Loreto : les organisations indigènes menacées en raison de la Réserve

Publié le 12 Août 2022

Une situation tendue est apparue après que des groupes d'entreprises, des opérateurs pro-Fujimori et des fonctionnaires du Gorel aient développé des campagnes de désinformation sur les réserves pour les peuples en situation d'isolement.

Servindi, 11 août, 2022 - Les dirigeants d'une communauté indigène de Loreto ont publiquement menacé les membres d'organisations indigènes au sujet des progrès réalisés en vue de la création de la réserve Napo Tigre pour les peuples en situation d'isolement et de premier contact (PIACI).

Répétant un discours qui nie l'existence des PIACI, ils ont prévenu qu'ils s'attaqueraient à l'intégrité des membres des organisations indigènes qui défendent ces peuples dans une situation d'extrême vulnérabilité.

Ce scénario tendu fait suite à une campagne de désinformation menée par des groupes d'entreprises, des politiciens et des fonctionnaires du gouvernement régional de Loreto (Gorel) visant à nier l'existence des PIACI et à remettre en question l'objectif des réserves.

Menace publique

Lors d'une interview accordée à un média local, l'agent municipal de la communauté de "Buena Vista" a nié l'existence de peuples isolés et a souligné que "nous sommes les PIACI".

Représentant le conseil d'administration local, il a prévenu qu'ils prendraient des mesures s'ils voyaient des membres de l'Organisation régionale des peuples indigènes de l'Est (Orpio) et de l'Association interethnique pour le développement de la selva péruvienne (Aidesep).

"Si Orpio ou Aidesep viennent, nous allons [les] recevoir avec une lance", a-t-il déclaré dans une interview au site ProyContra, où il a fait allusion au fait que ces actions seraient prises pour "défendre leur territoire".

Selon une vidéo consultée par le site web susmentionné, les dirigeants communautaires auraient indiqué leur opposition à la création de la réserve de Napo Tigre et déclaré qu'ils "tueraient" les représentants des deux organisations autochtones.

Depuis plus de 17 ans, Aidesep et Orpio, qui représentent plus de 20 communautés indigènes également riveraines de la zone, réclament la création de cette réserve, qui protège l'intangibilité des territoires des peuples isolés.

Il convient de rappeler que le 25 juillet, après avoir approuvé l'étude préliminaire de reconnaissance (EPR), l'État a reconnu l'existence de peuples autochtones isolés sur le territoire demandé pour la réserve autochtone de Napo Tigre.

Proximité avec des entreprises

Située dans le district de Napo, dans la province de Maynas, la communauté " Buena Vista " appartient à la Fédération des communautés indigènes d'Alto Curaray et Arabela (Feconaca).

Les autorités de cette fédération ont été mises en cause pour leur proximité avec la compagnie pétrolière Perenco, qui développe des activités extractives dans le bloc 67, qui chevauche les territoires des PIACI.

Récemment, cette même compagnie pétrolière a présenté un recours juridique pour empêcher la création de la réserve indigène Napo Tigre, tout en développant des tables de coordination avec les représentants de la Feconaca.

D'autre part, la Feconaca a eu une certaine notoriété en raison de la proximité de ses dirigeants avec les représentants du coordinateur pour le développement durable de Loreto (CDSL) et aussi parce qu'elle a le soutien du gouverneur régional interrogé.

Comme cela a été exposé ces derniers mois, le CDSL ou CDL est un collectif qui rassemble principalement des hommes d'affaires, des opérateurs politiques et des fonctionnaires intéressés par l'expansion des frontières extractives dans la région.

Dans cet objectif et avec le soutien du Gorel du gouverneur Elisbán Ochoa, ils ont promu des actions et des demandes visant à abroger les règlements qui protègent les PIACI et prévoient la création de réserves pour leur protection.

Répétant un discours sur la "non-existence des PIACI", les leaders de ce groupe ont également tenu des réunions avec des membres du Congrès de différents partis auxquels ils ont étendu leurs demandes anti-droits.

Pour atteindre cet objectif, ils disposent d'opérateurs pro-Fujimori comme l'ancien député et actuel candidat du Gorel, Juan Carlos del Águila Cárdenas, et Salvith Ojanama López, coordinatrice de la Fédération des communautés indigènes formalisées du Marañón et de Samiria (Fecifomas).

Ojanama est un opposant bien connu d'Aidesep et est allé jusqu'à appeler à la militarisation du gouvernement contre les populations indigènes qui protestent contre l'activité pétrolière à Loreto.

En outre, comme l'a souligné un rapport de Wayka, les liens du CDSL sont présents dans le parlement actuel par l'intermédiaire de Manuel Noriega Tello et Augusto Cabanillas, conseillers du député pro-Fujimori Jorge Morante Figari.

Campagne de désinformation

De tendance ultra-conservatrice et faisant appel à une conception anachronique du "développement", ces groupes s'opposent également aux traités environnementaux tels que celui d'Escazú, qui vise à protéger l'Amazonie et ses défenseurs.

Dans le même ordre d'idées, les messages qu'ils cherchent à établir soulignent que les réserves indigènes "dépossèdent" les membres de la communauté, privant ainsi le peuple de Loreto de sa souveraineté sur son territoire.
L'un des derniers spots de ce collectif démontre le discours de division contre les organisations indigènes qui veillent sur les droits des PIACI.
Le collectif privé souligne que le cadre juridique qui protège les peuples autochtones en situation d'extrême vulnérabilité est "une imposition qui nous est faite par l'ONU" et affirme que "les vrais autochtones" sont touchés.

En ce sens, en plus de boycotter les réunions de travail sur les PIACI, ils ont développé une forte campagne médiatique visant à désinformer et à attaquer les organisations autochtones.

Tout en exigeant que des études scientifiques soient menées pour prouver l'existence des PIACI, ces groupes recourent à des attaques et à des remarques désobligeantes à l'encontre des organisations, des entités et des médias qui ne partagent pas leur position.

Ainsi, dans un communiqué de juillet, ils ont diffamé l'Institut du Bien Commun (IBC) pour avoir réalisé une étude qui reconnaît la présence de peuples isolés dans la zone prévue pour la création de la réserve indigène du Napo, du Tigre et de ses affluents.

Les territoires de vie

Différents secteurs de la société civile ont exprimé leur rejet unanime des manœuvres visant à nier l'existence des peuples isolés et à leur retirer leur protection.

L'église et les citoyens d'Iquitos, ainsi que le ministère de la Culture, le bureau du médiateur et les organisations indigènes régionales sont parmi les voix qui prônent le respect de la vie et de l'autonomie des PIACI.

De même, comme l'a déjà souligné l'Apu Jorge Pérez Rubio, président d'Aidesep, les réserves indigènes "ne constituent pas une menace pour la souveraineté nationale ou la sécurité alimentaire et ne sont pas non plus responsables de la mauvaise gestion prolongée de la région de Loreto".

Comme nous l'avons rappelé, les peuples autochtones en situation d'isolement et de premier contact (PIACI) sont menacés par l'empiètement des activités extractives et illégales qui affectent leur territoire et leurs moyens de subsistance.

En vertu du principe de non-contact, l'intangibilité s'impose d'urgence pour éviter d'éventuelles confrontations et assurer la vie de ces populations, extrêmement vulnérables aux maladies extérieures.
 

traduction caro d'un article paru sur Servindi.org le 11/08/2022

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