Mexique : "Les indigènes n'intéressent pas le gouvernement fédéral" : Francisco López Barcenas, lors de la présentation de "El pensamiento indígena contemporáneo" (La pensée indigène contemporaine)
Publié le 24 Décembre 2022
Diana Manzo
21 décembre 2022
Juchitán, Oaxaca | Desinformémonos. "Nous, les autochtones, n'intéressons pas le gouvernement, il y a une régression en termes de reconnaissance des droits. Ce que fait le gouvernement n'est que de la politique", déclare le chercheur et écrivain ñuu saavi (mixtèque) Francisco López Bárcenas, dans une interview accordée à Desinformémonos, à propos du dernier ouvrage qu'il a coordonné, intitulé "El pensamiento indígena contemporáneo", un livre qui compile 27 auteurs indigènes de différentes régions du Mexique.
Avant la présentation du livre dans cette ville, l'avocat reconnaît que parler des peuples indigènes est controversé et nécessite une connaissance approfondie des personnes qui vivent dans chacun des territoires. Ce sont eux, dit-il, qui cherchent à montrer une profonde compréhension de ce qu'ils savent et pourquoi ils défendent ce qui leur appartient.
López Barcenas signale que le fait d'écrire leurs opinions et celles de leur peuple, de raconter leur cosmovision, leur politique, leur défense de la vie et du territoire, constitue la pensée indigène contemporaine. Le récit qui se poursuit dans ce livre est le produit de deux colloques, l'un en 2016 et l'autre en 2018, organisés à l'UNAM et par le Programme universitaire d'étude de la diversité culturelle et de l'interculturalité, l'INAH, l'INALI et le SCJN.
Étudiant les réalités des peuples, le chercheur né à Santa Rosa Caxtlahuaca, appartenant à Juxtlahuaca, dans la région mixtèque de Oaxaca, affirme que cette accumulation d'histoires est l'union d'un groupe d'amis chercheurs, universitaires et personnes qui ont décidé de raconter ce qui se vit sur leur territoire et "à partir de là, ils nous parlent de leurs philosophies, de leurs formes de justice, de leur langue, de leur idée du développement". En outre, ajoute-t-il, chacun des écrivains parle et écrit dans sa langue maternelle sur la cosmovision, la justice, le développement et la politique de son territoire.
"Nous les avons invités à s'exprimer dans leur langue maternelle, et ils l'ont fait, bien que les textes écrits soient en espagnol, c'était un exercice sans précédent, car bien qu'il y ait eu une traduction simultanée, ceux qui ne pouvaient pas atteindre les traducteurs n'ont rien compris et j'ai pensé que c'est ce que ressentent les autochtones quand on leur parle dans une langue qui n'est pas la leur", a déclaré l'auteur de nouvelles et de corridos.
La présentation dans "El pueblo que lee" (Le peuple qui lit)
Dans la neuvième section de Juchitán, à la librairie "El pueblo que lee", Francisco López Bárcnas, accompagné de Palmira Flores García, Triqui, et de Juan Carlos Sánchez Antonio, un indigène zapotèque, sous la modération de la poétesse binnizá Irma Pineda, a présenté l'ouvrage "El pensamiento indígena contemporáneo" (La pensée indigène contemporaine). En présence de femmes et d'hommes Binnizá, le Dr Bárcenas a expliqué l'origine de cette compilation d'histoires. "Ce livre, comme son nom l'indique, est la pensée indigène contemporaine de personnes qui vivent et coexistent avec leur territoire, qui parlent du bien vivre, qui aiment leurs ressources naturelles et les défendent", a-t-il déclaré.
Le chercheur attaché à El Colegio de San Luis Potosí a déclaré à l'auditoire qu'il était très préoccupé par la manière dont certains peuples indigènes ont légitimé le changement de gouvernement, mais que le plus regrettable était le manque de reconnaissance de leurs droits. "Aujourd'hui, l'eau, le vent et l'énergie solaire sont désirés par le capital, mais ils sont aussi appréciés et défendus par les populations, qui risquent leur vie pour leurs biens naturels. Les communautés se défendent, elles résistent au capitalisme prédateur dans lequel nous vivons et aussi aux politiques utilisées par le gouvernement fédéral, qui ne sont pas du tout inclusives" des peuples autochtones, a-t-il ajouté.
Francisco López Barcenas, qui faisait également partie du groupe consultatif des zapatistes dans les Dialogues de San Andrés, a également parlé du profond besoin des communautés d'être reconnues dans leur essence. Il a cité en exemple le "bien vivre" des communautés, qui pour les Occidentaux peut signifier avoir de l'argent, mais pour les communautés, c'est rechercher un équilibre avec la vie, la nature et le tout.
"Quand je dis que les indigènes n'intéressent pas le gouvernement, c'est parce que cela se reflète dans de nombreux aspects ; par exemple dans le budget des institutions, comme l'Institut national des peuples indigènes (INPI), qui, sous le gouvernement de Lopez Obrador, a 30 % de moins que lorsqu'il était sous Vicente Fox et un peu moins que sous Peña Nieto. Et je pourrais continuer encore et encore, il n'y a aucune intention dans ce gouvernement d'une réelle reconnaissance.
Dans le livre, dit le compilateur, Edith Herrera de Guerrero parle du développement comme d'un équilibre, de l'administration de la justice, de vivre "un peu bien, un peu mal", sans que cela signifie pauvreté, mais plutôt être en paix. En ce qui concerne les langues indigènes et ce qui est écrit, le chercheur ñuu savi a souligné que l'on écrit de plus en plus dans les langues indigènes, mais que l'on en parle moins, et que l'inquiétude demeure donc : pour quoi ou pour qui ou pour qui le fait-on ?
Un autre aspect où l'ignorance des peuples autochtones est évidente est la récente réforme électorale. L'INE, avec un critère déjà restrictif, a accepté qu'il y ait quarante-quatre circonscriptions où les partis politiques pourraient nommer des indigènes, mais les zenadores de Morena en ont approuvé vingt-cinq pour tous les secteurs qu'ils appellent minorités (indigènes, personnes âgées, femmes, diversité sexuelle, entre autres). "Les peuples ne sont pas des minorités, ils sont des peuples et ont droit à une représentation proportionnelle à la population nationale qu'ils représentent", a-t-il déclaré.
Toujours proactif comme une personne soucieuse de ses racines, le Dr Barcenas a publié plus de 30 livres et en prévoit trois nouveaux d'ici 2023, parmi lesquels il met en avant la question de la marchandisation de l'eau et sa relation avec le bien commun des communautés.
"El pensamiento indígena contemporáneo" a été publié par le Colegio de San Luis et l'Université de Guadalajara, et a été présenté au Salon international du livre de Guadalajara et dans les terres zapotèques de Juchitán, Oaxaca, dans l'intention de faire connaître la vie, le territoire et l'héritage défendu depuis les racines par ses propres écrivains.
traduction caro d'un article paru sur Desinformémonos le 21/12/2022