Brésil : La crise dans les terres Yanomami trouve son origine dans une idée perverse sur les peuples indigènes

Publié le 4 Février 2023

Selon un chercheur de Fiocruz, la tragédie humanitaire est le résultat d'une formule qui réunit l'insouciance et la négligence

Juliana Passos et Nara Lacerda
Traduction : Isabela Gaia

Brasil de Fato | Brésil | 03 de Fevereiro de 2023 às 08:09
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Un enfant Yanomami présentant des signes de malnutrition reçoit des soins médicaux à l'hôpital pour enfants Santo Antonio à Boa Vista, Roraima. - ©Michael Dantas / AFP

Depuis une dizaine de jours, lorsque le gouvernement brésilien a déclaré l'état d'urgence de santé publique d'importance nationale dans les territoires Yanomami, le Brésil a assisté à des scènes qui illustrent une véritable tragédie humanitaire. 

Sur la liste des violations des droits de l'homme figurent des cas de décès dus à une malnutrition sévère, des épidémies de malaria, de l'eau contaminée, des violences et même des viols à l'encontre de femmes autochtones, y compris des adolescentes.

Malgré l'attention récente, les accusations ne sont pas nouvelles. Depuis le début du gouvernement de Jair Bolsonaro, les communautés, les organisations et les mouvements populaires eux-mêmes ont constaté la croissance intense de l'exploitation minière illégale dans la région. Cette activité criminelle est considérée comme la principale cause de la crise qui frappe le territoire indigène. 

Selon la professeure Ana Cláudia Vasconcellos, chercheuse au Fiocruz, qui travaille à l'École polytechnique de santé Joaquim Venâncio (EPSJV/Fiocruz), ce scénario est ancré dans une pensée "rétrograde et perverse", qui considère l'existence des peuples indigènes et la préservation de leurs modes de vie comme un retard pour le pays.

"Malheureusement, il y a beaucoup de gens qui pensent de cette façon et qui croient que les terres occupées par les peuples autochtones, qui représentent 13,8 % du territoire national, devraient être utilisées pour la production de produits de base, comme le maïs et le soja, pour l'élevage de bétail, l'extraction de bois et d'autres activités exploratoires. En d'autres termes, une partie importante du peuple brésilien estime que les terres de l'Union ne devraient pas être disponibles pour la jouissance des communautés indigènes, car ce serait un gaspillage".

Vasconcellos prévient que la situation s'aggrave lorsque les autorités cautionnent ce discours, comme cela s'est produit pendant toute la durée de l'administration bolsonariste. 

"Lorsque ce type de pensée néfaste et colonialiste est défendu par les autorités gouvernementales, comme ce fut le cas avec l'ancien président Jair Bolsonaro, cela a des conséquences très graves et dangereuses. Il s'agit par exemple de priver les Yanomami de l'accès à leurs droits constitutionnels, tels que l'eau potable, les soins de santé, la sécurité alimentaire, le logement."

Eau contaminée

Les recherches d'Ana Claudia Vasconcellos portent notamment sur les conséquences de l'exposition humaine au mercure, un métal utilisé dans les mines. Le mercure provoque la contamination de l'eau et des poissons, empêche l'utilisation de la ressource pour l'irrigation des plantations et apporte des maladies aux communautés. 

L'année dernière, une note technique signée par la chercheuse et d'autres pairs travaillant également au Fiocruz, a mis en garde contre les niveaux élevés de mercure trouvés dans les poissons du bassin de Rio Branco, dans l'État de Roraima.

L'analyse souligne que l'apport chez les enfants de moins de cinq ans pourrait être 32 fois supérieur aux limites définies par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO/ONU). Le gouvernement de Bolsonaro n'a pas commenté le document et n'a pris aucune mesure pour inverser le scénario.

Pour résoudre des problèmes de cette ampleur, Vasconcellos affirme que la solution consiste à retirer totalement et immédiatement les mineurs et autres envahisseurs des terres autochtones. Selon elle, il faut agir pour pénaliser les responsables des crimes commis. 

"C'est une activité qui entraîne la déforestation, l'érosion des sols, le colmatage des rivières, mais aussi la contamination de l'écosystème amazonien par le mercure. Le mercure utilisé par le mineur est appelé mercure métallique, mais il est bien connu en Amazonie sous le nom d'azogue".

"Le vif-argent libéré dans les systèmes aquatiques est transformé en méthylmercure par l'action de bactéries vivant dans les sédiments des rivières. Le méthylmercure est la forme la plus dangereuse du mercure. Toutes sortes d'animaux vivant dans la rivière sont contaminés et ces animaux sont souvent utilisés comme nourriture. C'est ainsi que les gens sont contaminés. Il a une action très spécifique sur le corps humain et cause des dommages au système nerveux central des personnes."

Les recherches indiquent que le mercure peut rester dans l'environnement jusqu'à un siècle. Mais, selon la chercheuse, il existe des études qui montrent que l'arrêt de l'exploitation minière apporte également des résultats à court et moyen terme. Selon Ana Paula Vasconcellos, en plus de toutes les mesures déjà annoncées par l'administration de Lula pour la région, il sera nécessaire de surveiller les populations exposées à la contamination.

Le jour même où il a déclaré l'état d'urgence pour la région, le gouvernement brésilien a décidé de créer un groupe de travail impliquant plusieurs ministères pour contenir la tragédie humanitaire. Par décret, le groupe de travail a 90 jours pour agir et, dans les 45 premiers jours, il doit présenter un "plan d'action structurant" avec des réponses à la crise.

édition : Flávia Chacon e Rodrigo Durão Coelho

traduction caro d'un article paru sur Brasil de fato le 03/02/2023

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