accompagné par une femme seule et qui portait toute la douleur du monde, cette glorieuse figure défunte s'en allait criblée, déchiquetée par les balles des mitrailleuses. Une nouvelle fois, les soldats du Chili avaient trahi leur patrie.

Patrie douce et dure, J'avoue que j'ai vécu, Pages 513-517 Editions Gallimard, 1975, Traduction de Claude Couffon

 

 

PABLO NERUDA BLOGSPOT

 

 

 

 

 

 

source : Serge des bois

 


 

 


Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Chili

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C
<br /> <br /> Re bonjour Serge,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> J'ai oublié de te dire que la chanson de Jean-Max Brua va parfaitement avec le texte, elle est très belle de plus !<br /> <br /> <br /> bises<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> caroleone<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> photo evandro teixeira<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bonjour Serge,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Eh! oui, c'est comme ça que les médias aux ordres détournent les priorités en faveur des futures guerres de l'empire!!<br /> <br /> <br /> Mais, tu vois, grâce à internet, on peut rendre enfin un peu de justice dans ce monde.<br /> <br /> <br /> La photo ci-dessus représente les forces armées qui se déployèrent peu de temps après le putsch de pinochet, afin de contenir le peuple qui manifeste pour la première fois après celui-ci<br /> <br /> <br /> : c'est le 3 octobre 1973 ( ça fait à peine 30 ans c'est vrai), jour des funérailles de Pablo Neruda, vénéré par son peuple !!<br /> <br /> <br /> Malgré la présence des armes fixées sur eux, les gens affluent en ce jour triste et je suis certaine que ceux qui y participaient s'en souviendront toujours.<br /> <br /> <br /> J'ai mis à l'honneur la semaine dernière une copatriote de Pablo, la poétesse Gabriela Mistral qu'il respectait énormément ainsi que les chiliens : après la prise de pouvoir du dictateur, les<br /> livres de Gariela et Pablo entre autres furent mis au bûcher, trop progressites !!<br /> <br /> <br /> Quand tu penses que ceci se passait il y a moins de trente ans, ça fait froid dans le dos !<br /> <br /> <br /> Je n'étais pas encore engagée à cette époque, je m'occupais uniquement de mes enfants, mais tout ce que j'ai raté, je ne sais pas si je pourrais le rattraper un jour !!<br /> <br /> <br /> Merci Serge pour ton commentaire, nous avons les mêmes valeurs, sans faire de pub mal placée !!<br /> <br /> <br /> Bises<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> caroleone<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> <br /> Bonsoir Caro,<br /> <br /> <br /> Ainsi donc, il y aurait des morts qui mériteraient d'être fêtés et d'autres dont on espère que le souvenir tombera dans l'oubli !<br /> <br /> <br /> A en croire les médias officiels, le 11 septembre 2001 serait la plus grosse catastrophe que la terre ait connue ...<br /> <br /> <br /> Combien tu as raison de rappeler que l'attaque du palais présidentiel  de Salvador Allende s'est traduit par la mort de ce dernier,  mais aussi  par le massacre de 3500 chiliens le<br /> même jour par l'armée chilienne aux ordres de Kissinger, et environ 140 000 par la suite.<br /> <br /> <br /> Les terroristes de Ben Laden, avec au palmarès la destruction de 3 tours et la mort de 3000 personnes, même si c'est dramatique, font figure d'amateurs à côté des 70 000 morts d'Hiroshima et la<br /> destruction totale de la ville, ou bien les 40 000 morts de Nagasaki où, là non plus, il ne restait pas une maison debout.<br /> <br /> <br /> Tous ces morts ont pourtant un point commun : ils servent de justificatif à l'impérialisme américain pour maintenir sa domination sur le monde : guerre en Irak, en Yougoslavie, en Afghanistan,<br /> l'attaque de la Libye et les menaces sur l'Iran.<br /> <br /> <br /> Alors oui, en ce 11 septembre, ayons une pensée pour l'espoir qu'avait fait naître l'élection d'Allende pour l'Amérique du Sud et soyons vigilants contre les menaces qui pèsent encore sur les<br /> pays soucieux de s'extraire de la tutelle yankee, comme Chavez qui a déjà eu à faire face à un coup d'état que seule la mobilisation du peuple a permis de contrecarrer.<br /> <br /> <br /> L'exemple de Cuba montre bien que la volonté hégémonique yankee peut être mise en échec.<br /> <br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> <br /> Le lien de la chanson de mon camarade JM Brua en homage au Chilli.<br /> <br /> <br /> http://www.youtube.com/watch?v=Nio-d6ohkaY<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />