Chili : Au peuple de la nation Mapuche : les droits territoriaux, politiques et culturels ne sont pas compromis
Publié le 19 Août 2024
Publié le 17 août 2024
par Hector Llaitul
Plus de 70 jours de grève de la faim qui ont commencé par la demande d'annulation d'un procès basé sur la persécution politique et qui m'ont condamné arbitrairement et injustement à 23 ans de prison pour les « crimes » prévus dans la loi sur la sécurité de l'État. Une condamnation qui a été ratifiée par la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire du Chili qui a également fonctionné de manière raciste et sous la pression économique et politique, en raison des intérêts contre lesquels se confronte la cause mapuche sur le territoire ancestral.
J'ai pris la décision de continuer cette grève de la faim, exigeant mon transfert au module Comuneros de la prison de Temuco. Il n'y a ni résignation ni défaite dans cette décision, bien au contraire, puisque je continuerai à protester et à me battre pour obtenir mon retrait des poursuites devant les tribunaux internationaux, principalement devant la CIDH (Cour interaméricaine des droits de l'homme des Nations Unies -ONU-).
La demande de mon transfert vers un module communautaire est due à ma conviction de continuer à lutter même depuis la prison politique, afin que les institutions de l'État chilien respectent au moins la condition mapuche, la culture d'un peuple indigène, dont je fais partie. En effet, il est de notoriété publique que mes poursuites et ma condamnation concernaient des persécutions politiques et culturelles. C'est parce que je suis un leader et un Werken de la Coordination Arauco Malleco -CAM-.
C'est pourquoi je suis obligé de dénoncer et d'affirmer une fois de plus mon statut actuel de prisonnier politique mapuche et parce qu'à proprement parler, l'existence des modules destinés aux membres de la communauté dans les prisons chiliennes est le résultat de grandes mobilisations que nous avons menées - en collaboration avec les communautés - les Weichafes persécutés et emprisonnés pour la cause mapuche il y a des décennies. À cette époque, les institutions chiliennes, tant les tribunaux que la gendarmerie, ont été obligées de créer et de mettre en œuvre la Convention 169 de l'OIT, qui détermine clairement le respect des droits culturels des membres d'un peuple indigène, d'autant plus s'ils sont poursuivis et/ ou condamné pour revendication territoriale.
Maintenant, si nous lisons attentivement ma phrase, elle dit que j'ai perdu ma liberté, mais nulle part dans cette fausse résolution il n'est dit que j'ai perdu mon droit de continuer à être Mapuche. Nulle part il n'est exprimé que j'ai perdu mon droit de continuer à pratiquer ma culture et de rester lié à mon monde mapuche, aux aspects les plus fondamentaux de mon territoire, à ma famille et à ma communauté, à mon Lof. De plus, la résolution judiciaire n'indique pas que je perds des droits essentiels tels que celui d'être soigné médicalement par mes autorités traditionnelles et ancestrales telles que les machi et les lawntuchefe.
Actuellement et depuis 2 ans, mes droits culturels ne sont pas respectés, puisque je suis détenu au CCP-Biobío-Concepción où il n'y a pas de module pour les membres de la communauté, ce qui touche également une douzaine de Mapuche.
C'est pourquoi ma plainte et ma demande de transfert au complexe pénitentiaire de Temuco - Module Comuneros - reposent sur deux raisons principales : premièrement, pour que mes droits culturels soient respectés -ka pu peñi pu weichafe- conformément à mon ancestralité et à ma proximité avec ma famille et ma communauté; et deuxièmement, parce que mon fils Pelentaro Llaitul Pezoa est également confiné dans ce module.
