Urgent : Appel international après les meurtres de paysans au Honduras

Publié le 23 Février 2025

Avispa midia

Par Sare Frabes

18 février 2025

En couverture : les agriculteurs de la coopérative El Chile dans le cadre de la récupération des terres qu'ils maintiennent depuis janvier 2023. Photo : Santiago Navarro F

Dans la région nord du Honduras, au cœur de la vallée de l'Aguán, des hommes lourdement armés liés au crime organisé utilisent une série de stratégies de harcèlement contre les agriculteurs qui ont récupéré leurs terres ancestrales qui étaient aux mains d'entreprises de l'industrie de l'huile de palme.

Alors que les forces de l’ordre agissent en simples spectatrices, la violence s’intensifie, entraînant la mort de trois militants, de plus de 160 familles déplacées et de centaines de personnes vivant dans des abris temporaires. Plusieurs organisations en Europe s'expriment et pointent du doigt plusieurs entreprises.

La violence a éclaté depuis fin 2024, lorsque la Dinant Corporation , producteur d’huile de palme, apparaît comme le principal demandeur des terres qu’elle considère comme « sa propriété ».

Les accusations contre Dinant ne sont pas nouvelles. L’entreprise est au centre de controverses depuis plus d’une décennie. Elle a été accusée d’avoir participé à des actes de violence, à des meurtres et à des menaces contre des dirigeants paysans et des défenseurs des droits humains. Des organisations internationales comme la Commission interaméricaine des droits de l’homme ont dénoncé ces abus, mais les mesures concrètes prises par le gouvernement hondurien sous l’administration de Xiomara Castro restent insuffisantes.

Cette monoculture s’est étendue sur de vastes territoires au Honduras, au Guatemala et même au Mexique . Le cas du Honduras a une fois de plus mis en lumière l’industrie mondiale de l’huile de palme et ses implications pour les communautés locales et l’environnement.

Acheteurs d'huile de palme

Dans un communiqué , un groupe de 33 organisations environnementales et de défense des droits de l'homme, regroupées sous l'Initiative Romero (CIR) à Münster, en Allemagne, a lancé un appel aux multinationales - telles qu'ADM, Cargill, Pepsico, Nestlé et d'autres - de s'abstenir de faire toute affaire avec Dinant. Ces transnationales sont les principaux acheteurs d’huile de palme du Honduras et du reste de l’Amérique latine.

« Les entreprises doivent agir avec la diligence requise. Si elles continuent à acheter de l'huile de palme de Dinant, elles soutiennent la violence et les violations des droits de l'homme », a souligné Dominik Groß, expert en droits de l'homme au CIR.

Aspects de la récupération des terres sur la ferme El Chile. Malgré l'occupation par des familles paysannes, l'usine de transformation appartenant à la Corporation de Dinant reste en activité. Photo: Aldo Santiago

Depuis des décennies, des rapports font état de « vols de terres, d’intimidations, de persécutions ciblées et de meurtres de membres d’organisations paysannes et sociales, ainsi que de l’usage de la violence par les forces de sécurité et des groupes armés irréguliers, soupçonnés d’avoir des liens avec Dinant », écrivent les militants européens dans la lettre.

Suite à la pression de ces organisations internationales, BASF et Bunge ont déjà suspendu leurs relations commerciales avec Dinant. Alors que Nestlé a seulement annoncé son intention d’éliminer le fournisseur de ses chaînes d’approvisionnement. Ces organisations affirment toutefois que « de nombreuses entreprises n’ont pas encore pris de mesures ».

Le slogan des 33 organisations est clair : « Plus de commerce avec Dinant tant que les violences et les intimidations ne cesseront pas », indiquent-elles dans le communiqué.

Les déplacés

Le 24 décembre 2024, la coopérative Los Camarones a été brutalement expulsée par des groupes armés. Depuis lors, plus de 160 familles vivent dans des conditions extrêmement précaires, sans accès à la terre ni aux ressources.

Début janvier 2025, l’activiste Arnulfo Díaz a été assassiné. En février 2025, les dirigeants paysans José Luis Hernández Lobo et Suyapa Guillén ont également été exécutés. Ces événements ne sont que la pointe de l’iceberg d’un conflit qui a coûté la vie à plus de 150 petits agriculteurs depuis 2010.

Les organisations européennes soulignent que l'entreprise Dinant entretient des liens étroits avec des groupes armés de la vallée de l'Aguán et que cela « a été documenté à plusieurs reprises », précisent-elles dans leur communiqué.

Les accusations portées contre Dinant allèguent que l'entreprise a utilisé des forces paramilitaires et militaires pour expulser les agriculteurs qui résistent à l'expansion des plantations. Les stratégies utilisées par ces groupes vont de « la violence physique à la destruction des moyens de subsistance des familles qui cultivent la terre depuis des générations », indique le communiqué.

Champita, où loge une famille paysanne de la coopérative El Chile, qui subit des tentatives d'expulsion depuis le début de l'année 2025. Photo : Santiago Navarro F

L’appel international à suspendre les relations avec Dinant n’est pas seulement une réponse à la violence, mais aussi aux inquiétudes croissantes concernant l’impact environnemental des plantations de palmiers à huile. L’expansion de cette monoculture est liée à une déforestation massive, à la destruction d’écosystèmes vitaux et à la dégradation des sols. « Ces pratiques affectent non seulement les communautés locales, mais aussi les écosystèmes », affirment les activistes européens.

Quelle est la prochaine étape ?

Les organisations signataires demandent que les relations commerciales avec Dinant soient suspendues jusqu'à ce que l'entreprise mette fin aux violences. Ils rappellent également à Xiomara Castro qu’en février 2022, elle avait fait sa promesse « d’enquêter et de résoudre les conflits fonciers à Aguán, à travers une commission tripartite », promesse qu’elle n’a pas tenue.

Ils demandent donc à la présidente hondurienne de suspendre légalement les activités de l'entreprise. Ce faisant, « vous envoyez un signal fort en faveur de la protection des droits de l’homme et de la promotion de pratiques commerciales durables et éthiques », soulignent-ils dans le communiqué.

traduction caro d'un article d'Avispa midia du 18/02/2025