L'héritage de la douleur du caoutchouc chez le peuple Huitoto
Publié le 28 Septembre 2024
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Publié : 24/09/2024
"Au cœur de l'Amazonie, là où les racines des arbres s'entrelacent et où la rivière Putumayo murmure d'anciennes histoires de douleur et de résistance, les Huitoto vivent toujours. Nous sommes les gardiens de la selva, les gardiens du cœur de la terre pour soutenir la planète."
Une histoire de douleur et de survie : l'héritage du caoutchouc chez le peuple Huitoto
Par Arlen Ribeira Calderón*
24 septembre 2024.- Le peuple Huitoto, appartenant à la famille linguistique Bora-Witoto, habite depuis des siècles les selvas amazoniennes de Colombie, du Pérou et du Brésil. La selva est bien plus que leur maison ; c'est le centre de leur spiritualité, de leur culture et de leur identité. Cependant, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, leur monde a été bouleversé par l’arrivée de la « ruée vers le caoutchouc ». La demande internationale de caoutchouc, essentielle à l’industrie automobile en pleine croissance, a conduit les entreprises européennes et nord-américaines à exploiter les vastes ressources de l’Amazonie, avec des conséquences dévastatrices pour les peuples autochtones.
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carte de la province de Putumayo au Pérou, wikipedia
La tragédie du caoutchouc
Dans la région de Putumayo, la Casa Arana, dirigée par Julio C. Arana, fut transformée en 1907 en « Peruvian Amazon Rubber Company », basée à Londres et avec une participation importante de capitaux britanniques, soutenus par un capital de 1 000 000 £. Julio C. Arana a réussi à établir avec succès des agences commerciales du caoutchouc à Londres et à New York, élargissant ainsi son empire. Pour augmenter ses profits, Arana a soumis les peuples indigènes, notamment les Huitoto, à un régime d'une extrême brutalité mêlant esclavage et génocide.
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Casa Arana, où ont été administrés les crimes qui persistent à ce jour. Source de l'image : https://www.portafolio.co/tendencias/casa-arana-interior-crimenes-perduran-137812
Les Huitoto, ainsi que d'autres communautés autochtones, ont été capturés, torturés et forcés d'extraire du caoutchouc dans des conditions inhumaines et atroces. Les entreprises du caoutchouc, poussées par leur insatiable ambition de richesse, ont non seulement exploité de manière dévastatrice les ressources naturelles de l’Amazonie, mais ont également anéanti les peuples autochtones qui vivaient en équilibre avec la selva et en prenaient soin comme leur foyer. L’extraction du caoutchouc à cette époque a laissé un héritage de mort et de destruction, effaçant presque complètement les premiers gardiens de la forêt amazonienne.
On estime qu'environ 100 000 indigènes, pour la plupart Huitoto, sont morts à la suite du génocide du caoutchouc dans le Putumayo.
L'horreur a été documentée par le consul britannique Roger Casement, qui a exposé au monde les atrocités commises au nom du progrès et de l'industrie. On estime qu'environ 100 000 indigènes, pour la plupart Huitoto, sont morts à la suite du génocide du caoutchouc à Putumayo. Actuellement, environ 1 300 Huitoto survivent à Putumayo, du côté péruvien, dont 70 parlent couramment leur langue puisque la majorité a été asservie par leurs patrons, emportant avec eux la douleur et le traumatisme de cette période sombre. Les Huitoto ont été dépouillés non seulement de leurs territoires, mais aussi de leur culture, de leur spiritualité et de leur droit à la vie.
Le combat pour la survie
L’histoire du peuple Huitoto est une histoire de résilience et de résistance. Malgré les horreurs du boom du caoutchouc, les Huitoto se sont battus sans relâche pour protéger leur culture et leurs terres ancestrales. Traditionnellement, ils vivaient dans des malocas, de grandes maisons communautaires où plusieurs familles partageaient un espace de vie dirigé par le couple le plus averti. L'agriculture (chacras entretenues), la chasse, la pêche et la cueillette constituaient la base de leur économie, complétées par de profondes pratiques culturelles telles que la cérémonie du « Mambe » au cours de laquelle les hommes se rassemblaient pour consommer des feuilles de coca grillées pulvérisées afin de transmettre un savoir ancestral.
L'exploitation du caoutchouc a profondément perturbé cet ordre. Les entreprises du caoutchouc ont mis en œuvre des tactiques terroristes : meurtres de masse, démembrements, torture jusqu'à ce que l'on voit les os et déplacements forcés. La destruction des malocas (maisons traditionnelles des Huitoto), les meurtres aveugles et l'imposition d'une économie esclavagiste ont conduit à la fragmentation de la société Huitoto. Les tambours de communication, les manguaré, qui transmettaient des messages importants entre malocas, restaient silencieux. Les clans ont été décimés, les cérémonies sacrées interrompues et les curacas, chefs spirituels et sociaux, ont été tués, laissant les Huitoto désorientés et vulnérables.
