Mexique : La violence qui crie vers le ciel
Publié le 11 Mars 2023
TLACHINOLLAN
7 mars 2023
Depuis leur naissance, un grand nombre de femmes se sentent emprisonnées et condamnées à subir la violence des hommes, qu'ils s'appellent père, frère, mari, grand-père, beau-frère, dans l'environnement familial. Au niveau de la communauté, les hommes plus âgés sont chargés d'exercer le pouvoir par la violence à l'égard des femmes. La force prédomine comme seul moyen de contrôle de la population en général et d'assujettissement des femmes en particulier. Les insultes, les moqueries, le harcèlement sexuel et même le viol sont les marques que les hommes infligent aux femmes dans le cadre de cette culture machiste. Les harceleurs sont partout et les violeurs placent leurs victimes dans les endroits les plus sûrs pour commettre leurs crimes. La complicité des hommes est généralisée. Il y a une tendance maladive à faire du mal à toute femme en situation de vulnérabilité.
De même que la violence s'est répandue partout, les agressions contre les femmes se sont multipliées dans les villes et les petites communautés. Rien n'a changé malgré l'existence de nouvelles lois protégeant les droits des femmes, parce que le système judiciaire de l'État continue avec les mêmes pratiques et la même inertie, objetivisant les femmes et les traitant comme des êtres inférieurs. Ils ne respectent pas leur parole et, avec les mêmes interrogatoires, ils les revictimisent et les effraient. Les crimes contre les femmes font partie de l'activité lucrative qui se déroule dans les bureaux des procureurs et dans les tribunaux eux-mêmes. Dans la pratique, il s'agit d'appareils qui punissent les femmes elles-mêmes pour avoir osé dénoncer la violence et avoir eu le courage de pointer du doigt les auteurs. Au lieu de les protéger, on les réprimande tout en les obligeant à traverser une épreuve avec des experts qui n'ont ni le profil ni l'engagement nécessaires pour traiter la douleur des femmes avec respect.
Ce n'est pas un hasard si l'atmosphère de violence que nous respirons dans les différentes régions de l'État et que nous subissons de la part de ceux qui se sont spécialisés dans le meurtre et le viol des femmes fait de nous un État féminicide, où les alertes au genre font partie des anecdotes des fonctionnaires qui montrent comment ils dilapident l'argent avec le sang des femmes. Dans la mesure où la mort d'une fille, d'une adolescente, d'une étudiante ou d'une mère est devenue banale, elles sont la note rouge qui alimente la curiosité morbide de ceux qui se réjouissent de ces atrocités.
La violence à l'égard des femmes crie au ciel parce que dans leur propre pays, elles ne trouvent personne pour les protéger, dans leur propre État, elles n'existent pas en tant que personnes à part entière, elles ne sont pas prises en compte dans la prise de décision et dans tous les espaces publics et privés, leur parole est sous-estimée, elles sont subordonnées et subjuguées. C'est un purgatoire où elles sont obligées de payer des pénalités pour le fait qu'elles sont des femmes, elles se sentent emprisonnées dans leur propre maison et sur leur lieu de travail.
Elles doivent s'habituer au harcèlement au travail et au harcèlement sexuel pour pouvoir vivre au milieu du siège des hommes. Elles doivent se protéger à chaque instant contre les ruses et les dangers des auteurs qui se promènent en liberté. Elles ont dû se manifester, au péril de leur vie, pour faire reculer les machistes et faire entendre leur voix face à la complicité des autorités avec les violeurs et les féminicides.
Ce sont les femmes de la campagne et de la ville qui nous montrent que le pouvoir machiste a des pieds d'argile et que leur force est l'expression de leur propre lâcheté, de la peur qu'ils cachent lorsqu'ils crient et utilisent la force. Malgré les adversités et les innombrables obstacles institutionnels, elles sont descendues dans la rue pour démontrer leur force et leur courage, pour démasquer ce système misogyne et pour dénoncer la complicité des autorités avec les violeurs et les féminicides.
