Brésil : Avec quatre années supplémentaires de Bolsonaro, l'Amazonie pourrait atteindre le point de non-retour en 2029
Publié le 26 Octobre 2022
La savanisation serait irréversible si le biome perdait 25 % de sa couverture végétale.
Camilo Tomazini Pedrollo et José Luiz Purri da Veiga Pinto
Traduction : Pilar Troya
Brasil de Fato | São Paulo (SP) | 24 octobre 2022
L'allocation de terres permet d'éviter l'arrivée de l'arc de déforestation dans les zones traditionnellement occupées de l'Amazonie - Carl de Souza/AFP
L'Amazonie est un biome stratégique non seulement du point de vue de la biodiversité et pour les personnes qui y vivent, mais son importance dépasse le territoire national avec des implications mondiales pour la régulation du climat. Au rythme actuel d'augmentation des taux de déforestation, nous ne pouvons pas garantir que la forêt telle que nous la connaissons restera telle quelle pendant longtemps.
Les municipalités de la région Nord où Bolsonaro a remporté le premier tour des élections en 2022 sont concentrées dans "l'arc de déforestation", une région dominée par des propriétaires terriens illégaux, des éleveurs, des bûcherons et des mineurs artisanaux. C'est le moteur de la déforestation illégale en Amazonie, qui est en hausse depuis 2015. Une augmentation plus prononcée commence à se produire en 2019 avec l'inauguration de l'actuel président et son entreprise contre ce qu'il appelle " l'industrie des amendes IBAMA ". Au cours des trois dernières années, l'augmentation moyenne de la déforestation, selon le système PRODES de l'Institut national de recherche spatiale (INPE, en portugais), a été de 20 % par an.
Le professeur Carlos Nobre, l'un des climatologues les plus respectés du pays et membre du panel du GIEC, a été l'un des mentors de la théorie du "point de basculement". En résumé, une série d'études spatiales et de terrain menées au fil des décennies indiquent que si l'Amazonie perd 25% de sa couverture originelle, les implications négatives sur le cycle des pluies affecteront de façon permanente la capacité de régénération de la forêt, conduisant à sa savanisation.
La déforestation doit être analysée non seulement par rapport à la zone, mais aussi par rapport au lieu où elle se produit. La discontinuité des forêts dans l'est de l'Amazonie, une région majoritairement aux mains des bolsonaristes, peut interrompre le transport de l'humidité des océans vers l'intérieur du continent. Nous aurions, dans ce cas, l'interruption du cycle des pluies qui transporte l'humidité vers d'autres régions. Les habitants de São Paulo, qui ont également choisi Bolsonaro comme représentant et ont donné presque trois fois plus de voix à Ricardo Salles qu'à Marina Silva, ne sont peut-être pas conscients de l'importance de l'Amazonie pour le régime des pluies dans le centre-ouest, le sud-est et le sud du Brésil.
S'il est réélu, et que le nouveau Sénat lui apporte un soutien accru, Bolsonaro n'aura aucun mal à démanteler les dernières politiques de protection de l'environnement, ce qui entraînera une augmentation encore plus inquiétante des niveaux de déforestation. Nous faisons une estimation en considérant l'augmentation actuelle vérifiée dans son gouvernement, de 20% par an pour un hypothétique second mandat de Bolsonaro, suivi d'une augmentation plus modérée de 15% par an pour les trois années suivantes.
Dans ce contexte, l'Amazonie brésilienne, avec ses 4 196 943 km², atteindrait une déforestation cumulée de 1 068 504 km² en 2029, soit une perte de 25,5% de sa couverture originelle. Il s'agit en fait d'une prévision réductrice, car elle ne tient pas compte de la zone amazonienne appartenant aux huit autres pays qui la partagent, dont les taux de déforestation sont nettement inférieurs à ceux du Brésil. Cependant, si quelqu'un doute de la capacité de déprédation des forêts, il suffit de vérifier ce qui est arrivé à la forêt atlantique au Brésil, qui a atteint des niveaux d'altération de 93%.
