Mexique : Déclaration du CIPOG-EZ 5 ans après le massacre de Mexcalcingo, Chilapa de Álvarez, Guerrero
Publié le 20 Janvier 2025
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À l’Armée Zapatiste de Libération Nationale
Au Congrès National Indigène
Au Conseil Indigène de Gouvernement
Aux Organisations Nationales et Internationales des Droits de l’Homme
Aux Peuples du Mexique
Aux Médias Libres et Autonomes
17 janvier 2025
Frères et Sœurs :
Aujourd'hui, le 17 janvier, cela fait cinq ans depuis le massacre survenu à Mexcalcingo, Chilapa de Álvarez, Guerrero, où dix de nos compagnons du Conseil Indigène et Populaire du Guerrero – Emiliano Zapata (CIPOG-EZ) ont été brutalement assassinés , torturés et brûlés par le groupe narco-paramilitaire « Los Ardillos ». Ils se rendaient dans la communauté d'Alcozacán pour jouer à Tlayelpan au sein du groupe musical « Sensación ».
Parmi les victimes se trouvait un mineur d’à peine 15 ans. Ce massacre n'est pas un événement isolé, mais fait partie d'une histoire de violence et
d'extermination systématique que nos peuples indigènes du Guerrero ont subie de la part de ces groupes narco-paramilitaires qui sont de connivence et protégés par les présidents municipaux de Quechultenango, Colotlipa, Tixtla , Chilpancingo, Tierra Colorada, Chilapa de Alvarez, Atlixtac, Zitlala, Acatepec, Ayutla de Los Libres, Tecoanapa et qu'ils contrôlent les municipalités, les ministères, la police d'État, l'armée, la marine et la garde nationale, ainsi que les fonctionnaires des trois niveaux de gouvernement, quelle que soit la couleur du parti.
Cinq ans plus tard, nous n'avons toujours pas de justice. Le ministère public n'a pas enquêté de manière adéquate sur ce crime ni arrêté les responsables, même s'ils connaissent leur identité et les lieux où ils vivent et opèrent. Les dirigeants de « Los Ardillos », Celso Ortega Jiménez et son frère Bernardo Ortega Jiménez, restent libres, alors que la violence continue de manière imparable dans notre région. Les fusillades, les embuscades, les attaques, les agressions, les extorsions, les disparitions, la perception d'honoraires, la traite des êtres humains et la torture sont une constante. Parmi les victimes de cette terreur figurent des défenseurs des droits humains, des journalistes, des transporteurs, des commerçants, des enseignants, des étudiants, des femmes et des enfants. La drogue a déjà envahi les communautés de la Montaña Alta, comme Cochoapa, Metlatónoc, Tlapa et Olinalá, empoisonnant nos enfants, tandis que la vague d'insécurité continue de déferler sur nos villages.
Sur la Costa Chica, nos frères et sœurs afro et indigènes de San Luis Acatlán, Acapulco, Pinotepa Nacional et Marquelia subissent quotidiennement des extorsions, des disparitions, des meurtres et des agressions perpétrés par d'autres groupes narco-paramilitaires. Les crimes sont constants et les autorités municipales les dissimulent. Il n'est plus sécuritaire de circuler sur la route. La présence de la Garde Nationale, de l'Armée et de la Marine dans la zone est une pure simulation, puisque les narco-paramilitaires continuent d'opérer librement, contrôlant le territoire comme s'ils en étaient les propriétaires. Nous savons tout cela dans les villes du Guerrero. Combien de temps allons-nous laisser notre peuple continuer à être terrorisé par la violence et l’impunité ? Combien de temps allons-nous permettre aux autorités de continuer à ignorer nos souffrances ?
L’attaque du 17 janvier 2020 a non seulement fait dix morts, mais a également laissé huit veuves et 23 enfants orphelins. C'était un acte destiné à semer la terreur, pour que nous arrêtions de nous organiser en tant que peuples, abandonnions la défense de nos territoires, nos us et coutumes, notre propre système de sécurité et notre projet d'autonomie, pour qu'ils puissent piller nos territoires et les dépouiller de ce que nous avions et pour lequel nos ancêtres se sont battus. C'est pourquoi le CIPOG-EZ et le CRAC-PF ont été des cibles constantes de ces groupes narco-paramilitaires. Depuis 2015, 63 de nos compagnons ont été assassinés et 22 ont disparu.
