Guatemala : Le peuple Xinka reçoit le soutien de 27 organisations canadiennes dans son rejet de la mine Escobal

Publié le 29 Mai 2025

27 mai 2025

10h36

Crédits : Deux femmes portent des pancartes indiquant que la société minière Escobal a criminalisé plus de 200 personnes. Photo de Prensa Comunitaria

Temps de lecture : 5 minutes

 

Une lettre ouverte signée par 27 organisations canadiennes a soutenu la décision du peuple Xinka de rejeter la mine Escobal au Guatemala. La déclaration exige le respect de leur droit à l’autodétermination et dénonce les violations commises pendant plus d’une décennie de résistance contre le projet extractif canadien.

Par Prensa Comunitaria

Dans une lettre ouverte, 27 organisations sociales, universitaires et de défense des droits humains canadiennes ont réaffirmé leur soutien international au peuple Xinka du Guatemala, suite à leur décision collective de ne pas consentir à la réactivation de la mine d'argent Escobal, exploitée par la société canadienne Pan American Silver.

La lettre, publiée cette semaine par MiningWatch Canada ,  dénonce les violations des droits humains qui ont marqué le processus d'extraction dans le sud-est du Guatemala et appelle au respect du droit du peuple Xinka à l'autodétermination.

La lettre est signée par un groupe diversifié de groupes et d’institutions canadiennes, dont le Réseau canadien sur la responsabilisation des entreprises (RCRE), le réseau Frontières communes, le Réseau de solidarité contre l’injustice minière, le Laboratoire Lagopède de l’Université du Québec, l’Unité de recherche en droit autochtone, Inter Pares, le Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL) et plusieurs organismes régionaux du mouvement Briser le silence.

Des groupes communautaires et religieux soutiennent également la déclaration, notamment le Martha Justice Ministry, le Mining Justice Action Committee of Victoria, la Victoria Peace Coalition, Shake Up the Establishment et Codevelopment Canada, entre autres.

Le 8 mai, des centaines de Xinka se sont rendus dans la capitale pour présenter les résultats de la consultation sur la mine. Photo de prensa comunitaria

Ils s’accordent tous à dire que la décision du Parlement Xinka, rendue publique le 8 mai devant le Palais national du Guatemala, constitue un acte légitime d’autodétermination. Lors de cette conférence de presse, les autorités autochtones ont annoncé qu'après sept ans de consultation, elles n'accorderaient pas leur consentement au projet minier Escobal, arguant que le gouvernement guatémaltèque n'a pas garanti leurs droits fondamentaux, notamment l'accès à l'eau, aux soins de santé, à un environnement sain et à leur identité culturelle et territoriale.

« Nous appelons le gouvernement guatémaltèque, Pan American Silver et le gouvernement canadien à respecter les résultats de la consultation, à garantir la sécurité des autorités Xinka et à s'abstenir de toute tentative d'imposer le projet minier contre la volonté du peuple », indique le texte signé.

 

Sept années de consultation marquées par l’exclusion et l’intimidation

 

Le processus de consultation, ordonné par la Cour constitutionnelle du Guatemala en septembre 2018, était une conséquence directe du manque de consultation préalable avec le peuple Xinka avant l'autorisation de la mine. Cependant, loin de représenter un progrès dans la protection des droits des autochtones, le processus s’est déroulé dans des conditions extrêmement défavorables.

Pendant les deux premières années, les autorités Xinka ont été exclues de la table de consultation. Par la suite, elles ont été confrontées à un manque de coopération de la part de l’État et de l’entreprise pour mener des études techniques indépendantes. Le gouvernement n’a pas non plus alloué les ressources nécessaires à l’équipe technique du peuple Xinka, comme l’avait ordonné la Cour. Cette situation a été aggravée par des actes de harcèlement, des tentatives de cooptation et le meurtre d’un dirigeant communautaire.

Des dizaines de communautés Xinka se sont rassemblées pour défendre leur territoire. Photo de prensa comunitaria

Malgré ces obstacles, le Parlement Xinka est resté ferme dans son engagement à défendre le territoire, reliant des dizaines de communautés à Santa Rosa, Jalapa et Jutiapa, dans le sud-est du Guatemala. Le processus a abouti à une décision claire : le rejet catégorique de la réactivation de la mine Escobal.

 

Plus de 15 ans de résistance communautaire

 

La lutte du peuple Xinka contre le projet minier n’a pas commencé avec la consultation. Depuis 2011, les communautés organisent la Résistance pacifique de Santa Rosa, Jalapa et Jutiapa, un mouvement social qui dénonce les risques de pollution, l'épuisement des eaux, les impacts sociaux et culturels et le manque total de consentement de la part des peuples autochtones.

En savoir plusMas de 15 años de resistencia del pueblo Xinka a la mina El Escobal

Entre 2011 et 2013, de multiples consultations municipales et communautaires ont été menées, au cours desquelles des dizaines de milliers de personnes ont voté contre le projet. Cependant, en 2014, le gouvernement guatémaltèque a approuvé la licence finale de la mine et a déclaré l’état de siège dans la région. Tahoe Resources, alors propriétaire du projet, a commencé ses opérations au milieu d'une campagne de criminalisation, de militarisation et de répression qui a fait plusieurs blessés par des tirs de sécurité privée.

Des membres de la communauté ont été criminalisés pour s’être opposés à l’exploitation minière. Photo de prensa comunitaria

Depuis juin 2017, les communautés ont installé deux camps de résistance pacifique permanents pour empêcher les véhicules d’entrer dans la mine et exiger le respect des décisions de justice qui ont suspendu le projet en raison d’un manque de consultation. Ces espaces restent actifs à ce jour, servant de symbole de défense de l’eau, de la terre et de la vie.

 

Un précédent historique au Guatemala

 

La décision du peuple Xinka crée un précédent dans le pays : c'est la première fois qu'un processus de consultation formel avec un peuple autochtone dans le cadre d'un projet extractif aboutit à un rejet motivé et public du projet. Au-delà de l’aspect juridique, il s’agit d’une étape politique et culturelle dans la défense des droits collectifs et la reconnaissance du peuple Xinka, qui lui a été institutionnellement refusée pendant des décennies.

Au fil des ans, les communautés ont également démontré la viabilité de leurs propres formes de recherche et de surveillance environnementales. Des études menées par des scientifiques de la communauté ont démontré une contamination de l’eau par l’arsenic et l’épuisement des sources vitales de la région. Ils ont également défendu leur vision du monde, leur langue, leurs formes d’organisation ancestrales et leur droit à décider de leur propre avenir.

 

L'appel international

 

Les organisations canadiennes ont souligné que le droit international et les normes de responsabilité des entreprises exigent le respect du droit au consentement libre, préalable et éclairé. Elles ont également invoqué les lignes directrices canadiennes « Voix en danger », qui établissent des mécanismes pour protéger les défenseurs des droits de la personne dans des contextes à risque.

« Nous soutenons le peuple Xinka dans sa décision souveraine de rejeter la mine Escobal. Il est temps que le gouvernement canadien cesse de protéger les intérêts des sociétés minières au détriment des droits des peuples autochtones », conclut la lettre.

Alors que les communautés continuent de résister, l’affaire de la mine Escobal est devenue un emblème de la lutte contre le modèle extractif imposé et une leçon de dignité territoriale qui transcende les frontières.

traduction caro d'un article de Prensa comunitaria du 27/05/2025

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