En ce sens, c'est un devoir pour moi de réaffirmer mon engagement que cette manière de combattre s'inscrit dans le même chemin de reconstruction de la Nation Mapuche. De temps en temps, de la condition de prisonnier politique mapuche, où l'essence et l'inspiration gagnent en force, puisque notre réalité culturelle est ce qui nous anime et nous donne l'énergie pour continuer à exister. Parce que chaque che apporte avec lui un tuwun et un kupalme qui nous identifient, nous lient et nous relient à un territoire, à une histoire, à des éléments culturels qui continuent de nous conférer le statut de Mapuche ka rufche, membres d'un peuple indigène.
En ce moment, la gendarmerie (CCPBiobío) me détient comme un prisonnier de droit commun. Je ne suis dans aucun espace où je puisse exercer de manière minimale mes pratiques culturelles et religieuses mapuche. Je n'ai pas accès à mon lawen, ni à la possibilité d'être assisté par un machi. Je n'ai pas les éléments de base pour faire des prières. Je fais Llellipun avec Fentren Newen avec Lif Piuke et ma conscience est tranquille avec le Kiñe Rupu de mes ancêtres. Mais au fond, je n'ai pas les bases pour faire Llellipun ; Nielay Murke, Mudai, Metawe, Foye.
De ce fait, ma mobilisation est pour dénoncer et obtenir mon transfert dans un module de membres de la communauté où je peux exercer mes droits culturels.
La plainte est dirigée contre l'État chilien car, dans le cadre de la criminalisation et de la répression de la cause mapuche, il a retourné toutes ses institutions contre le mouvement autonome, approfondissant ainsi la nature raciste et coloniale de la classe dirigeante. Aujourd'hui, nous observons cette action raciste de la part de la gendarmerie. Ceci, au-delà de l'ignorance et de la non-application de la Convention 169, dans l'action punitive contre les membres de la communauté mapuche emprisonnés dans les différentes prisons de l'État chilien. Il s’agit d’une action punitive-carcérale à caractère discriminatoire et répressif menée par des agents de l’État et bénéficiant de l’approbation du pouvoir politique. Car à proprement parler, la manière dont les Mapuche sont jugés et emprisonnés est la prérogative de ce gouvernement au pouvoir, et la décision de transfert au Module dépend non seulement des tribunaux mais aussi du Sous-secrétariat à la Justice ainsi que de la Direction Nationale de la Gendarmerie.
J'insiste, mon action de protestation ne vise pas seulement le transfert au Module de Temuco, mais aussi le dépôt d'une plainte pour continuer à lutter pour nos droits culturels, indépendamment du fait que nous soyons prisonniers. Nous ne devons jamais abandonner la défense de notre Mapuche Kimun, Ka Mapuche Rakiduam. C'est ainsi que cela nous a été signalé par nos ancêtres, c'est ce que nous disent les Pu Lonko Ka pu Ngen Mapu, Pu Newen.
J'appelle mes autorités traditionnelles, Pu Machi, Pu Lonko, Pu Werken… Kom pu che, à faire preuve de solidarité et à accompagner un mouvement en faveur des prisonniers politiques mapuche, à la fois pour obtenir leur liberté et le respect de leurs droits culturels alors qu'ils sont kidnappés par l'État chilien.
Mon engagement en tant que weichafe PPM (Prisonnier Politique Mapuche) et avec mon rôle de werken de la CAM : je ne vous abandonnerai pas. Depuis ma prison, je continuerai à réaffirmer la lutte territoriale et politique de mon peuple, en maintenant avec plus de force et de conviction que nos éléments culturels ne doivent en aucun cas être compromis, que ce soit en dehors où nous coexistons avec la militarisation et la répression aveugle, et ici, en faisant de la prison, un autre bastion de lutte.
Le Kiñe Rupu est le chemin naturel d'un che et doit être lié à son mapu avec vision du wallontomapu, ainsi un weichafe aura le Newen, le Fentren Newen pour assumer toutes les conséquences.
