Vivre le multilinguisme au Rojava
Publié le 24 Février 2023
ANF
22 février 2023
En 1999, l'UNESCO a proclamé le 21 février comme Journée de la langue maternelle. Si cette journée a une signification marginale pour de nombreuses personnes, beaucoup d'autres, dont la langue et donc aussi l'identité sont menacées, persécutées et marginalisées, voient dans cette date une occasion de protester ou aussi de faire le point.
Les modèles étatiques monistes de la République arabe syrienne et de la Turquie sont fondés sur l'assimilation et, si cela n'est pas possible, sur l'exclusion et l'anéantissement des autres identités. Cette conception de l'État a entraîné des génocides et des massacres d'Arméniens, de Syriaques, d'Assyriens et de Kurdes. La langue kurde était presque éteinte lorsqu'une renaissance a commencé avec le soulèvement du PKK dans le nord du Kurdistan.
Le leader du PKK, Abdullah Öcalan, a développé un modèle démocratique ouvert, multi-identitaire et populaire qui a brisé les frontières de l'État-nation. Le confédéralisme démocratique s'est manifesté pour la première fois au nord du Kurdistan dans l'auto-organisation communale. Avec la révolution du Rojava en 2012, le confédéralisme démocratique est devenu un modèle d'autogestion qui a fonctionné à grande échelle et est devenu un exemple mondial.
Au-delà du principe de libération nationale, à partir duquel de nouveaux États-nations oppressifs ont toujours émergé, on a construit au Rojava un modèle dans lequel toutes les identités s'auto-organisent collectivement. Ce modèle a ébranlé la modernité capitaliste et représente la première alternative sérieuse au système dominant.
Au Rojava, une valeur particulière est accordée à la langue en tant que support de la culture. Par conséquent, le confédéralisme démocratique dans le nord et l'est de la Syrie représente une renaissance du kurde, du syriaque et de nombreuses autres langues et identités.
Le régime baasiste (en référence au parti Baas) en Syrie a réprimé, persécuté et marginalisé la langue kurde pendant 65 ans. Dans les écoles, les enfants étaient littéralement chassés de leur langue maternelle à coups de bâton. La République arabe syrienne a été explicitement fondée sur la base d'une seule identité, l'arabe. Ceux qui ne s'y conformaient pas étaient ostracisés et persécutés.
Les Kurdes du Rojava se sont vu refuser la citoyenneté, accusés d'être des immigrants du nord du Kurdistan et privés de leurs droits fondamentaux. Dans le même temps, le régime Baas a mis en œuvre une politique de "ceinture arabe" le long de la frontière (avec la Turquie). Les villages kurdes ont été renommés, une politique de colonisation arabe a été mise en œuvre et la population kurde a subi d'innombrables représailles.
Une étincelle s'allume
Jusque dans les années 1970, la population kurde éprouve un sentiment d'impuissance. En 1979, le PKK commence à s'implanter au Rojava. Abdullah Öcalan et le PKK s'installent dans la région et le Rojava devient une zone importante à la frontière du Kurdistan du Nord (Bakur, sud-est de la Turquie). Alors que d'un côté le régime d'Al Assad tentait d'utiliser le PKK comme moyen de pression dans son conflit avec la Turquie, le mouvement de liberté kurde ne s'est pas laissé instrumentaliser et a mené des programmes éducatifs dans la région du Kurdistan occidental, que l'on appelait alors le "Petit Sud". La langue kurde a été à nouveau diffusée par les militants du mouvement de liberté dans la région et les Kurdes ont réappris à parler et à écrire dans leur langue. D'innombrables personnes au Rojava ont été formées par cette expérience et ont connu personnellement les cadres dirigeants du mouvement pour la liberté. Ils racontent le courage et le réveil que cette phase a donné au peuple, et l'attachement profond au mouvement de liberté qui en a résulté. Ainsi, le calcul du régime Baas a échoué, semant les graines de la révolution dans la région qui germeront en 2012. Le régime était conscient du danger et a réprimé à plusieurs reprises les militants. D'innombrables personnes ont disparu dans les cellules de torture du régime, mais le mouvement de liberté ne pouvait plus être arrêté.
Création d'un institut de langue kurde
Avec le début des soulèvements en 2011, un institut pour le développement de la langue kurde a été fondé à Afrin. Face à sa déstabilisation, le régime a initié, à certains endroits, une libéralisation de ses politiques anti-kurdes. Ces fausses réformes ont créé le cadre dans lequel l'institut a pu être fondé, avant même la révolution.