Maintenant que la présidente Claudia Sheinbaum et la gouverneure Evelyn Salgado Pineda visitent notre État de Guerrero et parlent de sécurité et de justice lors de leurs conférences de presse, nous leur disons : comment pouvez-vous parler de justice alors que vous n'avez résolu aucune des injustices que nous avons subies ? Au contraire, vous avez permis à la terreur et à la violence de se propager dans notre État. Faites-leur savoir que notre revendication historique en tant que peuples autochtones et afro-descendants n’est pas payée avec des miettes, des discours et des promesses creuses. Nos enfants, pères, mères, frères et sœurs assassinés ou disparus ne reviennent pas avec ces miettes. Si vous voulez parler de justice, faites-le devant les enfants qui se sont retrouvés sans parents il y a cinq ans et qui, encore aujourd’hui, attendent que les meurtriers soient traduits en justice. Vous, présidente, vous allez et venez. Nous, nous continuons à vivre de la même manière, piégés dans ce cauchemar qui ne s'arrête pas.
Nous nous souvenons des noms de nos camarades tombés au combat, qui ont été tués dans cet acte de lâcheté. Ce n’étaient pas seulement des chiffres ; c'étaient des personnes qui avaient des rêves, des enfants, des parents, des maris, des amis :
1. José Julio Fiscaleño Hilario, 37 ans, agriculteur, père d'une fille.
2. Cándido Fiscaleño Hilario, 20 ans, agriculteur, père d'une fille.
3. Crescenciano Migueleño, 37 ans, chauffeur, père de deux enfants.
4. Israel Tolentino Ahuelican, 24 ans, chauffeur, police communautaire CRAC-PF.
5. Israel Mendoza Passé, 15 ans, étudiant, enfant unique.
6. Regino Fiscaleño Chautla, 27 ans, agriculteur.
7. Antonio Mendoza Tolentino, 24 ans, électricien, allait être père.
8. Florentino Linares Jiménez, 32 ans, sans enfants.
9. Juan Joaquín Ahuejote, 42 ans, ingénieur du son, père de quatre enfants.
10. Marcos Fiscaleño Baltazar, 36 ans, agriculteur, père de six enfants.
Nous n'oublions pas une seule vie. Nous exigeons justice pour nos compagnons assassinés à Mexcalcingo et pour toutes les victimes de violence dans notre État. La confiance dans le gouvernement a été perdue ; nous ne croyons plus à ses promesses ni à leur capacité à nous protéger.
Nous exigeons que le ministère public assume sa responsabilité et poursuive les coupables, tant matériels qu'intellectuels, de ces crimes. Il est urgent de démanteler les groupes narco-paramilitaires dans le Guerrero et dans tout le pays. Si les autorités ne peuvent pas remplir leur devoir, qu’elles démissionnent, car nous ne tolérons plus le mensonge, la complicité et l’impunité. Rechercher la justice, c'est rechercher la vérité, et si le gouvernement continue de refuser de faire son travail, nous, les gens dignes qui ne nous vendons pas, agirons pour rechercher une solution de justice et de paix pour notre peuple.
Nous tenons la présidente Claudia Sheinbaum et la gouverneure de l'État de Guerrero Evelyn Salgado directement responsables de toute attaque contre les membres des communautés qui composent le CIPOG-EZ et le CRAC-PF et de toute la violence qui se produit dans le Guerrero, car elles refusent de dialoguer avec nos peuples et cachent l'insécurité que nous vivons depuis plus de 500 ans, Depuis les Yopes, Vicente Guerrero et ceux qui ont combattu aux côtés d'Emiliano Zapata, Lucio Cabañas, Genaro Vázquez et tant d'autres, nos peuples indigènes et afro-descendants du Guerrero ont résisté à l'oppression, à la dépossession et à la violence systématique.
Nos ancêtres nous ont appris que nous n’allons pas abandonner, que nous n’allons pas vendre ou abandonner. Nous continuons à nous tenir debout, dignement, organisés à travers nos assemblées, car nous savons que la justice ne viendra pas d’en haut avec des paroles vides de sens, mais d’en bas, avec l’action de personnes comme nous, unies et organisées.
CORDIALEMENT
POUR LA RECONSTITUTION INTÉGRALE DE NOTRE PEUPLE
PLUS JAMAIS UN MEXIQUE SANS NOUS
Conseil Indigène et Populaire de Guerrero – Emiliano Zapata (CIPOG-EZ)
traduction caro d'un communiqué paru sur le site du CNI le 17/01/2025