Brésil : Le mouvement des sans terres (MST)

Publié le 19 Août 2011

LE MOUVEMENT DES SANS TERRE (MST)

 



 

 

Le Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra

 

 

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Le mouvement naît au début des années 70 avec le soutien des syndicats ruraux et de la commission pastorale de la terre (CPT).

 

POURQUOI LE MST ?

 

Parce qu’au Brésil :

 

-          1% des latifundarios (propriétaires terriens) possèdent plus de 48 % des terres !


-          53 % des paysans, eux, possèdent 3 % des surfaces cultivables


-          14 % des surfaces productives sont utilisées

 

 

 

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LES OBJECTIFS

 

 

-          CONSTRUIRE une société plus juste où le travail a la suprématie sur le capital


-         CONCRETISER une véritable réforme agraire où la terre deviendrait un bien commun à tous les brésiliens et au service de la société


-         ASSURER à tous les brésiliens le travail, la juste répartition des terres et des richesses du pays


-          ASSURER l’égalité des droits économiques, sociaux, politiques, culturels pour tous les brésiliens


-          COMBATTRE toutes les formes de discrimination sociale et donner aux femmes une place et une participation plus active dans la société brésilienne.

 

 

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PRINCIPES FONDATEURS adoptés lors du premier congrès :

 

-          Le MST est indépendant de tout parti politique, de l’état brésilien et de l’église catholique


-          Tous les organes de direction du MST doivent comprendre 50% d’hommes et 50% de femmes


-          Le MST ne lutte pas seulement pour la terre mais pour la réforme agraire juste et non commerciale


-          Le MST n’est pas un mouvement isolé de lutte pour la terre mais s’organise au niveau national (23 états) et international : confederaçao latina des organisaçoes campanoes (CLOC), Via campesina


-          Le MST agit dans une continuité historique des mouvements de luttes contre l’oppression et pour la terre au Brésil et dans le monde


-          Le MST n’est rien d’autre que les sans-terre en mouvement et pratique le centralisme démocratique et la démocratie participative


-          La production du MST est une production écologique, sans pesticides, sans engrais chimiques et sans OGM favorisant une diversification des cultures, la reforestation, la culture des plantes médicinales, la nourriture pour les familles du MST et la commercialisation du surplus à des prix accessibles aux plus démunis. Les rapports de production sont coopératifs et solidaires.

 

 

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LA REFORME AGRAIRE, KEZAKO ?

 

Une réforme agraire est une réforme offrant des terres aux paysans qui la cultivent, en les "confisquant" à leurs propriétaires.

Elle a pour but de redistribuer les terres de culture. Une réforme agraire peut inclure également des mesures de crédit, des formations, des consolidations de terres.

 

Philosophie sous-jacente aux réformes agraires

Philosophiquement, il y a des arguments pour justifier la réforme agraire : multiplier les titres légaux sur la même terre est sans utilité ; certains de ces titres de propriétés peuvent avoir été obtenu par vol ; il s'agit d'assurer le plus de bien-être pour plus de monde, le droit à la dignité ; la justice requiert l'application de "la terre à ceux qui la cultivent". Néanmoins beaucoup de ces arguments entrent en conflit avec les droits de propriété de la plupart de nos sociétés modernes, ce qui implique que certaines formes de réforme agraire mettent en question la conception qu'à une société donnée des droits, du rôle du gouvernement.

 

Ces questions incluent par exemple :

  • La propriété privée est-elle légitime ?
  • Si oui, plus spécifiquement, la propriété privée de la terre est-elle légitime ?
  • Si oui, les droits de propriété "historiques" sont-ils légitimes, dans un état ou une société en particulier ?
  • Même si les droits de propriété sont légitimes, doivent-ils protéger de manière absolue contre l'expropriation, où doivent-ils entraîner l'obligation de compensation totale ou partielle au "propriétaire" ?
  • Réforme agraire ne veut-elle pas dire collectivisation, mais accession à la propriété...?
  • Comment les droits de propriétés se mesurent-ils par rapport au droit de vie et liberté ?
  • Comment arbitrer les litiges au sujet de la propriété de la terre ?
  • À quel niveau de gouvernement les terres communes sont possédées, gérées ?

 

Il existe différentes manières de penser et de réaliser une réforme agraire. Ainsi, la vision de la Banque Mondiale repose actuellement sur une vision purement marchande appelée " réforme agraire assistée par le marché ". La terre doit être achetée aux grands propriétaires soit directement par les paysans sans terre soit généralement par une " banque de la terre " qui avance l'argent et à qui les paysans bénéficiaires doivent rembourser le montant du prêt.

