Chiapas : Trois mois avant la commémoration du 25e anniversaire du massacre d'Acteal et la célébration du 30e anniversaire de la naissance de notre organisation Las Abejas de Acteal, nous continuons à partager avec vous ce qui vit dans nos cœurs, car les nouvelles générations méritent de connaître la vérité
Publié le 24 Septembre 2022
Organisation de la société civile Las Abejas de Acteal
Terre sacrée des martyrs d'Acteal
Municipalité de Chenalhó, Chiapas, Mexique.
22 septembre 2022
Au Congrès National Indigène
Au Conseil Indigène de Gouvernement
A la Commission interaméricaine des droits de l'homme
Au peuple croyant du diocèse de San Cristóbal de las Casas
Aux défenseurs des droits de l'homme
Aux médias libres et alternatifs
Aux médias nationaux et internationaux
A la société civile nationale et internationale
Sœurs et frères :
On croit que les petites abeilles (les insectes), par temps froid et pluvieux, s'arrêtent de travailler, uniquement parce qu'elles ne sortent pas dans les champs pour chercher des fleurs et ce dont elles ont besoin pour faire du miel ; en réalité, elles ne se reposent jamais à l'intérieur de leur boîte, c'est-à-dire qu'elles continuent à travailler intérieurement. C'est ainsi que malgré la pluie littérale de ce mois et la pluie d'attaques, de discrédit, de violations de nos droits humains et de menaces sur nos projets autonomes, nous continuons à nous organiser et, surtout, à construire des maisons et des espaces pour la formation de notre lutte non-violente.
Et depuis cette Terre Sacrée, la ruche où nous gardons vivant le souvenir et la clameur de nos 45 martyrs et des 4 bébés qu'ils ont arrachés au ventre de leurs mères, nous continuons à exiger que l'impunité n'ait pas le dernier mot. Nous exigeons la justice et le démantèlement des réseaux d'action paramilitaire que le mauvais gouvernement a créés au Chiapas depuis 1995 et qu'il maintient jusqu'à ce jour pour abattre, intimider et terroriser tous ceux qui choisissent de ne pas s'aligner sur le gouvernement et ses partis politiques. Ceux d'entre nous qui ont survécu à près de 25 ans de l'usure que les trois niveaux de gouvernement ont organisée de manière coordonnée pour faire taire ce cri, savent que seuls la justice et la mémoire peuvent empêcher la répétition d'un crime aussi atroce que celui qui a été commis ici.
Les gardiens de la mémoire que nous sommes, veulent aujourd'hui se souvenir et dénoncer le fait que rien n'a changé dans la situation que nous avons vécue il y a 25 ans. Entre le 16 et le 21 septembre 1997, les agressions paramilitaires se sont intensifiées contre notre organisation et les bases zapatistes de la municipalité autonome de San Pedro Polhó. Malgré la dénonciation publique de ces actes de violence, le gouvernement du Chiapas et le gouvernement fédéral n'ont pas agi pour enquêter, mais ont simplement laissé la violence culminer avec le massacre d'Acteal.
À peu près à la même époque, il y a 25 ans, une commission de notre organisation Las Abejas s'est adressée au président municipal de Chenalhó de l'époque, Jacinto Arias Cruz, de la colonie de Puebla, pour lui conseiller, ainsi qu'à ses agents ruraux, de mettre fin aux actes de violence perpétrés par le groupe paramilitaire. Cependant, ce monsieur nous a seulement accusés d'être des provocateurs et des zapatistes ; quelques jours plus tard, la violence s'est intensifiée et cela a provoqué des milliers de personnes déplacées qui ont dû fuir vers les montagnes et se réfugier dans les communautés voisines. En ce mois de septembre 1997, les paramilitaires du PRI et Cardenistas ont tiré sur nos maisons et sur nos bannières de paix, effaçant avec de la boue ou avec des tirs d'armes de gros calibre nos panneaux sur lesquels on pouvait lire : Société civile - Paix - Zone neutre, et ils nous ont menacés en disant : "Ce n'est pas le temps de la paix, c'est le temps de la guerre, nous allons libérer notre municipalité de Chenalhó, parce que nous devons tous être du PRI, et vous devez renoncer à votre organisation ; si vous ne le faites pas, alors vous êtes zapatistes et nous allons vous tuer et prendre tous vos biens". Et malheureusement, ils ont mis leurs menaces à exécution avec les déplacements massifs et le massacre d'Acteal.
