Mexique/Ayotzinapa : Le GIEI et la lutte pour la vérité
Publié le 3 Novembre 2022
TLACHINOLLAN
01/11/2022
Le bilan impeccable de Vidulfo Rosales
et le prestige international
du Centre des droits de l'homme de La Montaña,
rien n'est comparable aux manigances d'un ancien gouverneur défenestré.
d'un ex-gouverneur défenestré.
Dans le cadre de la mesure conservatoire 409/2014 et à la demande des mères et pères des 43 étudiants disparus d'Ayotzinapa, le Groupe interdisciplinaire d'experts indépendants (GIEI) a été créé en mars 2015. Il s'agissait d'un accord entre l'État mexicain et la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH), dans le but d'aider à l'enquête sur les 43 disparitions, ainsi que sur les étudiants assassinés et blessés. Tout au long de ces 7 années, le GIEI s'est révélé être une grande équipe qui a su gagner la confiance des familles pour son sens humanitaire, sa grande capacité d'écoute et son professionnalisme, comme en témoignent les trois rapports publiés.
En septembre 2016, ils ont présenté leur premier rapport, qui a eu un grand impact national et international car ils ont démontré avec des preuves scientifiques que la soi-disant vérité historique, rendue publique par l'ancien procureur général de la République Jesús Murillo Karam (actuellement en procès), n'était pas étayée par des preuves. Sa version selon laquelle les 43 étudiants disparus ont été assassinés et brûlés dans la décharge de Cocula s'est révélée être une invention destinée à dissimuler l'ensemble du réseau criminel dans lequel étaient impliquées les polices municipale, nationale, fédérale et militaire.
Compte tenu du caractère concluant des rapports d'expertise présentés par le GIEI - qui soulignaient l'impossibilité que l'incinération des 43 étudiants ait eu lieu au moment, à l'endroit et dans les circonstances décrits par la vérité historique - une forte campagne médiatique a été déclenchée pour discréditer leur travail. Les autorités fédérales elles-mêmes ont mis en doute les résultats de leur rapport. Les experts ont rencontré un certain nombre d'obstacles, notamment lorsqu'on leur a refusé les informations dont ils avaient besoin, que leur accès aux dossiers a été restreint et qu'une atmosphère hostile a été créée. Ils ont également été victimes d'espionnage. Dans ce contexte, la possibilité de ne pas conclure le mandat convenu et de quitter le pays se profilait. Heureusement, la demande des parents a été acceptée et ils ont pu réaliser leur deuxième rapport.
En avril 2016, le GIEI a présenté son deuxième rapport, qui approfondit l'enquête sur les agissements des différentes forces de police. Un élément pertinent était qu'il démontrait, à l'aide de preuves audiovisuelles, que le directeur de l'Agence d'investigation criminelle de l'époque, Tomás Zerón, aujourd'hui en fuite, avait manipulé une prétendue enquête dans la rivière San Juan, et qu'un important déploiement opérationnel de forces fédérales s'était rendu sur place, vraisemblablement pour y planter des preuves, cette visite ne figurant pas dans le dossier. Face à des informations aussi prolifiques et solides dans ses constatations et conclusions, le gouvernement d'Enrique Peña Nieto a décidé de mettre fin à la présence du GIEI.
En 2019, le gouvernement d'Andrés Manuel López Obrador a de nouveau demandé à la CIDH l'aide du GIEI. C'est en 2020 que le GIEI est revenu au Mexique, dans un groupe désormais composé de quatre membres. Avec la nouvelle administration, le bureau du procureur général (FGR) a créé l'unité d'enquête et de contentieux pour l'affaire Ayotzinapa, connue sous son acronyme UEILCA, dirigée par Omar Gómez Trejo, qui, dans la première phase du GIEI, occupait la fonction de secrétaire exécutif. A ce stade, la volonté politique des plus hautes autorités a donné un grand élan à l'accès à l'information qui avait fait l'objet d'un veto. Le président de la République lui-même a décrété que "les agences et entités de l'administration publique fédérale qui disposent d'informations ou de preuves pouvant contribuer à la clarification des faits, à la recherche de la vérité, doivent les fournir à la Commission (pour la vérité et l'accès à la justice dans l'affaire Ayotzinapa COVAJ)". Malgré cette instruction officielle, le GIEI a indiqué dans son troisième rapport qu'il avait dû entreprendre de nombreuses démarches pour obtenir les informations requises.
En février de cette année, le GIEI a présenté son troisième rapport, qui approfondit la documentation des dossiers de renseignement, intègre de nouvelles déclarations et des preuves diverses. Ils partent de la base documentaire des événements des 26 et 27 septembre, ainsi que du suivi et du contexte de la mobilisation préparés par les normalistes d'Ayotzinapa. Cette analyse minutieuse montre le degré de connaissance préalable de la mobilisation des étudiants de la part des institutions de sécurité fédérales et étatiques. Ils parviennent également à identifier, preuves à l'appui, comment les autorités fédérales étaient conscientes de la cooptation des autorités locales par le crime organisé. L'examen des documents du Sedena leur a permis d'évaluer les omissions et les actions des forces militaires et de la police fédérale. Il intègre également de nouveaux éléments sur la responsabilité de la police municipale de Huitzuco et d'autres corporations locales dans ces disparitions.