Les mouvements paysans et notamment le Mouvement des Sans Terre ne partage pas cette vision qui place les bénéficiaires dans des situations de dépendances immédiates vis à vis des banques. De plus, les mensualités ne sont pas toujours supportables pour les paysans. Dans le cas brésilien, l'extraordinaire réserve de terre, non productive mais arable, représente un potentiel important pour démarrer une réelle redistribution des terres aux millions de paysans sans terre.

Acquérir une terre ne suffit pas aux familles de sans terre. Elles doivent la rendre productive pour en vivre décemment. Pour ce faire, l'agriculture familiale et tout particulièrement les bénéficiaires de la réforme agraire doivent pouvoir bénéficier d'aides pour démarrer leurs productions

 

 

 

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Le cas du Brésil est particulier : il s’agit d’une longue lutte pour la terre qui remonte à l’époque coloniale et qui perdure à ce jour. Le Brésil est en effet doté d’une superficie exceptionnelle de terres fertiles mais qui n’appartiennent qu’à une poignée de grands propriétaires, pour la plupart descendants des riches familles portugaises. Celles-ci s’en sont emparées dès leur arrivée au pays dans les années 1500. Après des siècles de lutte pour reconquérir une partie de ces terres, les paysans brésiliens s’unissent maintenant au sein du MST afin de faire comprendre au gouvernement qu’une réforme agraire est essentielle et qu’il y a des moyens pour y accéder. Les acampamentos, moyen de lutte pacifique, prouvent que ces solutions existent. (3)


Programme de réforme agraire (selon le MST):


1-    Modifier la structure de la propriété de la terre;


2- Subordonner la propriété de la terre à la justice sociale, aux nécessités du peuple et aux objectifs de la société;


3- Garantir une distribution des produits de la terre pour la sécurité alimentaire, l’élimination de la faim et le développement économique et social des travailleurs;


4- Appuyer la production familiale et les coopératives avec des compensations financières, du crédit et une sécurité agricole;


5- Industrialiser l’agriculture dans les milieux ruraux du pays, recherchant le développement harmonieux des régions et garantissant la création d’emplois spécialement pour la jeunesse;


6- Appliquer un programme spécial de développement pour la région semi-aride du pays;


7- Développer des technologies adéquates et réalisables, préservant et récupérant les ressources naturelles, avec un modèle de développement rural autosuffisant;


8- Rechercher un développement rural qui garantisse de meilleures conditions de vie, d’éducation, de culture et de loisirs pour tous. (2)

 

 

 

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FONCTIONNEMENT

 

Les acampamentos :

 

Le Mouvement favorise l'organisation de familles sans terre ou souhaitant retourner à la terre. Cette organisation et la préparation à l'installation se déroule dans la phase de création d'acampamentos. Littéralement, il s'agit de campements sauvages, généralement sur des terres publiques, le long des routes où des familles s'installent dans des tentes couvertes de bâches noires. Les terrains propices aux acampamentos sont identifiés et localiser par le Mouvement, généralement à proximité de terres en friches.

Durant cette période de campement, les familles vont être formées aux idées et pratiques du MST. Elles vont se structurer en nucléo par groupe de 10, élire des coordinateurs et coordinatrices, développer une réflexion collective sur leur future installation.


Les thèmes de travail du Mouvement y sont bien entendu développés.
Les questions de santé, d'éducation, de sécurité des personnes sont omniprésentes durant cette phase.
Certains acampamentos regroupent des milliers de familles et peuvent durer plusieurs années.

 

 

 

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©MST - Emblématique d'un acampamento :
les tentes recouvertes de bâche noire, imperméable et les drapeaux du MST qui flottent au vent à différents endroits.

 

 

Pour découvrir l'acampamento Guarulhos, cliquez ici.

 

 

 

 

 

 

 

 

Les assentamentos :

 



Une fois des terres en friches repérées, le Mouvement va organiser avec des familles issues des acampamentos leur installation. Le choix des familles pour occuper telles ou telles terres se fait de manière collective en fonction de leur préparation et de leurs affinités afin de faciliter par la suite la mise en place de structure collective de travail (coopératives…) ainsi que la cohésion du groupe.


L'identification des terres libres se fait de différentes manières : dialogue avec l'INCRA (Institut National de Colonisation et de Réforme Agraire), informations venant d'individus, analyses du Mouvement….

