Mexique : Tzam trece semillas : Gardiennes de la vie, de la nourriture et des graines
Publié le 6 Septembre 2022
Image : Naybil Estrella-Tzec
Par Nora Tzec-Caamal et Naybil Estrella-Tzec
Nous vivons dans la région de Los Chenes, municipalité de Hopelchén, dans l'État de Campeche, une région située au cœur de la péninsule du Yucatán, dans le sud du Mexique.
Je suis une femme maya qui, enfant, vivant avec mes grands-parents maternels, a appris que notre vie tournait autour de la milpa, notre nourriture.
Depuis 25 ans, notre région se transforme, nous ne voyons pas seulement les changements dans la selva qui s'est transformée en déserts verts, mais aussi dans les animaux et les insectes que nous voyons de moins en moins, nous percevons les changements dans le climat, dans notre terre mère et bien sûr dans les façons de penser, d'être maya.
Depuis les années 1980, les semences de maïs indigènes ont été remplacées par du maïs hybride, les milpas ont disparu au profit de cultures mécanisées telles que le sorgho, le soja et le maïs d'entreprise. La propagande dont ont fait l'objet les cultures agro-industrielles, où il n'y a que des profits pour les entreprises transnationales qui se sont incrustées dans notre territoire, est notoire.
Dans la région, il existe une concurrence entre ces deux formes de production alimentaire (conventionnelle - extractive et traditionnelle, paysanne). L'agriculture conventionnelle détruit les espaces pour la milpa et tout ce qui l'entoure, surexploite et pollue l'eau, tue le sol et nous transforme en esclaves de notre propre terre. Au contraire, la milpa continue à nous donner la vie, elle nous permet U Jeetsel le Ki'ki'Kuxtal (une vie savoureuse - une bonne vie).
Depuis lors, sans nous en rendre compte, nous nous sommes retrouvés face à une nouvelle colonisation, une nouvelle conquête qui nous prive de notre façon de nous nourrir, de consommer ce que la milpa et la terre mère nous offraient. Elle nous convainc également que ce que les entreprises et les gouvernements nous proposent est le meilleur, que ces semences "améliorées" sont celles que nous devons semer. Quand on se rend compte que tout ce qui précède n'est pas vrai, parfois il est trop tard, déjà sans terre et sans nos propres semences, le chemin pour certains est d'accepter et de recevoir, c'est alors que la nouvelle colonisation est consommée, quand nous devenons des esclaves sur nos propres terres.
Et là, nous sommes nous, les femmes, nous les femmes mayas qui refusons cette nouvelle forme de colonisation, nous nous rebellons contre ces formes imposées par le capitalisme, nous nous rappelons comment nos grands-mères et nos grands-pères ont vécu pendant de nombreuses années, comment ils vivaient de la milpa.
Notre rôle dans la communauté... à la campagne, même sans les privilèges de posséder les moyens de production et la terre est indéniable, nous sommes les gardiennes de la vie, de la nourriture et des semences.
La nourriture nous donne la force, elle nous donne la vie. Une grand-mère me disait que si la nourriture n'est pas fraîche, elle nous fait du mal, elle nous rend malades. C'est le contraire de ce que nous offre l'alimentation industrialisée, c'est contradictoire avec ce que nous pensons dans les villages. Lorsque nous cultivons et préparons notre propre nourriture, nous savons qu'elle est bonne, qu'elle nous rendra également en bonne santé. Parler de nourriture, c'est parler de santé, et de la façon dont nous cultivons nos aliments, dont nous prenons également soin de nos graines, et lorsque nous voulons nous soigner, il y a aussi nos plantes que notre mère la terre nous donne.
Dans la communauté, nous disons que pour être bien, il faut Toj Óolal (avoir le nombril droit - être en équilibre). Nous voulons donc dire que la nourriture nous permet d'être bien dans notre corps, dans nos pensées et dans nos relations au sein de la communauté. La milpa nous apporte la diversité non seulement des aliments, mais aussi des manières de nous soigner et d'entrer en relation les uns avec les autres, car c'est un espace où nous partageons des connaissances, où nous apprenons la vie et nos valeurs familiales, notre manière d'être un peuple.
La milpa est donc l'espace où le maïs et les gens sont liés. Avec le maïs, la terre mère nous nourrit, c'est pourquoi c'est Ix'iim, le ventre de la femme qui nous nourrit, c'est pourquoi nous la remercions quand nous faisons nos cérémonies (Saka', ch'a'a chak, jo'olché, uajikool). Notre vie entière tourne autour de la milpa.
Les graines nous permettent de retrouver notre mémoire ancestrale, de comprendre nos origines et d'assumer la responsabilité d'en prendre soin. C'est la disponibilité des semences et la diversité qui nous permettent de rester un peuple. L'agression de l'agriculture industrielle basée sur les "paquets technologiques" et les "semences améliorées brevetées" est une profonde agression contre nos peuples.
Nous disons que la préservation de nos graines, les nôtres, celles héritées par nos ancêtres, détermine notre permanence en tant que peuple maya, la préservation de la relation sacrée avec les graines et la terre mère. Elle nous permet de revivre et de maintenir nos principes en tant que peuple, d'être reconnaissant, de partager et de vivre collectivement. Il n'y a pas de peuples sans graines et il n'y a pas de graines sans peuples.
Portrait des auteurs : Autoportrait
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Nora Tzec-Caamal et Naybil Estrella-Tzec
Femmes mayas de Hopelchén, Campeche. Nora est la fondatrice de l'organisation indigène Ka' Kuxtal Much Meyaj (la renaissance de l'organisation), qui se consacre à la conservation et à la défense des semences et du territoire indigènes. Depuis 25 ans, elle accompagne des groupes de femmes, d'hommes et de jeunes dans des coopératives et des collectifs travaillant sur l'agroécologie, l'autonomie économique, la santé et la communication communautaire. Naybil, quant à elle, est membre de la Communauté d'apprentissage des jeunes de los Chenes depuis 2019 et communicatrice communautaire.
traduction caro
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Cuidadoras de la vida, la comida y las semillas
Imagen: Naybil Estrella-Tzec Por Nora Tzec-Caamal y Naybil Estrella-Tzec Nosotras vivimos en la Región de los Chenes, municipio de Hopelchén, en el estado de Campeche, una región ubicada en el ...
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