Chili. Polarisation et désinformation : les défis de la loi sur les espaces marins côtiers des peuples autochtones de Patagonie
Publié le 17 Mars 2025
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Publié le 14 mars 2025 / Par Communiqués de presse
Après un long processus de dialogue interculturel entre le peuple Mapuche Lafkenche et l’État, la loi 20.249, plus connue sous le nom de loi Lafkenche, a été promulguée en 2008. Son objectif était de reconnaître les espaces territoriaux le long du littoral qui ont été utilisés ancestralement par les peuples autochtones liés à la mer. Dans la pratique, la loi crée un mécanisme de reconnaissance des droits coutumiers d’usage des terres dans les espaces demandés, conformément aux obligations internationales assumées par le Chili lors de la ratification de la Convention 169 de l’OIT, en vigueur depuis septembre 2008.
À la fin de l’année dernière, une tentative a été faite pour suspendre la soumission de nouvelles demandes pendant une période d’un an par le biais d’une disposition de la loi budgétaire. Parallèlement, un délai de six mois a été fixé pour traiter les demandes en cours de traitement, rejetant celles qui ne peuvent être traitées dans ce délai limité. Cette stratégie, présentée cette fois par les députés Mauro González et Marcia Raphael (RN, droite), a été remise en question à plusieurs reprises par le Tribunal constitutionnel et par les communautés demanderesses.
Alors que l'année 2024 touchait à sa fin, les demandes d'espaces marins côtiers des peuples autochtones (ECMPO) totalisaient plus de 80, à différents stades de traitement, et ont été critiquées par les acteurs de l'industrie du saumon, le secteur des affaires et les parlementaires concernés, qui les ont accusées d'être un prétendu « frein » à l'investissement et au développement. Par conséquent, ces secteurs ont mené des campagnes de désinformation agressives, cherchant à stigmatiser les ECMPO comme un obstacle à la croissance et un supposé moteur du chômage dans les régions du sud. Ces déclarations génériques ont tendance à être faites en référence à l’élevage du saumon, une industrie qui a continué de croître au prix de graves dommages à l’environnement et aux formes culturelles des différents peuples et territoires où il est implanté.
Les ECMPO sont nés en réponse au manque de reconnaissance dans la législation sur la pêche de la relation entre les peuples autochtones côtiers et le littoral. Les espaces sont créés le long du littoral, leur gestion est confiée aux communautés autochtones pour la reconnaissance et la protection de leurs usages coutumiers, orientés vers la conservation marine et la durabilité des ressources, et compatibles avec des activités telles que la pêche, le tourisme et la recherche. Ils apparaissent comme des mécanismes de gouvernance communautaire, qui entrent en conflit avec la dynamique de pouvoir que l’industrie du saumon a maintenue au cours des dernières décennies.
Ce conflit de visions s’est transformé en un climat inquiétant d’hostilité et de haine envers ces espaces et les communautés qui les soutiennent, les défendent ou les promeuvent. Une partie de cette stratégie de désinformation a conduit à une polarisation parmi les peuples autochtones eux-mêmes, ainsi que dans leur relation avec le secteur de la pêche artisanale. « Diviser pour mieux régner », a dit un jour un empereur romain.
Dans la région de Magallanes, l'hostilité s'est matérialisée dans divers espaces de coexistence démocratique et institutionnelle, comme au CRUBC, où le dernier vote pour la création de l'espace marin côtier appelé péninsule Muñoz Gamero, demandé par une communauté Kawésqar, a été marqué par un racisme institutionnel et corporatif et une discrimination raciale, qui manquait d'arguments permettant de clarifier une connaissance minimale de ce qui était voté, ni d'espace pour entendre les propositions. Ainsi, au CRUBC, nous avons pu constater l’utilisation et l’abus des agences publiques de l’État au profit du secteur des affaires.
L’indifférence des institutions locales a également laissé beaucoup à désirer, faisant la sourde oreille aux rapports d’irrégularités, de failles dans les services de l’État et d’intervention des entreprises dans les processus spécifiques aux peuples autochtones.
Malgré les progrès significatifs réalisés par la loi Lafkenche, sa mise en œuvre a été entravée par un manque de soutien institutionnel et par la résistance de l’industrie du saumon et de la communauté politique. Cela a généré un climat de polarisation et d’hostilité qui menace la coexistence harmonieuse du territoire. Il est essentiel que l’État assume un rôle plus actif dans la protection des droits et des accords qu’il a conclus, afin que ces actions soient plus que de simples actions vides de sens.
Communauté Kawésqar Groupes familiaux nomades de la mer
traduction caro d'un communiqué paru sur Kaosenlared le 14/03/2025