Dans mon cas, même si les raisons idéalistes d'un révolutionnaire se combinent, peut-être des raisons irrationnelles et romantiques diront certains, mais ce qui est définitivement ma détermination et mon inspiration dans la vie est la libération de mon peuple, ce qui m'oblige à maintenir une position politique, à un analyse politique bien fondée. Mais au fond, ma conviction est basée sur la morale et la culture mapuche, ce qui me fait revendiquer ce qui est véritablement mapuche ; Petu Mongeleiñ, Petu nieiñ Mapuche Mongen !!
Avec le recul, je peux conclure que la lutte de mon peuple est définitivement devenue territoriale et politique, ce qui a jeté les bases de la réémergence d’un mouvement nationaliste mapuche fort ; ainsi, la lutte et ses diverses expressions lui confèrent un véritable caractère de Résistance à l’État capitaliste colonial. Cependant, la composante de la Reconstruction Nationale est attaquée à partir de différentes sources que nous devons contenir, nous devons renforcer les composantes culturelles toujours articulées avec la lutte territoriale concrète. La défense du monde mapuche est essentielle.
Il est certain que la lutte mapuche traverse actuellement un moment critique. D’une part, le gouvernement actuel s’est ouvertement subordonné à la nouvelle offensive néofasciste au Chili. C’est l’extrême droite qui cherche à apaiser, à tout prix, toutes sortes de manifestations pour la justice sociale, tout en maintenant un programme économique qui ne favorise que les puissants.
D'autre part, l'attaque répressive contre le Mouvement Mapuche Autonomiste se poursuit, que nous définissons comme une attaque organisée contre l'ensemble du peuple Mapuche, de sorte que l'action de l'État est de plus en plus de nature fasciste, où le racisme a gagné en force non seulement dans l'oligarchie mais aussi dans l'ensemble des institutions de l'État, lorsqu'il s'agit de défendre les intérêts du grand capital du Wallmapu. C’est pour cette raison que les politiques extractivistes se sont approfondies, l’ensemble du Wallmapu a été militarisé pour défendre principalement les sociétés forestières et énergétiques sur les territoires ancestraux. La répression contre les communautés est plus forte et il y a déjà plus de 100 prisonniers politiques mapuche.
Dans le contexte actuel d’adversité pour la cause mapuche, mon appel n’est pas de baisser les bras. C'est une période critique et il devient nécessaire de nous regarder en tant que peuple de la terre et de revenir à l'essence de notre lutte, de faire des sauts qualitatifs basés sur une analyse concrète de la réalité pour donner une continuité à la lutte globale que nous avons menée. Parce que le combat est territorial et affronte frontalement les plus puissants de ce pays, mais le combat est aussi pour la reconstruction nationale, il est pour la récupération et la recomposition du meilleur du monde mapuche. Celle que nous défendons tant et que les Kuifikecheyem nous ont léguée. Pour la même raison, nous devons défendre le Contrôle Territorial avec un projet de réarticulation des Communautés qui établit le Lof, ainsi que les ayllarewe, les butalmapu et notre glorieux et bien-aimé Wallmapu émergeront à nouveau.
L’essence culturelle de nos ancêtres ne doit pas être abandonnée et encore moins compromise face à la katripa du système.
Depuis la prison politique, nous continuerons à résister, en exposant nos corps si nécessaire, car le mandat, le duam, est de continuer à assumer notre Mapuche Kimun Ka Mapuche Rakiduam.
Le combat continue !
Amulepe Taiñ Weichan !!
Liberté à Pelentaro LLaitul, à tous les PPM CAM et à tous les Weichafe emprisonnés qui luttent pour leur Peuple !!!
traduction caro d'un communiqué paru sur Kaosenlared le 17/08/2024
/https%3A%2F%2Fkaosenlared.net%2Fwp-content%2Fuploads%2F2024%2F08%2FHector-Llaitul-CAM.jpg)
Al Pueblo Nación Mapuche: Los derechos territoriales, políticos y culturales no se transan
La demanda de mi traslado a un Módulo Comuneros obedece a mi convicción de seguir luchando aún desde la prisión política, para que la institucionalidad del Estado chileno respete al menos la ...