Ainsi, un vote pour Bolsonaro est un vote en faveur de la déforestation en Amazonie. Si cette zone de l'arc de déforestation s'accroît, et elle le fera si Bolsonaro est réélu, nous assisterons bientôt à la savanisation d'une partie considérable de l'Amazonie, surtout dans ses régions méridionales et orientales. C'est un phénomène amplifié par la déforestation, qui atteint des zones de forêt encore intactes.
Et la forêt montre déjà des signes d'affaiblissement dans ces régions, avec des saisons sèches de plus en plus longues et chaudes. On observe également une modification de la composition floristique de ces zones, les espèces hygrophiles (dépendantes d'une forte humidité) étant déjà remplacées par des espèces plus résistantes à la sécheresse, à l'origine plus communes dans des biomes tels que le Cerrado, avec des caractéristiques proches de la savane.
En résumé, avec la réduction de la couverture forestière en Amazonie, le transport des précipitations vers d'autres régions du pays sera compromis, ce qui causera des dommages à l'agriculture, et compromettra le niveau des réservoirs d'eau des centrales hydroélectriques, ce qui signifie une électricité plus chère et des risques éminents de pannes. Les phénomènes météorologiques extrêmes, tels que des précipitations incontrôlées et concentrées en un court laps de temps, deviendront également plus fréquents avec l'aggravation du phénomène El Niño. Il convient de noter que tous ces signes se font déjà sentir et auront tendance à devenir plus fréquents, plus intenses et irréversibles si nous atteignons le point de non-retour.
Cependant, tout n'est pas perdu. Le monde observe et le mois dernier, le Parlement européen a approuvé une nouvelle loi contre la déforestation visant à contrôler l'entrée dans les zones forestières du monde entier de produits liés à la destruction des forêts et aux violations des droits de l'homme. Pour le Brésil, la mesure pourrait représenter de graves sanctions économiques ou contribuer à fermer les portes aux déforesteurs et aux contrevenants, tout en offrant plus de sécurité aux entreprises qui produisent sans déforestation et de manière responsable.
L'Amazonie est une question de sécurité nationale, d'économie, de souveraineté, de survie pour les générations actuelles et futures, et fait l'objet d'une énorme menace interne. Dans ce scénario catastrophique, nous devons mettre fin au cycle de destruction, en remplaçant le gouvernement actuel (il convient de rappeler que tous les autres candidats de l'opposition à la présidence disposant de votes significatifs, plus de 1%, défendent la déforestation illégale zéro), en restaurant le Fonds Amazone, ce qui permet de lever des ressources et, dans le cadre de la Décennie de la restauration écologique promue par l'ONU, de promouvoir des initiatives telles que celles du professeur Carlos Nobre lui-même, l'Amazon 4. 0, qui vise à promouvoir de manière innovante le développement socio-économique de la région amazonienne sur la base du principe de la forêt sur pied.
*Camilo T. Pedrollo - Biologiste, titulaire d'une maîtrise en botanique de l'Institut national de recherche amazonienne (INPA), il prépare actuellement son doctorat en gestion des ressources naturelles à l'université de Copenhague, au Danemark, en collaboration avec des chercheurs de l'Institut national de recherche spatiale (INPE). Il a été consultant pour les chaînes de production de produits issus de la biodiversité amazonienne.
**José Luiz Purri da Veiga Pinto - Ingénieur forestier, titulaire d'un master de l'Institut national de recherche amazonienne (INPA), il a mené des recherches sur la biomasse racinaire, les sols et l'hydrologie en Amazonie, a travaillé dans le domaine de la gestion forestière, de l'exploitation forestière, de la certification FSC, de la formation des exploitants de caoutchouc, avec une expérience dans les États d'Amazonas, Pará, Acre et Rondônia.
***C'est un article d'opinion. La vision des auteurs n'exprime pas nécessairement la ligne éditoriale de Brasil de Fato.
Edition : Flávia Chacon e Rodrigo Durão Coelho
traduction caro d'un article paru sur Brasil de fato le 24/10/2022
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