Une question très importante est l'intervention dans la décharge de Cocula et la rivière San Juan par le Sedena et le secrétaire de la Marine (Semar). Le GIEI avait accès aux archives de la Marine. Ils ont obtenu des documents confidentiels, classés "secret", qui font état d'une intervention d'éléments de la marine dans la décharge de Cocula et la rivière San Juan du 27 au 29 octobre. Le GIEI a analysé en profondeur une vidéo du 27 octobre 2014, qui enregistre des activités réalisées par la Marine qui n'étaient pas connues et qui ne figuraient pas non plus dans une partie du dossier d'enquête du PGR. La vidéo correspond à un enregistrement de plus de deux heures et a été réalisée avec un avion sans pilote de la Semar. Ce qui est grave dans cette procédure, c'est la dissimulation délibérée et le refus des autorités de fournir des informations sur leur implication dans ces lieux.
Pour le GIEI, ce rapport indique le nombre de personnes et d'institutions impliquées à différents niveaux dans l'affaire, ce qui montre le réseau qui a imprégné les responsabilités à des niveaux de plus en plus élevés. Il montre également la participation de personnes et d'agents issus non seulement du crime organisé mais aussi de toutes les institutions de l'État.
Un nouveau chapitre a été ouvert avec le rapport présenté par le président de la COVAJ, le sous-secrétaire de l'Intérieur, Alejandro Encinas, qui a présenté aux mères et pères des 43 et au président de la république les nouvelles découvertes obtenues par des sources qui n'ont pas été partagées avec le FGR ou le GIEI. Ses conclusions ont été énergiques : il a confirmé que la disparition des 43 étudiants de l'école normale rurale d'Ayotzinapa constituait un crime d'État. Que les autorités fédérales et étatiques au plus haut niveau ont fait preuve d'omission et de négligence, et il est présumé qu'elles se sont prêtées à l'établissement d'une conclusion très éloignée de la vérité des faits. Elle rappelle également qu'à tout moment, les autorités aux trois niveaux étaient au courant de la mobilisation des étudiants. Il affirme qu'il n'y a aucune indication que les étudiants sont vivants. Au contraire, tous les témoignages et les preuves attestent que les étudiants ont été tués et ont disparu de façon délibérée.
Les mères et les pères des 43 étudiants, face à cette information à laquelle ils ne s'attendaient pas, ont choisi d'en analyser le contenu en détail, surtout pour vérifier la véracité des sources. Ils ont demandé au GIEI de procéder à une analyse exhaustive et objective des données présentées, notamment des captures d'écran de conversations entre des commandants militaires et des dirigeants du groupe criminel Guerreros Unidos, qui viennent étayer leurs conclusions.
Pendant ces deux mois, après la publication du rapport, les mères et les pères ont été déconcertés par plusieurs événements qui se sont produits : ils ont constaté que le gouvernement fédéral s'est empressé de rendre ce rapport public, surtout à l'approche du huitième anniversaire de la disparition des 43 étudiants. Ils ont également noté qu'ils n'ont pas inclus dans leurs enquêtes les résultats obtenus par le GIEI, qui sont également essentiels pour retrouver la trace des étudiants. Ce qui est grave, c'est le limogeage du procureur spécial Omar Trejo, qui a été remplacé par une autre équipe imposée par le procureur général pour prendre le contrôle des enquêtes. Ils ont pris ses bureaux et imposé un audit pour l'intimider et faire dérailler ses enquêtes.
L'équipe du procureur général a été chargée de monter l'accusation contre Murillo Karam, répondant davantage à des intérêts politiques. La nomination du nouveau procureur spécial, qui ne connaît pas le dossier et qui n'a pas la confiance des mères et des pères, constitue un pas en arrière dans les enquêtes que le procureur précédent avait consolidées.
Une grande incertitude règne parmi les familles des 43 sur la véracité des captures d'écran, dont l'origine est encore inconnue. La consolidation de ces données, dont la qualité juridique est douteuse, reste à prouver. La principale demande des parents est que l'armée fasse l'objet d'une enquête et que tous les mandats d'arrêt soient exécutés. Cependant, ils ont confirmé que le président Andrés Manuel est réticent à impliquer des commandants de l'armée de rang supérieur et intermédiaire dans la disparition des 43 étudiants, et ils ont réitéré leur demande au président lors de leur dernière réunion au Palais national. Ils espèrent seulement que leur demande sera satisfaite car ils savent que l'implication de l'armée a été déterminante dans ces événements atroces. Ce lundi 31 octobre, le GIEI donnera son avis technique sur le rapport du président du COVAJ. Les attentes sont élevées parmi les familles qui ont toujours fait confiance aux experts. Ils savent qu'on ne leur mentira pas, ils sont donc prêts à accepter la vérité, pour autant qu'il y ait des preuves scientifiques, sinon la lutte pour la vérité se poursuivra.
Centro de Derechos Humanos de la Montaña, Tlachinollan
traduction caro d'un article paru sur Tlachinollan.org le 01/11/2022
El GIEI y la lucha por la verdad
La trayectoria intachable de Vidulfo Rosales y el prestigio internacional del Centro de derechos humanos de la Montaña, en nada se comparan con las trapacerías y balandronadas de un ex gobernador...
https://www.tlachinollan.org/el-giei-y-la-lucha-por-la-verdad/