Leurs slogans sont le cri le plus fort qui défie le pouvoir patriarcal et démontre qu'elles ne sont plus disposées à subir stoïquement tant d'abus, encore moins à rester silencieuses, ni à être complices des violences qu'elles subissent. Elles se vengeront de tant de cruauté et de lâcheté de la part des hommes, c'est pourquoi elles se battent pour rompre avec cet esclavage et pour mettre fin à ce système obsolète qui couvre les féminicides et fait du business avec les violences subies par les femmes.
De leur côté, les autorités vivent dans le monde du spectacle, des événements somptueux et banals, des défilés frivoles pour gonfler leur ego. Elles passent leur temps sur des scènes fictives pour se montrer et regarder de haut en bas leurs fans qui les applaudissent. Il n'y a pas de place dans leur agenda pour s'occuper des victimes, qui sont plutôt étiquetées comme des personnes gênantes qui remettent en cause l'autorité et perturbent les scènes de présentation publique. Leurs priorités sont centrées sur leurs affaires et leurs projets politiques, à la recherche de moyens d'accumuler de l'argent et de se positionner dans la prochaine course électorale. Leur prestige ne leur permet pas d'être aux côtés des victimes, car ils ne sont pas d'humeur à écouter leurs tristes histoires, et encore moins à répondre à leurs besoins les plus urgents. La demande de justice des victimes reste un message plaintif qui ne trouve pas d'écho et encore moins de réponse efficace de la part des autorités.
Compte tenu de l'impunité qui règne dans l'État, le nombre de féminicides s'est multiplié et ils font une carrière criminelle pour continuer à aveugler la vie d'autres femmes. Les violeurs eux-mêmes savent déjà quel est le prix de ces crimes et connaissent le cadre juridique et légal qui existe dans le système judiciaire pour être acquittés. Les dommages sont incommensurables pour des milliers de familles qui se battent dans cette mer de larmes pour que ces crimes, qui ont détruit toute la famille et marqué à vie les fils et les filles qui ont perdu leur mère, ne restent pas impunis. Ces crimes sont les plus préjudiciables à notre société, car ils ont abrégé la vie de dizaines de femmes lâchement assassinées, détruit leurs réseaux familiaux et ensanglanté leur cœur à vie. Nous sommes une société en deuil, mais malheureusement les autorités ne respectent pas leur douleur et ne sont pas solidaires avec elles, elles les ignorent et les abandonnent, laissant une traînée de mort sur tout le territoire de notre État.
La violence contre les femmes dans le Guerrero est déchirante. Malgré les deux alertes au genre lancées dans l'État, 22 femmes ont été assassinées au cours des deux premiers mois de l'année 2023, sans que les autorités ne mènent d'enquête dans une perspective de genre. Les informations qui ressortent dans l'opinion publique ne sont que la partie émergée d'un immense iceberg d'agressions contre les femmes et les filles qui, en outre, vivent dans l'impuissance, survivant au milieu de la violence et de la pauvreté. Selon l'Institut national de la statistique et de la géographie (INEGI), l'État compte 1 840 73 femmes sur 3 540 685 habitants. Rien qu'en 2021, 11 798 décès ont été enregistrés, soit plus qu'en 2020 (10 482 décès). Cependant, en ce qui concerne les morts violentes enregistrées au cours des mois de janvier et février de cette année, deux femmes ont été assassinées chaque semaine.
En 2022, le Secrétariat Exécutif du Système National de Sécurité Publique a enregistré 3 755 femmes assassinées, dont seulement 968 cas ont fait l'objet d'une enquête en tant que féminicides. Dans le Guerrero, 128 femmes ont été assassinées, 13 ont fait l'objet d'une enquête pour féminicide et 115 pour homicide.