Après la révolution, la région du Rojava, désormais dotée d'un gouvernement de base, a choisi une troisième voie et n'a pas laissé le régime ou la Turquie et ses mercenaires islamistes l'instrumentaliser. Au lieu de cela, un contrat social exceptionnel a été élaboré, dans lequel la langue maternelle est une pierre angulaire importante. Le Contrat social stipule : "Aucune distinction ne sera faite entre les langues de la région fédérale démocratique du nord et de l'est de la Syrie. Chaque personne est libre d'utiliser sa langue et de la développer dans les domaines de la société, de l'administration, de l'éducation et de la culture".
Il s'agissait d'une révolution dans la révolution pour la région. Aucune identité ne sera exclue.
La langue de l'éducation
Des institutions éducatives et des académies ont également été créées pour la protection, le développement et l'étude de la langue kurde menacée. Des instituts ouverts pour la formation des enseignants ont également joué un rôle important dans le développement de la langue. Avec la révolution, l'auto-administration du Rojava (AANES) est née. S'appuyant sur le paradigme de la nation démocratique mis en avant par Abdullah Öcalan, l'auto-administration a décidé de reconnaître le kurde, l'arabe et le syriaque comme langues officielles dans la région. Ce qui avait commencé par des cours clandestins de kurde a maintenant littéralement émergé. Entre 2012 et 2013, le kurde a été introduit comme langue d'enseignement et, depuis 2014, du matériel pédagogique en kurde est disponible.
La première école de langue kurde dans le nord et l'est de la Syrie, l'école Şehîd Fevzi, a ouvert le 6 septembre 2011 dans le district de Shera à Afrin. Puis, le 26 septembre 2011, l'école Şehîd Osman Silêman a été ouverte dans le centre-ville de Kobanê. Après cela, d'autres écoles ont été créées dans de nombreux endroits de la région de Cizîrê. L'université d'Afrin a été inaugurée le 27 octobre 2015. Le 5 juillet 2016, l'université Rojava de Qamishlo a ouvert ses portes, et l'université de Kobanê a suivi le 30 septembre 2017. Des départements de langue et de littérature kurdes ont été créés dans les universités et les académies.
La langue elle-même librement
Alors que les Kurdes apprenaient l'arabe en plus de leur propre langue, les Arabes, les Syriaques et les Arméniens de la région ont également commencé à apprendre le kurde avec beaucoup d'enthousiasme. L'héritage historique créé par l'interaction des langues et des cultures est devenu un système avec la révolution du Rojava. Chaque personne du nord et de l'est de la Syrie parle et développe sa propre langue librement, et apprend également la langue et la culture de ses voisins.
Les développements révolutionnaires dans le secteur linguistique ne se sont pas limités à l'éducation, mais ont rapidement atteint la sphère publique. Le "trilinguisme" est apparu sur les tableaux d'affichage des magasins, ainsi que sur les panneaux routiers, les avis et les publicités. Ainsi, la rupture avec la domination de l'État-nation moniste était visible dans chaque rue.
Les Arméniens et les Syriaques ont également connu un renouveau de leur langue. En Syrie, le syriaque n'était autorisé qu'en tant que langue liturgique. Aujourd'hui, il est devenu une langue officielle et il existe des cours de langue maternelle. Depuis 2014, un centre de formation des enseignants a été créé à cet effet à Qamishlo. Il a été suivi par des institutions à Tirbêspiyê, Dêrik et Hesekê.
Les Arméniens se sont organisés sous l'égide du Conseil arménien de Syrie du Nord et de l'Est, et ont rapidement mis en place leur propre infrastructure d'enseignement dans le cadre de l'autonomie. Actuellement, des préparatifs sont en cours pour introduire l'arménien comme langue d'enseignement.
Les minorités circassienne et turkmène utilisent également leur langue maternelle
Des minorités circassiennes et turkmènes vivent également dans le nord et l'est de la Syrie. La région autour de Manbij, en particulier, représente une véritable mosaïque d'identités. Alors que le régime d'Erdogan a tenté en vain d'instrumentaliser la population turkmène pour ses plans d'attaque, les Circassiens et les Turkmènes ont rejoint l'auto-administration et ont établi des conseils autonomes. Les Circassiens ont développé leur propre système d'enseignement de la langue par le biais de leurs conseils et associations. Après la libération de Manbij le 25 avril 2018, les Turkmènes ont créé leur propre comité et ont également commencé l'enseignement de la langue maternelle dans ce cadre.
L'objectif de l'administration autonome du nord et de l'est de la Syrie est de permettre aux gens d'apprendre dans leur langue maternelle dans toutes les matières proposées. Cet objectif a déjà été atteint dans une certaine mesure. Dans 4 153 écoles, 834 691 élèves reçoivent un enseignement dans leur langue maternelle. La population arabe est toujours en tête de liste, suivie des Kurdes et des Syriaques.
SOURCE : ANF / Edition : Kurdistán América Latina
traduction caro d'un article paru sur Desinformémonos le 22/02/2023
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