1er janvier 1994 dans l’état du Chiapas au Mexique
Publié le 1 Janvier 2010
Le 1er janvier 1994 marque l’apparition sur la scène politique mexicaine et sur la scène médiatique internationale du mouvement révolutionnaire
"zapatiste" [1] des indigènes [2] du Chiapas au cri de « ¡Ya Basta ! ».
L’État du Chiapas se situe à la pointe sud du Mexique, au bord de
l’océan pacifique, entre le Guatémala à l’ouest et l’État de Oaxaca à l’est. [3] Le Chiapas possède des ressources naturelles (55% de l’énergie hydroélectrique, 35 % du pétrole, près de 50 % du gaz
naturel et 35 % du café du Mexique) ce qui en fait un état riche économiquement. Mais comme c’est souvent le cas, le peuple ne profite que rarement de la redistribution des richesses. En
effet, sur le plan social, le Chiapas est l’un des plus pauvres du Mexique : en 2000, près des 2/3 des logements du Chiapas n’avaient ni électricité ni eau courante, 72 % des enfants ne
dépassaient pas la première année de scolarisation, et 80 % des Chiapanèques n’étaient pas affiliés à la sécurité sociale (source : wikipedia).
Le 1er janvier 1994 [4], des centaines d’indigènes descendent des montagnes et prennent par les armes quatre villes de l’État puis huit. Mairies et
édifices publics sont brièvement occupés, les prisons ouvertes ! Les insurgé.es affichent partout la première Déclaration de la forêt Lacandone [5], et se replient rapidement. Les buts des opérations n’étaient pas en effet la prise de contrôle des institutions du Chiapas, mais
de faire la preuve de l’étendue et de l’organisation de la révolte, pour amener le gouvernement à négocier des mesures améliorant la situation des Chiapanèques, en particulier en reconnaissant
aux communautés mayas
le droit à décider de leur sort et à ne pas être cantonnés dans des "réserves".
L’armée fédérale réplique violemment en faisant quelques jours des centaines de morts et de prisonniers. Les forces insurrectionnelles de
l’EZLN [6], avec son célèbre porte-parole : le sous-commandant Marcos, se retirent dans la selva profonde (forêt) pendant que l’armée cerne les zones rebelles et installe des
dizaines de campements en différents points de la région pour mater l’insurrection populaire.
Devant la résistance zapatiste, l’État mexicain décrète un cessez-le-feu unilatéral et des négociations s’engagent par l’intermédiaire de Pablo Ruiz, archevêque de San Cristobal de las casas.
Négociations qui aboutiront aux accords de San Andrès
en 1996.
Malgré les accords signés et le retrait officiel de l’armée en 1996, les exactions des militaires et des paramilitaires, liés aux partis conservateurs ou
directement à la solde de grands propriétaires, n’ont jamais cessé (assassinats, enlèvements…) et se poursuivent encore. La lutte aussi
continue…
- Voir en complément :
Déroulement du soulèvement et chronologie.
enlacezapatista, le site de liaison de l’EZLN et zeztainternazional, un autre site de l’EZLN, essentiellement centré sur les rencontres entre zapatistes (les 2 en espagnol)
Le site web du Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte (cspcl).
Pourquoi la révolte au Chiapas ? dans le Monde Diplomatique.
État des lieux des communautés zapatistes (caracoles), par Gloria Munoz Ramirez, journaliste mexicaine.
Les photos de 1994 d’ Antonio Turok.
- La troisième rencontre intergalactique a eu lieu du 28 au 31 décembre 2007. Son sujet essentiel était la participation des femmes au mouvement zapatiste et leurs problématiques. Rendez-vous pour des aperçus de cette rencontre avec le récit d’une lyonnaise : Les femmes zapatistes rencontrent les femmes du monde, des enregistrements audio sur enlacezapatista, et surIndymedia Chiapas et son streaming radio.
[1] Zapatisme et zapatiste : termes créés en hommage au révolutionnaire Émiliano Zapata.
[2] Indigènes : en espagnol, c’est le terme indigénas qu’il faut utiliser, le mot indios étant aussi péjoratif que nègre en français.
[3] Pour les luttes dans l’État de Oaxaca, voir sur Rebellyon ici et là.
[4] La date du 1er janvier 1994 n’a pas été choisie au hasard. Au delà de la symbolique du 1er janvier comme début d’une nouvelle année et au fait que les insurgé.es comptaient bien profiter de la fatigue et d’une baisse de vigilance des oppresseurs à la suite des agapes de fin d’année, c’est aussi ce jour-là qu’est entré en vigueur l’ALÉNA, accord de libre-échange nord-américain. Cet accord a créé une zone de libre échange entre le Canada, les États Unis d’Amérique et le Mexique ; il est toujours dénoncé par les mouvements altermondialistes.
[5] Déclarations de la forêt Lacandone : la première à lire en français sur le site ezln.org ; les suivantes, toujours en français sur le site du cspcl.
[6] EZLN : Ejército Zapatista de Liberación Nacional = Armée zapatiste de libération nationale.