Acapulco et Iguala ont les taux les plus élevés de meurtres de femmes. Elles sont suivies par Buenavista de Cuéllar et Atoyac, municipalités qui n'ont pas été incluses dans les déclarations d'alerte à la violence de genre contre les femmes. La première alerte dans le Guerrero a été lancée le 22 juin 2017 pour la violence féminicide et la seconde pour l'aggravation comparative le 5 juin 2020, couvrant les municipalités d'Acapulco, Ayutla de los Libres, Chilpancingo, Coyuca de Catalán, Iguala, José Azueta, Ometepec et Tlapa.
Les vagues de violence continuent de déferler sur le port d'Acapulco. Le 5 février 2023, une femme est retrouvée battue à mort près de la route côtière. Il est 11 heures du matin lorsqu'elle est signalée à la police ministérielle. Un homme l'a battue à mort. La police a parcouru les rues, mais elle n'a jamais trouvé le responsable pour le punir. Rien ne se passe car les agressions sont récurrentes, puisque le 6 février, une autre femme de 40 ans a été retrouvée avec un garrot et battue dans la colonie Libertad. La version officielle est que des hommes armés ont jeté le corps d'une voiture en plein jour. Le même jour, à quatre heures du matin, une autre femme a été retrouvée battue à mort dans le lotissement Las Playas, près des installations de la CAPAMA.
À Iguala, le matin du 17 février, les heures trépidantes de la vie quotidienne commençaient à peine, et de nombreuses personnes se rendaient au travail comme d'habitude. Ils ont pris l'Urvan, le transport public, mais ne se doutaient pas qu'Elizabeth, 25 ans, serait abattue à cinq pâtés de maisons du Zócalo, par un homme sous les yeux des passagers. Les coups de feu ont été tirés à la tête et à la poitrine. L'agresseur a arrêté l'Urvan en toute impunité à l'angle de la rue Manuel Doblado et a tiré cinq fois sur la jeune femme depuis la portière. Personne n'a pu l'arrêter de peur qu'il ne tire sur les passagers. La police de l'État est arrivée quelques heures plus tard pour mener les enquêtes correspondantes. Le même jour, vers cinq heures de l'après-midi, des habitants de la communauté d'El Tomatal, à Iguala, ont signalé avoir trouvé une femme battue à mort à l'intérieur de sa maison. Des experts médico-légaux et du personnel du Semefo étaient présents, mais les autorités n'ont pas fourni d'autres informations.
La capitale de l'État est également le théâtre d'une violence endémique, générée par des groupes criminels organisés. Sur ses trottoirs coule le sang non seulement des hommes, mais aussi des femmes dont le corps est vilipendé, bâillonné et battu simplement parce qu'elles sont des femmes. L'un des événements récents qui a secoué le centre de Chilpancingo est celui d'une femme d'environ 35 ans, battue à mort sur la tête. Il était 10 heures du matin lorsque la police a été informée qu'elle gisait sur le sol d'une chambre de l'hôtel Plaza, sur l'avenue Juan N. Álvarez.
Le 10 février 2023, le corps de Briseyda, 32 ans, a été retrouvé dans un motel de la communauté Colonia Central d'Atoyac de Álvarez. La victime était originaire de la ville de la montaña d'Agua Fría et travaillait comme réceptionniste lorsqu'elle a été tuée. Il y a un mois, à Buenavista de Cuéllar, une autre femme a été retrouvée étranglée dans une zone connue sous le nom de El Arco. Cette brève chronique de la violence féminicide brosse un tableau sombre d'un scénario dans lequel les femmes doivent se manifester pour affronter et briser non seulement leurs agresseurs, mais aussi le système judiciaire patriarcal lui-même, qui est devenu le principal bourreau des femmes. Ce sont les mêmes femmes qui crient aujourd'hui vers le ciel qui devront demander des comptes aux autorités et traduire en justice les violeurs et les féminicides.
traduction caro d'un article paru sur Tlachinollan.org le 07/03/2023
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La violencia que clama el cielo
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