Pérou : L'agroécologie comme graine de résistance
Publié le 26 Septembre 2025
Publié le 23/09/2025
Photos : Wilman Caichigua Robles.
L'agroécologie, plus qu'une simple rhétorique, s'affirme comme une graine de résistance. Une graine nourrie d'organisation, de mémoire et de mobilisation politique. La question demeure : les autorités finiront-elles par écouter, ou continueront-elles d'adopter un modèle qui empoisonne, expulse et détruit ?
L'agroécologie dans les Andes du Sud : le germe de la résistance à l'abandon de l'État
Par Wilman Caichihua Robles*
23 septembre 2025.- Face à un scénario de crise alimentaire, environnementale et économique, le Mouvement Agroécologique Sud-Andin (MASA) émerge comme une proposition qui cherche à intégrer les savoirs ancestraux à l'influence politique pour défendre la vie et le territoire.
C'est ce qu'a annoncé l'ingénieur Yerssey Caballero Palomino, directeur de l'Institut pour le développement et l'environnement (IDMA) d'Abancay et président du mouvement, lors d'une interview radiophonique sur « Chaski Willakuy » sur Radio Alegría, dans laquelle il a passé en revue la 2e Rencontre sud-andine « Agroécologie pour le bien vivre ».
L'événement a été parrainé par l'IDMA, le MASA, des organisations, des producteurs et des universitaires, et s'est tenu les 18 et 19 septembre à Abancay, Apurímac.
Tisser l'identité : un rassemblement de connaissances et de rêves partagés
Cet événement était bien plus qu'un espace de discussion ; il concrétisait la proposition du MASA. Sous le slogan « L'agroécologie pour le bien-vivre », plus de 150 producteurs de Cusco, Apurímac, Puno et Ayacucho, ainsi que des délégations boliviennes, ont convenu que l'agroécologie n'est pas seulement un mode de production alimentaire, mais une approche globale pour défendre la vie, préserver la terre et renforcer la communauté.
Le salon « Tisser l'identité » était au cœur de l'événement : un marché dynamique où produits, semences et, surtout, savoirs étaient échangés. « Les marchés locaux ne sont pas seulement des espaces d'interaction, ils sont aussi des espaces de revalorisation des savoirs, de la biodiversité, de l'éducation et de la résilience », a déclaré Liza Meza de Slowfood, l'une des participantes.
Les discussions de groupe ont permis de partager des réflexions et des propositions concrètes pour renforcer l'agroécologie. Liz Farfán, présidente de l'Association des producteurs agroécologiques de Chakramanta, a souligné la motivation sous-jacente : « Les communautés doivent promouvoir l'agroécologie pour notre santé et celle de nos communautés. »
Les voix des communautés autochtones ont trouvé un écho auprès d'Hilaria Máxima de la Cruz, qui a déclaré : « Nous ne sommes pas un ornement, nous sommes une sagesse vivante. C'est pourquoi il est nécessaire de nous unir pour apprendre à nos enfants à défendre nos territoires en redevenant des communautés autochtones. »
Une réponse collective aux crises
L'ingénieur Caballero a contextualisé l'émergence du MASA comme une réponse urgente. « Nous traversons de nombreuses crises : alimentaire, car nous ignorons l'origine des produits contenant des produits agrochimiques ; économique, avec des politiques qui portent atteinte à nos libertés ; et environnementale », a-t-il souligné.
Face à cela, l’agroécologie apparaît comme la voie à suivre, même si ses pratiques ont historiquement été déconnectées.
« Chaque expérience était isolée : une à Pichirhua, une autre à Chacoche, à Cusco, à Puno… parce qu’elles n’étaient pas connectées, elles n’avaient pas assez de pouvoir pour générer un changement social », a-t-il expliqué.
Cette deuxième rencontre a consolidé l'identité du mouvement, en s'appuyant sur les expériences réussies dans des pays comme la Colombie, où le financement public de l'agroécologie a été assuré.
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Plus que technique, un engagement politique et culturel avec une base juridique
Le dirigeant du MASA a insisté sur le fait que l'agroécologie transcende le côté technique. « Elle aborde toutes les dimensions des crises climatique, hydrique et sociale », a-t-il déclaré. Le plan d'action prévoit notamment de contester les espaces politiques où se décident les ressources actuellement exploitées par les activités extractives.
À cet égard, Gabriel Mejía, directeur de l’IDMA, a souligné que la lutte concerne également les lois construites à partir de la base.
« Si une politique ne part pas de la réalité, elle ne répond pas à un besoin. La loi SGP, la loi 30983 (2019), est une loi élaborée de manière participative et partant de la base », a-t-il expliqué, faisant référence à la loi sur le système de garantie participative, qui garantit l'authenticité des produits agroécologiques.
L'absence de politiques publiques et le paradoxe de la pauvreté
Interrogé sur les politiques publiques, Caballero s'est montré critique. Il a dénoncé le paradoxe des taux élevés de malnutrition et d'anémie dans des zones hautement productives comme Andahuaylas et Chincheros, mettant en cause un modèle qui privilégie les monocultures destinées à l'exportation.
« Le budget public sert à accroître la pauvreté et la malnutrition. L'agroécologie, en revanche, n'a reçu aucun soutien de l'État », a-t-il souligné.
Un exemple concret est la lutte inégale entre des marchés comme « Chakramanta » et les supermarchés. Caballero a alerté sur la forte teneur en produits agrochimiques des produits côtiers, « liés à des maladies comme le cancer », alors même qu'ils tentent d'éliminer les marchés locaux sains.
L'agenda politique et la défense du territoire
En cette période pré-électorale, le MASA prévoit de présenter sa déclaration publique aux candidats, de participer aux débats et de contester les politiques néfastes. Il abordera également la question de l'exploitation minière en amont des cours d'eau, exigeant que ces sites sacrés restent intacts.
Caballero a cité comme lueur d'espoir la reconnaissance par le ministère de l'Agriculture des « Zones d'agrobiodiversité », tout en critiquant le manque de financement de ces initiatives.
Un engagement qui culmine pour recommencer
La deuxième rencontre des Andes du Sud sur l'agroécologie pour le « bien vivre » s'est conclue par une cérémonie de clôture émouvante, réaffirmant l'engagement collectif à continuer de coordonner les efforts pour la défense de la vie, de la terre et de la souveraineté alimentaire.
La déclaration publique finale appelle au bien vivre et à la défense de la Pachamama, et exige le respect des lois en vigueur. Le mouvement prépare actuellement une rencontre nationale en novembre, également à Abancay-Apurímac.
L'agroécologie, plus qu'une simple rhétorique, s'affirme comme une graine de résistance. Une graine nourrie d'organisation, de mémoire et de mobilisation politique. La question demeure : les autorités finiront-elles par écouter, ou continueront-elles d'adopter un modèle qui empoisonne, expulse et détruit ?
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* Wilman Caichihua Robles est journaliste associé (PA), enseignant, spécialiste de l'éducation interculturelle bilingue et promoteur culturel régional.
traduction d'un article paru sur Servindi.org le 23/09/2025
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La agroecología como semilla de resistencia
La agroecología, más que un discurso, se reafirma como una semilla de resistencia (...) que se riega con organización, memoria y movilización política.
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