Voix palestiniennes : « Le monstre a déménagé à Jénine »

Publié le 30 Janvier 2025

Publié le 29 janvier 2025 / Par RedCom

 

Le génocide palestinien n’a pas pris fin avec le fragile cessez-le-feu qui a débuté le 19 janvier. Les habitants de Gaza continuent de mourir à cause des balles et des bombes, du manque de soins médicaux ou parce que leurs corps mal nourris ne peuvent pas résister aux nuits glaciales de l'hiver palestinien. Rappelons que ces plus de 2 millions d’êtres humains survivent à l’extérieur.

Par Gabriela Buamscha 

Le cessez-le-feu a contraint l'armée israélienne à entamer son retrait de la bande de Gaza. Mais en réalité, ils ont simplement recalibré leurs objectifs en direction de la Cisjordanie. Ci-dessous, je retranscris les témoignages des habitants de Jénine. Ils ont été documentés dimanche 26 janvier lors d'une réunion des Médecins contre le génocide (Doctors againt genocid, en arabe et en anglais).

 

Docteur Mais Asir. Directeur de l'hôpital Al Shifa, Jénine

 

L’hôpital Al Shifa a été fondé par mes grands-parents et mes parents avant la Nakba de 1948. Depuis lors, cette institution médicale fonctionne sans interruption. Al Shifa est un petit hôpital privé, mais il est devenu ces derniers jours l'un des principaux centres de soins de santé. La raison en est que les chars israéliens ont encerclé le seul hôpital public de Jénine et ne permettent pas l'entrée des patients, des médecins ou du matériel hospitalier. En outre, Israël a interrompu l'approvisionnement en électricité de l'hôpital susmentionné.

Ce qui se passe à Jénine est la même chose qui s'est produite dans la bande de Gaza ; nous sommes complètement assiégés par l’armée israélienne. ils détruisent les infrastructures civiles de notre ville – les systèmes d'eau potable et d'électricité. Nos rues sont également rasées au bulldozer. Nos hôpitaux sont attaqués.

Les soldats tirent sur tout Palestinien qui se déplace, que ce soit à pied ou dans un véhicule. Ils tirent même sur nos enfants. Le personnel médical s'est fait tirer dessus – je viens d'apprendre qu'un de mes collègues a été abattu par un tireur isolé israélien et a été blessé au bras et à la jambe.

Le 25 janvier, un soldat israélien a assassiné une fillette de 2 ans. La petite fille a été abattue chez elle alors qu'elle était dans les bras de sa mère. La famille a tenté de l'emmener en voiture à l'hôpital situé à quelques minutes de chez elle. Cependant, ils sont restés bloqués dans la rue pendant près de deux heures. La petite fille s'est vidée de son sang, entourée de sa famille impuissante.

Jusqu'à présent, nous avons dénombré 14 martyrs. Tous les corps sont toujours à l'hôpital car, à cause du siège, leurs familles n'ont pas pu les enterrer.

Je le répète, si vous êtes blessé par balle, vous ne pouvez pas être transporté à l'hôpital parce que, premièrement, un grand nombre de rues sont détruites, et deuxièmement, parce que tout être humain qui passe est abattu par des tireurs isolés israéliens. C'est inacceptable !

 

Docteur Khaled Asir. Médecin de Jénine

 

Il y a quatre jours [22 janvier 2025] à l'hôpital, nous avons eu une patiente en travail compliqué. De l'hôpital, nous avons appelé deux médecins spécialistes ; un gynécologue et un chirurgien. Le gynécologue Dr Nader Khalid a été touché au poignet par un tireur d'élite israélien alors qu'il conduisait son véhicule vers l'hôpital. Heureusement, ce collègue a pu continuer à rouler et a réussi à s'enfuir. Au même moment, le chirurgien a également été touché à la jambe et au bras par un autre tireur embusqué alors qu'il conduisait sa voiture pour se rendre à l'hôpital. Les deux collègues sont désormais des patients à l’hôpital et incapables de travailler pendant qu’ils se remettent de leurs blessures.

 

Docteur Laith Sabaneh. Directeur des salles d'opération de l'hôpital Al Shifa, Jénine

 

La situation à Jénine et dans ses hôpitaux est catastrophique. Il y a une indifférence totale à l’égard de la protection des vies humaines. Chaque être humain est abattu sans discernement.

Personnellement, je travaille à l'hôpital depuis trois jours d'affilée. En raison du danger de voyager dans la rue, je ne pourrais pas rentrer chez moi si je le voulais.

Mon hôpital manque de fournitures médicales et nous sommes presque à court d’anesthésiants. Je crains que nous devions bientôt opérer nos patients sans anesthésie et sans médicaments.

Nous n’avons pas non plus d’électricité et dépendons d’un générateur peu fiable.

Nous vivons la même chose qu’à Gaza : Israël attaque nos hôpitaux et nos agents de santé afin de détruire le système de santé. Un génocide.

Il est impossible de quitter l'hôpital. Si vous passez la tête à l’extérieur du bâtiment, un tireur d’élite vous tirera dessus.

Mes collègues et moi-même à Jénine appelons le reste du monde à agir et à mettre fin au génocide qui s'est désormais propagé à Jénine.

 

Avocat Jinan Jarrar

 

Je suis un avocat à la retraite mais je continue de travailler pour une organisation à but non lucratif.

Je crains qu'Israël ne fasse à Jénine ce qu'il a fait dans le camp de réfugiés de Jabalia. Autrement dit, démanteler le camp de réfugiés et expulser ses habitants. Ces derniers jours, des milliers de personnes ont dû quitter leur domicile et de nombreuses personnes se sont réfugiées autour de l'hôpital public de Jénine. Jénine est désormais une ville morte – tout est fermé. Il est extrêmement dangereux de circuler dans la rue. Je suis bloqué chez ma tante depuis une semaine et je ne sais pas quand je pourrai rentrer chez moi. Grâce à la fondation pour laquelle je travaille, nous recevons des appels désespérés de personnes demandant de la nourriture ou de l'aide pour être transférées vers un hôpital. Ce n'est pas une vie !

Il n’est pas possible de simplement poursuivre le dialogue avec Israël. L’année dernière, il a clairement montré que ses intentions étaient d’exterminer les Palestiniens. Les Nations Unies doivent désormais envoyer des Casques bleus pour surveiller le cessez-le-feu et protéger les civils. Autrement, le monstre génocidaire poursuivra sa folle tâche.

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Voix palestiniennes

 

Une série d'entretiens avec des Palestiniens vivant dans la Palestine historique ou dans la diaspora.

Elles sont diffusées par Radio Poder (Oregon, États-Unis) et REDCOM (Rosario, Argentine).

 REDCOM sur Kaosenlared

 

traduction caro d'un article de Kaosenlared du 29/01/2025

Rédigé par caroleone

Publié dans #Palestine, #génocide, #Droits humains

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