Une dynamique communautaire
Le Mouvement cherche d'abord à nourrir ceux qui travaillent la terre : se nourrir est un impératif dans un pays où environ 60 millions de personnes n'ont pas accès à une alimentation suffisante. Privilégier l'autosuffisance alimentaire c'est essentiellement développer des cultures vivrières et des élevages et certainement pas s'engager dans la monoculture, soumise aux caprices du marché.
Dans chaque assentamento, l'organisation repose sur une pratique démocratique du système coopératif. Les groupements paysans respectent l'indépendance de chacun autour de services communs : utilisation partagée des moyens de production, groupes de travail collectif, associations d'achat et d'utilisation de véhicules, coopératives agricoles de production. Une confédération nationale coordonne leur développement.

 

 

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Légende photo : Au fil des années et grâce à des revenus croissants, les familles de l'assentamento Lagoa do Junco ont pu construire sur leur lopin de terre personnel des maisons en dur avec un confort interne grandissant : électricité, eau courante… A côté des bureaux de la coopérative, un téléphone public sert à tout le monde

 

 



Pour découvrir l'assentamento Lagoa do Junco, cliquez ici.

 

 

 

 

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Géographie succincte

 

Le Brésil s’est 16 fois la France


5 millions de familles paysannes sans terres = 25 millions de personnes


35.000 grandes propriétés dont certaines ont une surface équivalente à celle de pays comme la France, la Suisse ou l’Espagne.

Le Brésil est le 3e exportateur de ressources naturelles dans le monde

 

C’est aussi 40 des 170 millions d’habitants qui souffrent de la faim

 


 

NAISSANCE DU MST

 

 


 

Cette naissance est consécutive à tout un passé de luttes qui trouvent leurs racines dans le colonialisme brésilien.

 

-          XVIIe siècle : Les « marrons », esclaves en fuite se regroupent dans des « quilombos », zones d’installations pour esclaves en fuite et vivent de l’agriculture familiale avec une coopération solidaire. Dans le nordeste, Palmares était un quilombo organisé en royaume pendant un siècle avec pour leader le célèbre Zumbi dos Palmares.

 

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                                                                   Monument Zumbi à Brasilia

 

 

-          1897 : Révolte des Canudos menée par Antonio Coseilheiro : il avait entrepris d’installer 25.000 personnes sur une terre conquise pour y construire une société parallèle théocratique ……répression terrible !!

 

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                                            monument en hommage aux canudos

 

 

-         1955 : Naissance des ligues paysannes dans le Pernambouc


-          1963 : plusieurs centaines de ligues regroupent 500.000 affiliés. Expérimentation de l’occupation des terres avec contraintes envers le gouvernement pour exproprier en faveur des petits paysans.


-         1964 à 1984 : Dictature militaire : Révolution verte. Mécanisation de l’agriculture, expulsion des petits propriétaires, des salariés agricoles des latifundios qui devinrent sans terres.


-          7 septembre 1979 : Rio grande do Sul : des paysans sans terres expérimentent la première occupation massive dans la fazenda Macali. Ils sont aidés par la commission pastorale de la terre (CPT), des religieux de la théologie de la libération.


-          1984 : Première rencontre des travailleurs ruraux sans terre qui officialise la naissance du MST.


-          Entre 1995 et 2000 : Plus de 80.000 familles de paysans sont forcés de quitter les zones rurales à cause de la politique de FH Cardoso.



Les principales stratégies du Mouvement se retrouvent dans les slogans successifs : 



1979-1984 : " La terre à ceux qui la travaillent "


1985-1988 : " Sans réforme agraire, il n'y a pas de démocratie "


1989-1994 : " Occuper, résister, produire "


1995-2001 : " Réforme agraire : une lutte de tous "


2001-2003 : " Pour un Brésil sans latifundia "

 

 

 

En 40 années le bilan en vies humaines est lourd :

 


-          1600 travailleurs ruraux assassinés sans poursuites juridiques contre les coupables


-          Massacre d’El Dorado dos Carajos (état du Para) : décès de 19 travailleurs ruraux

 

 

 

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Le monument érigé par Oscar Niemeyer à la mémoire des victimes a été détruit par les hommes de main des grands propriétaires.

 

 

Aujourd'hui le MST regroupe 1,5 million de personnes (300 000 familles dans les assentamentos (terres conquises), 150 000 encore dans des acampamentos (occupations).

Le MST, c’est aussi la création de 400 associations de production , de commerce et de services et une centaine de petites et moyennes industries agroalimentaires.


