Pérou : Cuatro suyos : mémoire d'une marche
Publié le 23 Janvier 2023
Par Elmer Antonio Torrejón Pizarro*.
Le 22 janvier 2023 - Je n'ai pas vu de criminels à mes côtés, encore moins de terroristes ; ce que j'ai vu, c'est qu'à côté de moi se trouvaient de jeunes étudiants universitaires, pour la plupart des paysans, des femmes et des hommes du sud. J'ai vu leurs visages, sillonnés par la douleur de la vie et de la mort ; ils étaient à côté de moi, leurs visages durs et brûlés par les coups de la vie, par les coups du Pérou, des visages qui exprimaient la léthargie générationnelle d'un pays qui a échoué en tant qu'État.
Ce n'étaient pas les visages de terroristes appelant à une DICTATURE ABSOLUE, c'étaient les visages de paysans criant de NOUVELLES ÉLECTIONS ; je pense que c'est ça la DÉMOCRATIE, n'est-ce pas ? Ce n'étaient pas des terroristes, ils défilaient à côté de moi, des femmes Aymara avec leurs enfants sur le dos, avec leur costume traditionnel qui, en période de tourisme, NOUS PRENONS DES PHOTOS, fiers de notre culture péruvienne ; mais en période de lutte, nous les voyons comme des Indiens et des paysans qui viennent nous "envahir" et détruire notre ville. Les criminels et les terroristes les qualifient de ceux qui regardent la mer, depuis leurs confortables fauteuils publics et privés, depuis LEURS PRIVILEGES.
Je n'ai pas vu de terroristes, j'ai vu des personnes âgées de Puno, Cusco ou Apurímac qui sortaient en pleurant du parc universitaire vers la Plaza San Martín, parce que les bombes et les plombs de cet État en faillite, plus que des blessures physiques, leur causaient des douleurs dans l'âme ; des douleurs colonialistes qui persistent dans un pays inachevé en termes de nationalité. Ils pleuraient de rage, ils pleuraient d'impuissance, ils pleuraient de stupeur, ils pleuraient pour que justice soit faite pour leurs plus de 60 assassinés : "Il y a des coups dans la vie, si forts, je ne sais pas", me suis-je dit intérieurement, imitant Vallejo.
J'ai défilé avec des paysans, qui portaient sur leurs visages les souffrances d'un Pérou qui n'a jamais réussi à respecter et à aimer les AUTRES ; oui, ces AUTRES qui sont venus à la capitale pour lutter pour ce qu'ils considèrent comme des droits NON ATTEINTS ; oui, ces AUTRES dont vous êtes fiers et que vous prenez en photo lorsque vous allez faire du tourisme au Machupicchu ou au lac Titicaca ; mais lorsque vous visitez votre capitale, vous les appelez délinquants ou terrucos ; oui, ces mêmes AUTRES pour lesquels Dina Boluarte a chanté la Flor de la Retama et leur a crié qu'elle se battrait pour eux en tant que ministre et vice-présidente ; aujourd'hui, Dina Boluarte est PRÉSIDENTE, et bien, ces AUTRES sont assassinés.
Je n'ai pas marché aux côtés de terroristes, j'ai imaginé que je marchais avec mes compatriotes, de ces villages ruraux de mon Amazonie, des paysans et des indigènes, dont les visages endurent l'exclusion, la discrimination et la pauvreté d'un État et de ses gouvernements régionaux. Je défilais avec les paysans du sud, mais je sentais qu'à côté de moi défilaient les victimes du Baguazo, oui, ceux qui de Lima disaient qu'ils étaient des citoyens de "seconde classe" ; et aujourd'hui les coupables du Baguazo, sont dans les médias en train de critiquer les frères du sud. QUELLE CONTRARIÉTÉ, QUE CE PAYS EST INJUSTE !
En tant que Sanmarquino, je suis allé soutenir ces citoyens dans mon université ; en entrant, ce que j'ai vu, ce sont des paysans, des jeunes et des adultes, même des personnes âgées, avec des visages heureux et applaudissant ceux d'entre nous qui sont venus avec notre soutien : "Frère péruvien, le peuple du sud te remercie, viens nous voir bientôt", m'ont-ils dit avec un sourire enthousiaste. Je ne voyais pas de criminels dans ces visages, encore moins de terroristes.
Personnellement, je rejette la violence, d'où qu'elle vienne, qu'il s'agisse de violence institutionnelle ou de violence informelle ; malheureusement, les enfants du peuple s'affrontent dans les rues à cause d'une CLASSE POLITIQUE qui nous a plongés de génération en génération dans la haine et la division entre les Péruviens, juste pour défendre leurs PRIVILÈGES et leurs INTÉRÊTS et faire du Pérou un État en faillite.
J'ai assisté à de nombreuses marches et manifestations depuis ma vie universitaire, j'ai fait partie de la marche des 4 suyos en 2000 pour rendre la Démocratie à mon pays, mais JAMAIS JE N'AI VU COMME JE L'AI VU AUJOURD'HUI DANS CETTE PROTESTATION, marchant avec moi ces VISAGES qui reflètent la douleur d'un pays que nous ne connaissons PAS (ou ne voulons pas connaître), Les paysans du sud qui sont historiquement exclus et discriminés, mais aujourd'hui ils ont élevé LEURS VOIX, et vous savez que, à la fin de la journée de lutte, j'ai senti que j'étais avec les vrais Péruviens, j'ai senti que j'étais à côté des descendants de Manco Capac et de Mama Ocllo, à côté des descendants de Pachacutec ou de Túpac Amaru II ; à la fin de la journée, je me suis senti RECONNISSANT, parce que j'ai fait partie d'une scène de plus de l'HISTOIRE RÉPUBLICAINE qui est écrite par le peuple du Pérou.
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*Elmer Antonio Torrejón Pizarro est originaire de Luya, Amazonas. Anthropologue de l'Universidad Nacional Mayor de San Marcos (UNMSM), titulaire d'une maîtrise en études amazoniennes de la même université, avec des études de troisième cycle en projets d'investissement public (UNMSM) et en gouvernance et gestion politique (PUCP). Sites web : http://elmertorrejonpizarro.com/ - http://www.elmertorrejonpizarro.blogspot.co
Traduction caro d'un article paru sur Servindi.org le 22/01/2023
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Cuatro suyos: memoria de una marcha
Por Elmer Antonio Torrejón Pizarro* 22 de enero, 2023.- Yo no vi delincuentes a mi lado, menos terroristas; lo que observé es que junto a mi lado marchaban jóvenes universitarios y en su mayorí...
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