L'injustice persistante
Malgré les dénonciations internationales et les rapports détaillés sur les atrocités, comme celle de Roger Casement, l'impunité a prévalu. La Compagnie péruvienne d’Amazonie et Julio César Arana ont poursuivi leurs opérations pendant des années, protégés par l’indifférence des gouvernements et des élites qui bénéficiaient de l’exploitation. Arana est mort paisiblement au Pérou, recevant les honneurs lors de ses funérailles, tandis que les peuples indigènes du Putumayo étaient relégués dans l'oubli.
L’Église catholique et l’État péruvien, qui auraient dû protéger les peuples indigènes, ont lamentablement échoué.
L’Église catholique et l’État péruvien, qui auraient dû protéger les peuples indigènes, ont lamentablement échoué. L’Église est intervenue timidement après que les atrocités aient été rendues publiques, établissant des missions pour « civiliser » les survivants indigènes. L’État, de son côté, non seulement n’a pas puni les responsables, mais il a caché et minimisé les crimes. À ce jour, l’État n’a jamais présenté d’excuses aux peuples autochtones pour les crimes commis, ni mis en œuvre de mesures de réparation pour les dommages infligés.
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Le British Blue Book rassemble les rapports de Roger Casement sur les atrocités commises à Putumayo. Il a été co-publié pour la première fois en espagnol par IWGIA et la CAAAP. Disponible en téléchargement sur : https://www.iwgia.org/images/publications/0568_informe_azul_para_el_eb.pdf
L’héritage de la douleur et de la résilience
Les Huitoto ont hérité d’une histoire de souffrance, mais aussi de résistance. Les conséquences du génocide du caoutchouc se font encore sentir aujourd’hui. Dans les zones où ils vivent, ils sont confrontés à des menaces constantes telles que le trafic de drogue, l'exploitation illégale des ressources et l'exclusion des efforts de conservation et de lutte directe contre le changement climatique. Malgré cela, ils ont formé des organisations comme la Fédération des communautés autochtones frontalières du Putumayo (FECONAFROPU) pour lutter pour la protection de leurs territoires, la préservation de leur culture et la reconnaissance de leurs droits.
L'histoire des grands-parents d'Arlen Ribeira, qui se sont échappés de La Chorrera lors du boom du caoutchouc, témoigne de l'esprit indomptable du peuple Huitoto. Malgré la mort, la violence et les déplacements, ils ont trouvé la force de survivre, de se réfugier dans la selva et de reconstruire leur vie. Cet héritage de survie et de résistance est une source d’espoir et de détermination pour les générations futures de Huitoto.
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Peuple indigène Huitoto en conditions d'esclavage lors d'un raid dû à la fièvre du caoutchouc. Source de l'image : Wikipédia .
Un appel à la justice et à la reconnaissance
L’histoire du caoutchouc est l’une des pages les plus tragiques de l’humanité, et les souffrances des Huitoto symbolisent le coût humain de l’avidité et du colonialisme. Tandis que les entreprises du monde entier bâtissaient leurs empires et modernisaient leurs nations, les Huitoto en payèrent le prix de leur sang, de leur culture et de leur existence même. La selva, qui leur donnait autrefois subsistance et vie, est devenue leur prison et leur tombeau.
Aujourd'hui, les Huitoto continuent de lutter pour un avenir dans lequel leurs droits seront respectés et leurs contributions à l'humanité seront reconnues. Leur résistance et leur engagement à protéger l’Amazonie représentent un appel urgent à la justice, à la réparation et à la réconciliation. Les sacrifices du passé ne doivent pas être oubliés et les voix des Huitoto doivent être entendues, non seulement comme un souvenir douloureux mais aussi comme un symbole de la lutte pour la dignité et la survie des peuples autochtones du monde entier.
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* Arlen Ribeira Calderón est l'actuel président de la Fédération des communautés autochtones frontalières de Putumayo (FECONAFROPU). Il a compilé des informations sur le génocide impuni du caoutchouc à partir de divers documents, de sources Internet et, surtout, des récits de ses grands-parents, qui vivaient à La Chorrera, une région où le génocide a été commis et qui ont été témoins directs d'atrocités inimaginables. Arlen a également promu des initiatives pour la création de la Maison de la Mémoire Huitoto, un espace dédié à la mémoire, le soin et à la guérison de son peuple. Arlen Ribeira souhaite que ces tragédies ne se reproduisent plus nulle part dans le monde et appelle à la fraternité et à la coexistence pacifique entre toute l'humanité.
traduction caro d'un article paru sur Servindi.org le 24/09/2024
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El legado de dolor del caucho en el pueblo Huitoto
"En el corazón de la Amazonía, donde las raíces de los árboles se entrelazan y el río Putumayo murmura historias antiguas de dolor y resistencia, aún vivimos los huitoto".
https://www.servindi.org/24/09/2024/el-legado-de-dolor-del-caucho-en-el-pueblo-huitoto