Une maladie maligne qui n'est pas traitée à temps et pour laquelle on ne cherche pas sérieusement un remède, devient un cancer qui pourrit ensuite tout le corps. Et c'est ce qui se passe actuellement à Chenalhó avec la maladie de l'impunité. Ces actes de violence commis par les paramilitaires il y a 25 ans n'ont jamais fait l'objet d'une enquête ; ni les auteurs matériels paramilitaires, ni les autorités de haut niveau qui sont les auteurs intellectuels du massacre d'Acteal, n'ont été punis. Grâce à cela, les paramilitaires du PRI et Cardenista d'il y a 25 ans ont maintenant des héritiers très actifs. Il s'agit d'une nouvelle génération qui fait le même travail de manière beaucoup plus meurtrière et il semble que ni le gouvernement fédéral ou de l'État, ni l'actuel président municipal de Chenalhó ne puissent les contrôler.
Ainsi, l'impunité est une stratégie efficace pour continuer à attaquer notre lutte et tenter de saper notre résistance civile et pacifique. Actuellement, dans plusieurs communautés de Chenalhó où se trouvent des membres de Las Abejas, nos droits ont été violés et nous avons même été déplacés de nos communautés, ou nos services d'eau et d'électricité ont été coupés pour nous punir d'avoir une façon différente de penser. C'est parce que le conflit qui a surgi depuis 1997 dans notre municipalité n'a pas été résolu ; et maintenant la nouvelle génération paramilitaire, avec un visage différent mais contrôlée par le même patron, est chargée d'épuiser notre lutte pour le respect de notre organisation et de ses objectifs, tels que la construction de l'autodétermination, de l'auto-gouvernement et d'autres projets autonomes. Ils essaient surtout d'empêcher la recherche d'une véritable justice pour le massacre d'Acteal, celle qui mènera à une véritable paix.
C'est cette même justice que recherchent encore aujourd'hui les pères et les mères des 43 étudiants de l'école normale rurale "Raúl Isidro Burgos" d'Ayotzinapa, dans l'État de Guerrero, qui ont été enlevés par des éléments de la police municipale d'Iguala et ont disparu du fait d'éléments du cartel des "Guerreros Unidos", au su et avec la participation de l'armée mexicaine et de la police de l'État, dont le gouvernement fédéral d'Enrique Peña Nieto, avec la participation de la marine mexicaine, a construit la couverture. Nous continuerons à soutenir la lutte digne pour retrouver la trace de leurs enfants que leurs pères, leurs mères et d'autres parents mènent depuis huit ans, le 26 de ce mois, et pour que tous les responsables, à tous les niveaux du gouvernement et des forces armées impliquées, soient punis.
C'est aussi la justice que nous recherchons au Chiapas et dans tout le Mexique pour que la criminalisation et l'assassinat des défenseurs de la vie, de la terre et du territoire du peuple, comme notre compagnon et frère Simón Pedro Pérez López, cessent d'être une politique d'État. Nous ne pouvons pas continuer à vivre dans un pays où 28 défenseurs des droits de l'homme ont été assassinés en un an, dont 13 appartenant à des peuples indigènes, comme le montre le dernier rapport du Comité Cerezo, présenté il y a quelques jours, jusqu'en mai 2022.
C'est pourquoi nous nous associons aux demandes de nos coreligionnaires de la région Tseltal de Chilón et de l'équipe Chab du diocèse de San Cristóbal de las Casas, qui ont organisé hier une Marche-Procession à Bachajón pour exiger la libération des dirigeants communautaires emprisonnés ou faisant l'objet d'une procédure pénale en liberté surveillée, en représailles à leur participation à la défense de leurs terres ou à la promotion de l'autonomie communautaire sans partis politiques : deux de Bachajón (José Luis Gutiérrez Hernández et César Hernández Feliciano, dont la condamnation est attendue ce 27 septembre), cinq de San Juan Cancuc. Nous demandons également, avec eux, l'annulation du mandat d'arrêt contre le père Marcelo Pérez Pérez, qui aura toujours notre soutien parce qu'il a marché avec nous en disant la vérité et en promouvant la paix avec la justice dans nos villages, en nuisant aux intérêts qui ne lui pardonnent pas, en risquant la vie et la liberté, comme Jésus.