Le MST s'inscrit dans la mouvance altermondialiste en s'opposant aux institutions comme l'OMC ou le FMI. Elle estime en effet que la politique de l'OMC a une influence directe sur le pillage des richesses agricoles du pays. Il accuse également le FMI d'avoir soutenu la dictature puis d'avoir imposé au pays un programme économique qui est le principal responsable de la crise sociale qui touche le pays.

 

 

 

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Occupations

Le MST organise des occupations massives de terre de latifundio (avec entre 30 et 1000 familles) monte un acampamento, de là commence une bataille concrète, la répression plus ou moins tardive par la police ou par les mercenaires armés des grands propriétaires ; et une bataille juridique, le MST s’appuyant sur l’article 184 de la constitution de 1988 qui stipule que « Il incombe à l'Union de s'approprier, par intérêt social, aux fins de la réforme agraire, le bien rural qui n'accomplit pas sa fonction sociale », le débat juridique se fait sur la définition de la fonction sociale de la terre, débat sensible au rapport de force entre les mobilisations des sans-terre et le pouvoir corrupteur du grand propriétaire.

 

 

 

 

La bataille juridique peut se conclure par l’expropriation de la surface de terre occupée et la transformation en assentamento, le déblocage de subventions agricoles, de moyens publics pour le salaire des éducateurs des écoles de l’assentamento et pour le poste de santé.

Chaque famille conquiert l’équivalent de 10 à 20 hectares (selon les régions et le type de terre), qu’elle peut exploiter de façon individuelle, ou collective. Beaucoup de familles s’organisent en coopératives de production et de transformation (boulangerie, productions diverses).

La surface conquise par ces luttes est équivalente à 7 millions d’hectares, ce qui représente 2 fois la superficie du Danemark.

 

 

 

 

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                                                                      Favela de Rocinha

 

 

 

Engagement axé sur le social et l’éducation

 


Le MST s’engage dans une réelle émancipation des travailleurs ruraux liés à l’éducation et la formation :


-          Création d’écoles primaires et secondaires avec un financement public (environ 1800)


-          160.000 enfants scolarisés


-          3900 éducateurs formés avec 7 universités publiques


-          Programme d’alphabétisation pour plus de 30.000 jeunes et adultes


-          Formations techniques agricoles


-          Echanges universitaires internationaux (58 étudiants en médecine sont à Cuba)


-          Eveiller les consciences rurales à la citoyenneté, les droits sociaux, culturels et politiques.


-          Mise en place d’une pédagogie particulière : la pédagogie libératrice de Paulo Freire, éducateur brésilien, prêtre et auteur de la pédagogie des opprimés.


-          le MST a entamé la construction de son école nationale, Florestan Fernandes, destinée a accueillir des jeunes et des adultes venus de tous horizons, et former ainsi les futurs militants et dirigeants du Mouvement .

 

Chiffres 2004

 

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Critiques et oppositions

 

Le MST est le mouvement de résistance au libéralisme le mieux organisé au monde, ce qui n’est pas du goût de tout le monde évidemment …..


Au Brésil, c’est le mouvement de masse de lutte pour la terre qui a duré le plus de temps dans l’histoire du pays.

La presse brésilienne par contre véhicule les idées de l’opposition en comparant les paysans sans terres à des terroristes voire des talibans du Brésil.

La justice brésilienne a poursuivi plusieurs fois le mouvement

 

Le MST a organisé du 1 au 17 mai 2005, la plus grande marche populaire de l'histoire brésilienne, avec plus de 12 000 personnes marchant de goiania à Brasilia c'est-à-dire 300 kilomètres. Le but de la marche était de faire pression sur le Gouvernement Lula pour qu'il tienne ses promesses électorales en ce qui concerne la réforme agraire (installation de 400 000 familles avant la fin de son mandat en 2006).

 

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Et la politique de Lula et de Roussef en faveur des sans terre ?


 

Pour en savoir plus, suivre les liens :

 

Brésil : huit ans de Lula et la réforme agraire

 

Blog monde diplo : Le Brésil, puissance agricole ou environnementale ?

 

 

 

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                                                            Monument en l'honneur des MST à Curitiba

 

 

 

Deux sites sympas :

 

http://www.autresbresils.net/

 

 

Amis des sans terres du brésil

 

 

 

 

 

SOURCES : wikipédia, bonjour brasil, france FDH terra

 

 

 

Caroleone

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Brésil

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