Colombie : le fascisme criollo a un visage : uribe

Publié le 13 Juin 2009

COLOMBIE : LE FASCISME CRIOLLO* A UN VISAGE : URIBE

Le fascisme, dans ses caractéristiques générales a un besoin indispensable d'avoir un leader, un chef (Duce/Fürher) qui se présente comme une fusion leader-peuple. Le leader du fascisme criollo est Álvaro Uribe Vélez.

Auteur: Johnson BASTIDAS

 


« Mais je peux vous dire que la grande majorité d'entre nous soutenons Uribe parce que nous avons reçu des instructions des commandants et nous avons obéi ainsi dans tous les départements du bloc nord [des Autodéfenses unies de Colombie, les paramilitaires mafieux d'extrême-droite, NdE Tlaxcala]. Comme le discours idéologique d'Uribe paraissait calqué sur le nôtre mais dans la légalité, nous l'avons soutenu immédiatement. »

 

Salvatore Mancuso, Cambio, 29/05/2009

 


En Colombie, le fascisme ne cache plus son visage. Lorsqu'un poète, un journaliste ou un chroniqueur d'opinion ou un universitaire devient dangereux pour un régime, parce qu'il émet une critique ou un point de vue différent de celui du régime, cela s'appelle fascisme et dans toutes les langues.

En Colombie, les principes de base du fascisme s'imposent dans la pratique quotidienne de l'exercice du pouvoir politique, économique et militaire du régime colombien.


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Le chef


Le fascisme, dans ses caractéristiques générales a un besoin indispensable d'avoir un leader, un chef (Duce/Fürher) qui se présente comme une fusion leader-peuple. Le leader du fascisme criollo est Álvaro Uribe Vélez. Mais nous devons le dire clairement, le fascisme criollo ne s'épuise pas dans la figure du narco-président, Uribe synthétise ces principes et il les représente, mais il est seulement un instrument pour matérialiser ce projet de pouvoir. Depuis le Palais, personne ne prend la peine de démentir ou de cacher les principes de base de ce projet. Au contraire, ils sont justifiés avec toutes sortes de sophismes et d'écrans de fumée pour le légitimer avec l'idée qu'Álvaro Uribe, est sans aucun doute l'homme qui va sauver la Colombie.

L'oligarchie colombienne porteuse du fascisme véhicule chaque jour l'idée d'un Uribe porteur de certaines valeurs nationales qui synthétisent censément notre salut, Uribe est notre salut, il est un homme courageux, franc du collier, un véritable patriote. Ces éléments sont renforcés par la triade bien connue : tradition, famille et propriété. Les photos qui illustrent ces attitudes sacrées du fascisme créole sont : Uribe à genoux et priant, Uribe entouré de ses enfants, Uribe avec son ton paternaliste devant les conseils communautaires, et Uribe criant pour défendre sa mission sacrée.

Ce menu a besoin de créer ou d'inventer constamment un ennemi pour justifier sa propre existence : l'insurrection colombienne, particulièrement les FARC-EP. Pour le fascisme la lutte de classes n'existe pas, il n'y a que des ennemis spécifiques, réels ou imaginaires. Pour s'affirmer, ce menu a besoin de transmettre quotidiennement l'idée que l'on est en train de gagner, idée parallèle à la popularité du chef. Les rapports de guerre, méticuleusement préparés, parlent de défaite constante de l'insurrection, tant de pertes, tant de démobilisés, tant de déserteurs, tout cela additionné se traduirait par la fin de l'insurrection. Ceci explique comment chaque jour des sondages de complaisance nous rappellent ses 80% de popularité. Sa popularité augmente, dans la mesure où les scandales de corruption du régime se dévoilent, car ils sont présentés par la propagande officielle comme des offrandes de l'opposition politique, ou des ennemis de la nation. Le chef est présenté comme un héros de la patrie, dont les statues seront dressées sur toutes les places publiques du pays. Toute critique contre le chef est un crime contre la nation.

Cela est l'esthétique de la sécurité démocratique, ses mythes et ses symboles sont plus terrestres ; la tronçonneuse et les fours crématoires ont remplacé les fosses communes, les fosses à crocodiles, et l'extirpation de l'appareil digestif, l'idée est de ne rien laisser flotter, qu'on ne remarque rien, qu'on ne retrouve pas de traces [des disparus, NdE], qu'il y ait la peur, mais surtout la terreur.


Dans le fascisme la division des pouvoirs disparaît


C'est le chef qui régente naturellement le pouvoir, « l'État c'est moi » « le pouvoir judiciaire c'est moi » « la Cour Suprême c'est moi » « le Procureur c'est moi », « la Banque centrale c'est moi ». Tout commence et se termine par le chef, sauf les responsabilités. Dans un régime fasciste, la Cour Suprême, ou mieux, le pouvoir judiciaire est un sous-ensemble de l'exécutif. L'État s'approprie la société dans son ensemble et pour cela, il contrôle les médias, ceci explique le choix d'un vice-président médiocre, parce qu'il a deux fonctions, d'abord il ne fait pas d'ombre au chef, deuxièmement il sert de courroie de transmission face à l'oligarchie qui contrôle l'information. « L'État c'est moi » a l'armée officielle à son service, il a une armée paramilitaire privée, il contrôle le service de renseignement de l'État pour être au courant du moindre détail.


