Argentine : 146 ans après la campagne du désert : retour sur le passé

Publié le 24 Avril 2025

20 avril 2025

Écrit par : Silvina Ramírez

Il y a quelques jours, le gouvernement national a publié un message défendant la campagne du désert menée, selon ses propres termes, par le héros national du pays, le général Julio Argentino Roca. Ils décrivent la Campagne du Désert comme une étape historique fondamentale dans l’histoire de notre nation et soulignent deux conséquences : l’expansion du territoire national et la construction de l’État argentin moderne. Cette lecture biaisée ignore le génocide des peuples autochtones, la cruauté de la conquête et la consolidation de la construction d’un État exclusif, toujours conçu dos aux peuples autochtones.

Que l’histoire officielle ressuscite cet événement historique comme un événement marquant, en minimisant les énormes souffrances qu’il a causées – et continue de causer – aux communautés autochtones, témoigne d’une idéologie qui cherche, une fois de plus, à oublier les peuples autochtones, à les rendre invisibles et, au mieux, à les diluer dans une histoire nationale qui ne laisse aucune place aux différentes identités, aux autres cultures, et encore moins aux revendications territoriales des communautés autochtones qui sillonnent le pays.

Il vaut la peine d’explorer ces deux conséquences plus en profondeur. La première est de parvenir à une expansion territoriale au prix de la vie des communautés autochtones. Il semble que ce ne soit qu’un détail pour l’administration gouvernementale actuelle. L'extension pour quoi ? Pour mettre l’accent sur la souveraineté nationale, un concept si malmené et déformé ? Continuer à insister sur le fait que les communautés indigènes qui réclament le territoire sont des terroristes, des ennemis ? Continuer à insister sur la supériorité « morale » du conquérant ?

La deuxième conséquence notable est la construction de l’État moderne, tel que nous le connaissons aujourd’hui. Précisément, les dysfonctionnements de l’État ont beaucoup à voir avec la manière dont cette construction a été abordée. Avec un mépris sans précédent et en approfondissant la dépossession qui a commencé il y a des siècles, les principaux décideurs politiques insistent pour « considérer et honorer » une histoire qui s’est déroulée au prix du sacrifice des peuples autochtones préexistants. Par conséquent, un État formé sur la base d’un génocide autochtone doit repenser les fondements mêmes de sa fondation. Il semble que nous soyons très loin d’une telle situation dans un avenir proche.

L’aspect le plus grave, le plus inquiétant et le plus répréhensible est que ces messages tentent de transmettre une vision arbitraire, raciste et discriminatoire, ignorant la préexistence et l’existence des peuples autochtones et de leurs droits. Dans un tel contexte, il est difficile d’espérer une transformation du modèle étatique, avec un horizon qui se distingue par son égalité, son interculturalité et, plus encore, par sa plurinationalité. Ce sont des horizons qui restent en dehors de ce qui est possible en Argentine aujourd’hui.

Il est au-delà de toute réflexion de repenser l’État en Argentine dans ces termes. Il ne reste aujourd'hui qu'un État dévalué, abâtardi, il faut le reconnaître, par diverses administrations gouvernementales, un renforcement du monoculturalisme et de l'homogénéité, et une célébration permanente d'une « société occidentale » qui ne pense qu'à elle-même, enfermée dans le cadre étroit de ses propres valeurs, de plus en plus individualiste et éloignée du bien commun.

Une période difficile, qui suit un chemin qui exacerbe la violence, la haine et le mépris de tout ce qui ne représente pas la perspective dominante. Cependant, chaque cycle a une fin, l’horizon peut reculer, mais il ne disparaît pas. Ce message, également véhiculé pour provoquer, doit servir à réaffirmer certains aspects du pays dans lequel nous voulons vivre, à comprendre toute l’histoire de la naissance d’un État qui, à sa fondation, a laissé derrière lui une grande partie de sa population, et à appeler à la « reconstruction » d’un État sur des bases plus proches de la solidarité, de l’égalité et de la fraternité.

Photo de couverture : Roxana Sposaro

traduction caro d'un article dInfoterritorial du 20/04/2025