Brésil : Luiz Lana : gardien de la mémoire et de la tradition Desana

Publié le 31 Mars 2025

Leader, artiste et écrivain, Luiz Lana avait 77 ans et laisse un héritage de valorisation des cultures et des droits autochtones

Vanessa Fernandes - Journaliste ISA

Jeudi 27 mars 2025 à 8h33

7 minutes de lecture

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Luiz Lana lors du lancement du premier volume de la collection « Conteurs autochtones du Rio Negro », en 1995, à São Gabriel da Cachoeira (AM) 📷 Beto Ricardo/ISA

« À nous, les frères aînés de l'homme blanc, Yebá-gõãmi a donné le pouvoir de la mémoire, la capacité de tout garder en mémoire : les chants, les danses, les cérémonies, les prières pour guérir les maladies… Nous gardons tout cela en mémoire ! Notre savoir ne se trouve pas dans les livres ! Mais à l'homme blanc, qui fut le dernier à quitter le Canot de la Transformation, il a donné le pouvoir de l'écriture. Avec les livres, il pouvait obtenir tout ce dont il avait besoin, avait-il dit. C'est pourquoi l'homme blanc est arrivé sur notre terre avec l'écriture, avec les livres. C'est ce qu'avait dit Yebá-gõãmi ! » — Extrait d’une déclaration de Luiz Lana à l’anthropologue Dominique Buchillet, en 1992 .

Le week-end dernier, avec une grande tristesse, nous avons reçu la nouvelle du décès, à l'âge de 77 ans, de Luiz Gomes Lana (Tolamãn Kenhíri), grand érudit, écrivain, artiste visuel et leader du peuple Desana.

La création du Musée Maloca, un projet de revitalisation et de reconstruction de la culture du peuple Desana, et le livre Antes o Mundo Não Existia , écrit aux côtés de son père, Umusï Pãrõkumu (Firmiano Arantes Lana), sont considérés comme de grands exemples de l'important héritage laissé par Lana. « Il a véritablement révolutionné la manière dont les connaissances autochtones sont enregistrées et partagées », estime Domingos Barreto, chef du peuple Tukano.

Couverture de la 1ère édition, 1980

Couverture de la dernière édition, parue en 2021

Publié dans les années 1980, combinant tradition orale et écrite, l'ouvrage sur la cosmologie du peuple Desana a été le premier livre écrit par des indigènes au Brésil, garantissant que la mémoire de leur peuple soit préservée et partagée au-delà des frontières de l'oralité.

Domingos souligne également le rôle fondamental de Lana dans l'organisation politique et culturelle des peuples autochtones du Rio Negro, en tant que l'un des fondateurs de la Fédération des organisations indigènes du Rio Negro (FOIRN) et président de l'Union des nations autochtones du Rio Tiquié (Unirt).

« Parmi les nombreux leaders que j'ai rencontrés, dans ma vie personnelle et tout au long de mon parcours au sein du mouvement indigène, Luiz Lana a été une source d'inspiration pour moi. C'était un grand ami, un fervent défenseur de la lutte pour la délimitation des terres indigènes et des associations, et ce que j'admire le plus chez lui, c'est son appréciation de la culture de chaque peuple de cette région de Pari Cachoeira », se souvient Domingos.

Luiz Lana a su unir des peuples divers dans la lutte pour les droits des autochtones, pour la démarcation de leurs territoires et pour la valorisation des cultures. Il a également uni deux mondes : l’oralité et l’écriture, la tradition et les archives, démontrant que la mémoire d’un peuple se renforce également lorsqu’elle trouve différentes formes de transmission.

« C'est une perte irréparable, mais son esprit demeure vivant dans la mémoire de tous ceux qui ont eu l'honneur d'apprendre de lui. Son héritage perdurera à travers ses mots, ses illustrations et la force du savoir qu'il a transmis », conclut Domingos.

L'Institut Socio-environnemental (ISA) regrette le décès de Luiz Lana et exprime sa solidarité avec sa famille et ses amis.

Que sa mémoire continue d’illuminer les chemins de résistance et de renforcement de la culture indigène au Brésil et dans le monde.

Voir ci-dessous une vidéo dans laquelle Luiz Lana commence une chanson de son peuple Desana « Folha da Palmeira Inajá » :

traduction caro d'un article de l'ISA du 27/03/2025