Nous voulons également exprimer notre solidarité avec nos frères et sœurs des organisations indigènes du Michoacán qui ont subi des coups durs à leur autonomie ce mois-ci. D'une part, par les résolutions émises par la Cour Suprême de la Nation (SCJN) sur les controverses constitutionnelles présentées par les mairies de Tangamandapio et de Nahuatzen, qui, comme le disent nos frères, "représentent un grave recul des droits collectifs des communautés et une trahison des peuples indigènes". Et d'autre part, en raison de l'annonce par le gouvernement de l'État du Michoacán de son intention de démanteler la garde communale de la municipalité d'Aquila, un effort autonome que l'héroïque communauté indigène de Santa María Ostula a maintenu pendant des années comme seule alternative à l'insécurité causée par les cartels de la drogue dans leur région. Nous nous joignons à nos frères et sœurs P'urhépecha qui ne permettront pas aux intérêts des partis politiques et du crime organisé, renforcés par leurs partenaires à tous les niveaux de gouvernement, de limiter leur autonomie qui permet de défendre la vie de leurs peuples.
À trois mois de la commémoration du 25e anniversaire du massacre d'Acteal et de la célébration du 30e anniversaire de la naissance de notre organisation Las Abejas de Acteal, nous continuons à partager avec vous ce qui vit dans nos cœurs, parce que les nouvelles générations méritent de connaître la vérité ; et parce que reproduire et diffuser la mémoire de ce qui s'est passé garantira que des événements honteux comme le massacre d'Acteal ne se reproduiront plus. C'est précisément la raison pour laquelle il est urgent que la CIDH publie sans plus attendre son rapport sur le fond dans l'affaire 12.790 Manuel Santiz Culebra et autres (massacre d'Acteal).
Il y a presque 25 ans, les messagers de la mort, envoyés par Ernesto Zedillo Ponce de León pour massacrer 45 de nos sœurs et frères et les 4 bébés à naître, ont blessé nos cœurs et notre organisation. La douleur qu'ils nous ont causée est grande, mais au milieu de cette douleur, la force et l'espoir ont surgi. Maintenant, rien ni personne ne peut nous faire taire. Rien ne peut arrêter notre lutte. Il y a vingt-cinq ans, la violence paramilitaire a commencé à Chenalhó et ils ont essayé de nous détruire, mais aujourd'hui nous continuons à construire notre nid d'abeilles, nous travaillons pour produire la paix.
Et aujourd'hui, nous sommes heureux de partager avec vous une autre construction physique que nous avons réalisée : la Maison communautaire du forgeron pour les femmes de Las Abejas de Acteal, soutenue par l'organisation Desarrollo tecnológico y Servicios Comunitarios El Puente, S. C., avec laquelle nous sommes très reconnaissants de nous permettre de marcher ensemble.
Par temps de pluie, les petites abeilles travaillent en interne, mais, bien que nous ne le voyions pas, elles volent aussi.
De Acteal, Casa de la Memoria y la Esperanza.
Sincèrement vôtre.
La voix de l'organisation de la société civile Las Abejas de Acteal.
Pour le Conseil d'administration :
Manuel Pérez Jiménez président
Antonio Ramírez Pérez secrétaire
Víctor Manuel López Gómez trésorier
Mariano Sánchez Díaz secrétaire adjoint
traduction caro d'un communiqué de Las Abejas du 2209/2022
Tierra Sagrada de los Mártires de Acteal Organización Sociedad Civil Las Abejas de Acteal Municipio de Chenalhó, Chiapas, México. 22 de septiembre de 2022 Al Congreso Nacional Indígena Al Conc...
http://acteal.blogspot.com/2022/09/a-3-meses-de-conmemorar-los-25-anos-de.html