Guatemala : Victoria Tubin, Maya Kaqchikel, relève un nouveau défi au sein de la CODISRA
Publié le 22 Janvier 2025
19 janvier 2025
6h30
Crédits : Francisco Simón
Temps de lecture : 5 minutes
« Le racisme n’est pas seulement une barrière qui opprime les peuples autochtones, c’est une blessure profonde qui affaiblit le tissu social dans son ensemble, ralentissant le progrès et le développement de la nation tout entière. L’éradiquer n’est pas seulement une responsabilité des peuples autochtones, mais un engagement urgent de tous les secteurs. Tant que cette injustice persistera, notre société continuera à porter des cicatrices qui nous condamnent à un avenir stagnant et fragmenté », Victoria Tubin.
Par Derik Mazariegos
Victoria Aurora Tubin Sotz de Ical, une Maya Kaqchikel, a assumé le poste de coordinatrice de la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l'égard des peuples autochtones du Guatemala (CODISRA) le 9 janvier. Sa carrière de militante, sociologue et professeur à l’Université de San Carlos du Guatemala (USAC) la positionne comme « une figure idéale » pour diriger cette institution et affronter les défis historiques que comporte sa mission.
Avec elle, , ont assumé leurs fonctions de commissaires ; Miguel Felipe Pajarito, du peuple maya Sakapulteko ; Marvin Gilberto Martínez Norales, du peuple Garífuna ; Ana Francisca Pérez Conguache de Sebeyuque, du peuple Poqoman ; et Luis Fernando García Monroy, du peuple Xinka. Cette équipe reflète la diversité identitaire du Guatemala et a pour mission de travailler ensemble pour lutter contre le racisme structurel qui touche le pays.
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Nouveaux membres de la CODISRA. Photo par CODISRA / Facebook
L'universitaire Victoria Tubin, originaire de la municipalité de San Juan Comalapa, Chimaltenango, se décrit comme une femme maya Kaqchikel et une militante engagée dans la défense des droits des femmes, des enfants, des jeunes et des peuples autochtones. Dans un entretien téléphonique avec Prensa Comunitaria, elle a réfléchi sur le rôle de la résistance dans sa vie.
« La résilience a été une valeur centrale dans ma vie. Je viens d'un peuple qui s'est battu pour sa dignité pendant des siècles d'exclusion et de violence », a-t-elle indiqué.
Ses paroles soulignent à quel point les expériences de racisme et d'inégalité dans sa communauté ont non seulement façonné sa vision, mais ont également renforcé son engagement en faveur de la justice sociale et de la défense des droits de l'homme.
La CODISRA et sa fonction
La CODISRA a été créée le 8 octobre 2002 par l'accord gouvernemental 390-2002, suite à la signature des accords de paix en 1996. Sa mission est d'éradiquer le racisme et la discrimination structurelle contre les peuples autochtones, des problèmes profondément enracinés dans l'histoire et les structures sociales du pays.
Bien que sa création ait représenté un pas en avant important vers la reconnaissance des revendications historiques des peuples autochtones, la CODISRA a été critiquée pour son autonomie limitée, ses ressources insuffisantes et le manque de stratégies efficaces pour promouvoir les politiques publiques. Bien qu’il s’agisse d’un espace pertinent pour dénoncer et rendre visible le racisme, son impact est perçu comme fragmenté, avec peu de capacité à influencer les politiques nationales.
Le processus vers le leadership
Victoria Tubin a assumé la coordination de la CODISRA de par son expérience et son parcours professionnel, mais son arrivée à ce poste ne s'est pas faite sans difficultés. Au cours de l'entretien, elle a partagé qu'elle avait d'abord hésité à postuler en raison du court délai de l'appel. De plus, elle a décidé de ne pas solliciter de lettres de recommandation, espérant que son parcours professionnel serait suffisant. Finalement, encouragée par des collègues et des leaders communautaires qui soutenaient son profil, elle a présenté son dossier.
Victoria Tubin, femme maya Kaqchikel de San Juan Comalapa, Chimaltenango. Photo de Francisco Simón
Un facteur déterminant pour sa nomination a été le règlement intérieur de l'institution. Comme expliqué, le rôle de coordinateur est attribué à la personne la plus âgée parmi les membres de la commission, un critère établi pour garantir une orientation basée sur l'expérience. Bien que ce principe ne soit pas explicitement mentionné dans l'accord gouvernemental 390-2002, dans le cadre juridique de la CODISRA, ledit accord établit dans l'article 4 que les commissaires doivent être des personnes « reconnues d'honorabilité et d'intégrité personnelle, ayant une connaissance de la culture et des droits des peuples autochtones, et avec une expérience en matière de promotion des droits de l’homme.
