Pérou : Peuples autochtones et démocratie : comment mettre fin à la violence dans les conflits
Publié le 17 Février 2023
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Renforcer la participation des peuples autochtones ne consiste pas seulement à créer des bureaux et des directions à différents niveaux de gouvernement. Il faut la reconnaître, la comprendre et avoir une véritable volonté démocratique qui nous libère des préjugés et des interprétations plates qui nous consument jour après jour.
Peuples autochtones et démocratie : une réflexion sur la manière de mettre fin à la violence dans les conflits sociaux
Par Mario R. Cépeda Cáceres*
Idehpucp, 16 février 2023 - Le Pérou compte 55 peuples autochtones qui parlent 48 langues autres que l'espagnol. Leur histoire est bien antérieure à la formation de l'État péruvien et ils sont une partie fondamentale du pays, de la société que nous formons tous. Cependant, ils ont été exclus non seulement des récits historiques et du discours sur la construction de la nation, mais aussi des dynamiques économiques, politiques, sociales et culturelles au cours des dernières années.
Les chiffres présentés par la base de données des peuples indigènes ou autochtones (BDPI) du ministère de la culture sont révélateurs. Par exemple, seuls 48 % de la population parlant une langue indigène disposent d'un système d'égouts public à domicile, 66 % de la population indigène a fréquenté un centre éducatif et l'anémie infantile dans les groupes indigènes atteint 50 %.
Comme nous pouvons le constater à partir de ces chiffres, la situation d'exclusion se traduit par de profondes lacunes matérielles qui poussent les peuples autochtones dans une situation de vulnérabilité et de pauvreté particulières - jusqu'à 38,5 % de la population de langue maternelle (1).
La réponse des peuples autochtones à cette situation a été de plus en plus large, complexe et efficace. Elle leur a permis d'identifier leurs besoins et de les transformer en demandes articulées aux autorités publiques. Cette stratégie n'a pas été uniforme ou homogène, mais elle a néanmoins permis d'obtenir des résultats extrêmement importants en matière de reconnaissance des droits collectifs. Un exemple clair de cette situation a été la promulgation de la loi Nº 29785, également connue sous le nom de loi sur la consultation préalable, en 2011, à la suite de la grève amazonienne de 2009 et des événements tragiques connus sous le nom de Baguazo. Ce sont précisément ces événements qui ont initié un nouveau printemps dans l'organisation politique des peuples autochtones et dans le développement d'institutions étatiques pour la reconnaissance des droits.
Dans le contexte que le Pérou a connu ces derniers mois, il est essentiel de revisiter certains aspects de la démocratie que, malheureusement, nous avons pris pour acquis dans le monde universitaire et dans l'État en ce qui concerne la manière de gérer les demandes et les conflits sociaux. En 2012 déjà, le Bureau du Médiateur avait identifié comment il existait une lacune dans la capacité de dialogue entre la société et l'État qui conduisait de nombreux conflits à éclater en épisodes de violence.
Cependant, la violence n'est pas inhérente au conflit dans la mesure où la rencontre et le désaccord des positions au sein de la démocratie sont fondamentaux pour l'avancement de la société (2). La démocratie dispose d'espaces pour ces désaccords et ces négociations. Malheureusement, au Pérou, nous nous sommes habitués à ce que les marges symboliques de la reconnaissance citoyenne ne s'élargissent qu'après des épisodes tragiques comme ceux de 2009.
Par conséquent, lorsque les peuples indigènes font usage de leur droit à la participation et à l'autonomie, ils n'appellent pas à des formes de sécession ou de séparatisme, comme on l'a entendu à plusieurs reprises dans les médias et les débats politiques tout au long de décembre 2022 (3). Ce qu'ils recherchent, c'est la reconnaissance de leur importance pour le pays. Malheureusement, il est devenu habituel que la violence attire notre attention sur les peuples autochtones.
La violence sape la démocratie en épuisant le dialogue et en bloquant les canaux de participation. Elle polarise les positions au-delà de toute négociation et supprime toute capacité de compréhension. La participation est un droit collectif des peuples autochtones. La comprendre dans son ampleur réelle, retracer ses canaux de formulation et de représentation est un agenda encore en suspens pour la société péruvienne. Ce n'est que de cette manière que nous pourrons comprendre la capacité de démocratisation de la participation, ainsi que les défis qu'elle doit relever pour atteindre les groupes les plus vulnérables et exclus.
Puissent les tristes événements qui marquent l'histoire des peuples autochtones au Pérou nous permettre de tirer des leçons non seulement pour renforcer l'institutionnalité interculturelle de l'État, mais aussi, fondamentalement, pour notre propre coexistence démocratique. Aujourd'hui plus que jamais, alors que le dialogue semble s'éteindre au Pérou, nous devons nous tourner vers le passé pour revoir nos erreurs et être prêts à apprendre et à construire un meilleur avenir pour tous. Renforcer la participation des peuples autochtones ne consiste pas seulement à créer des bureaux et des directions à différents niveaux du gouvernement. Nous devons la reconnaître, la comprendre et avoir une véritable volonté démocratique qui nous libère des préjugés et des interprétations plates qui nous consument jour après jour.
Notes :
(1) Concernant ces indicateurs et d'autres, le lien suivant peut être consulté : https://bdpi.cultura.gob.pe/indicadores-sociales.
(2) À cet égard, le rapport du médiateur en question peut être consulté au lien suivant : https://www.defensoria.gob.pe/wp-content/uploads/2018/05/informe-156.pdf.
(3) A titre d'exemple, le rapport suivant du journal télévisé 24 Horas peut être consulté : https://www.youtube.com/watch?v=Jvwx-VNCb0k
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Mario R. Cépeda Cáceres est anthropologue. Il enseigne au département des sciences sociales de la Pontificia Universidad Católica del Perú (PUCP) et est coordinateur du projet Lives in Dignity de l'Institut de la démocratie et des droits de l'homme de la PUCP (IDEHPUCP).
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Source : Bulletin de l'Institut pour la démocratie et les droits de l'homme de la PUCP (IDEHPUCP) : https://idehpucp.pucp.edu.pe/analisis1/pueblos-indigenas-y-democracia-una-reflexion-sobre-como-acabar-con-la-violencia-en-los-conflictos-sociales/
traduction caro d'un article paru sur Servindi.org le 16/02/2023
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