Les délits d'opinion


Pour le fascisme, le peuple n'a pas de conscience en soi, sa conscience c'est le chef. Toute opinion contraire est subversive donc elle contredit la vérité faite verbe de l'autorité suprême. La liberté de conscience n'existe pas, toute pensée est castrée. Un poète, un peintre, un comédien, un mime, un professeur, un chroniqueur, en général, les intellectuels et les ouvriers, les paysans, les noirs et les indigènes, sont tous des terroristes en puissance s'ils sont des sujets qui réfléchissent. Personne n'a le droit de penser à haute voix, et encore moins d'agir. Un crayon est aussi dangereux qu'un fusil, une pantomime aussi dangereuse qu'une embuscade, une grève aussi dangereuse qu'un article, un poème aussi dangereux qu'une guérilla. La liberté politique n'existe pas si elle ne soutient pas le fascisme criollo, tous les autres sont des traîtres, des apatrides, des terroristes. L'unanimisme de la coalition unique est imposé, celui du parti-chef, les autres ne sont rien.

La meilleure définition du fascisme colombien vient de sa caractéristique classique, qui est sa méthode d'analyse ou sa stratégie de diffusion, consistant à juger systématiquement les gens de gauche non pas pour ce qu'ils font au niveau individuel mais pour leur appartenance à un groupe [gauche égale insurrection, syndicats égale insurrection, un magistrat critique est un guérilléro infiltré, un professeur critique égale un insurgé].

Avec les membres de la droite ce n'est pas la même chose, dans ce cas les responsabilités sont individuelles, ce n'est pas la faute du ministre de l'intérieur et de la justice s'il a un frère paramilitaire. Le président n'est pas responsable du DAS**, mais il revendique tout de même ce qui est positif de l'organisme de renseignement. Le président n'est pas responsable des exécutions extrajudiciaires, les mal nommés faux positifs, mais c'est avec eux qu'il est censé gagner la guerre.


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Le fascisme criollo creuse sa propre tombe


Le fascisme fonde son pouvoir sur la terreur qu'il impose, et cette même terreur devient sa tombe. Pendant qu'il élimine l'autre, le fascisme propage l'idée d'un « nous ». Les idées dominantes sont celles de la classe dominante. Et la classe dominante fait voir que ses intérêts particuliers sont les intérêts généraux. Nous sommes tous la Colombie [allusion au slogan Todos somos Colombia, NdE], sauf les opposants.

Pendant ce temps toutes les institutions sont contrôlées pour gouverner sans opposition politique, sans contrôle juridique et en adaptant la constitution et les lois à l'image de son appétit de pouvoir. Le fascisme utilise la terreur d'État pour faire taire la critique. Les morts flottent sur les fleuves, les disparus se comptent par milliers et les fours crématoires le prouvent. La propagande fait de la réalité un sophisme et de l'horreur un mensonge face au chœur de la nation victorieuse.

On invente une autre réalité. La résistance du peuple colombien est occultée dans les médias officiels, elle est invisible devant l'unisson imposé. Mais la résistance est là, en train de se construire peu à peu, elle est comme une pièce artisanale qui prend forme, se modelant à plusieurs mains, invisible mais réelle pour que le fascisme ne passe pas.


* Criollo : terme espagnol issu du portugais crioulo et qui a donné créole en français. Il désignait à l'origine, dans la société de castes des colonies espagnoles des Amériques, les Blancs nés sur place de parents d'origine espagnols, pouvant donc faire état de la « limpieza de sangre », la « pureté de leur sang » (par opposition aux Indiens, Noirs et métis) . Aujourd'hui, dans toute l'Amérique de langue espagnole, criollo signifie simplement « local, du pays ». En Colombie, en particulier, criollo est le terme fort pour qualifier ce qui est national, toutes origines mêlées. En revanche, crioulo désigne au Brésil les Noirs et métis, tandis qu'au Rio Grande do Sul, criolo désigne les descendants d'Européens.(NdE)


** Le DAS, Departamento Administrativo de Seguridad (Département Administratif de Sécurité) est le service de renseignement colombien, avec des attributions relativement étendues: renseignement intérieur et extérieur, missions de police et anti-terrorisme, contrôle des flux migratoires. Ce service est dirigé par Felipe Muñoz Gómez, après un intérim de Joaquín Polo, suite à la démission de Maria del Pilar Hurtado Afanador, la première femme à occuper ce poste, qui avait remplacé Jorge Noguera. La valse des chefs est la conséquence des scandales à répétition qui ont entaché ce service. (NdE)

 

 

 



Qu'il abdique !


Traduction : Esteban

Révision et photos : Fausto Giudice

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Source : anncol-
Fascismo criollo tiene rostro
Article original publié le 30/5/2009
Sur l'auteur
Esteban et Fausto Giudice rédacteur du blog Basta ! Journal de marche zapatiste sont tous deux membres de Tlaxcala.
URL de cet article sur Tlaxcala :
http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=7800&lg=fr

 

 





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Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Colombie

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ON N SAIT PLUS OU DONNER DE LA TETE TELLEMENT TOUT VA MAL;