« Mon rôle au sein de la CODISRA, selon le règlement, est celui de coordinatrice, car je suis la personne la plus âgée du groupe. Cette position comporte de grands défis, notamment en raison des critiques auxquelles l'institution fait face depuis sa création », a commenté Tubin.
Parmi ces défis figurent les limites historiques de l’institution, notamment l’insuffisance des ressources et les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de politiques publiques efficaces. Sa gestion devrait s'attacher à répondre aux attentes des peuples autochtones et à renforcer le rôle de la CODISRA dans un contexte de racisme structurel et d'exclusion.
Les priorités de Tubin
Sous sa direction, Victoria Tubin s'est fixé comme objectif prioritaire d'étendre la présence de la CODISRA au-delà de la capitale, en l'étendant aux communautés de tout le pays. « Le racisme n’est pas seulement un problème de politiques ou d’institutions. C’est une façon de penser qui imprègne nos interactions en tant que société. Changer cela nécessite un effort collectif et une éducation qui part de la base » , a-t-elle exprimé.
Parmi les principales lignes d’action de son administration figurent :
►Promouvoir l'éducation au racisme : sensibiliser la population pour identifier et remettre en question les pratiques discriminatoires devenues banalisées dans la vie quotidienne.
►Traiter les plaintes pour discrimination : veiller à ce que les communautés autochtones, en particulier les femmes et les jeunes, trouvent un soutien efficace contre les actes de racisme et d'exclusion.
►Élargir la portée territoriale de l'institution : Amener le travail de la CODISRA dans les régions les plus vulnérables et négligées, en renforçant sa capacité de réponse dans les contextes locaux.
Ces priorités reflètent l’accent mis sur la lutte contre les aspects structurels et les expressions quotidiennes du racisme, dans le but de construire une société plus juste et plus inclusive.
Accord avec le gouvernement Arévalo
Interrogée sur le programme du gouvernement de Bernardo Arévalo en matière de prévention de la discrimination et du racisme et sur la question de savoir s'il existe un véritable accord avec la CODISRA, Tubin a répondu avec un mélange d'optimisme et de prudence. « Je pense qu'il y a une intention claire, en particulier dans les efforts du président pour élire les bonnes personnes à des postes clés. Mais nous ne pouvons pas nous attendre à ce que tout le changement vienne du gouvernement, c’est un engagement de tout le monde », a-t-elle déclaré.
La militante et sociologue a souligné que cette administration fait preuve de plus d'ouverture face aux inégalités, ce qui n'a pas toujours été vu dans les gouvernements précédents. Elle a toutefois reconnu que de grands défis persistent en raison des barrières culturelles et institutionnelles qui restent en vigueur. "Les progrès sont lents car les limites sont nombreuses, mais cette administration ouvre la porte à la construction de quelque chose de plus solide et à un travail main dans la main avec les communautés autochtones, le gouvernement et d'autres secteurs", a-t-elle ajouté.
Elle a également souligné l'importance pour les communautés autochtones non seulement de bénéficier des politiques publiques, mais aussi de participer activement à leur création et à leur application. Selon Tubin, cette façon de travailler en équipe est essentielle pour parvenir à un pays plus prospère.
Un message de résistance
En tant que sociologue, militante et professeure à l’USAC, Victoria Tubin travaille depuis des années à sensibiliser l’opinion aux inégalités structurelles qui persistent au Guatemala. Dans son message final, adressé à ceux qui partagent la lutte pour un pays sans racisme et sans discrimination, elle a déclaré : « Il est temps de laisser les divisions derrière nous et de se concentrer sur la construction d'un pays où chaque personne peut vivre dans la dignité et le respect. Ensemble, nous pouvons faire du Guatemala un exemple d’inclusion et de justice.
Consciente des défis historiques auxquels la CODISRA est confrontée, Tubin débute sa gestion avec une approche pratique et collaborative. Sa priorité est de renforcer les fondements de l'égalité, d'élargir le champ d'action de l'institution et de travailler directement avec les communautés pour rendre visibles les problèmes qui persistent dans le pays. Même si les défis sont nombreux, son engagement en faveur de solutions collectives et sa vision stratégique offrent l’opportunité de favoriser le changement dans la lutte contre le racisme et la discrimination au Guatemala.
Derik Mazariegos
Je pense, j'écoute et j'écris depuis un territoire métis, mais avec des racines du peuple Xinka. Je travaille sur la mémoire historique et les droits de la jeunesse, en essayant de ne pas perdre confiance en l'humanité, même s'il est parfois plus facile de la perdre que de trouver du bon café en ville.
traduction caro d'un reportage de Prensa comunitaria du 19/01/2025
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Victoria Tubin, maya Kaqchikel, asume un nuevo desafío en la CODISRA
"El racismo no es solo una barrera que oprime a los pueblos indígenas, es una herida profunda que debilita el tejido social en su conjunto, frenando el progreso y el desarrollo de toda la nación ...