La nature au cœur de la nouvelle constitution chilienne
Publié le 3 Août 2022
Moi, donnez-moi les verts
Labyrinthes,
Les beaux
Versants
Des Andes, sous les treilles,
Et, mon amour, ta taille
De guitare !
Moi, donnez-moi les vagues
Qui secouent
Le corps cristallin
De ma patrie,
Laissez-moi voir à l’est monter
La majesté du monde
En un collier superbe de volcans,
Et à mes pieds le simple sceau
De l’écume,
Neige de mer, sempiternel argent !
(.....)
Source d'image : https://www.fmdos.cl/
"Nous sommes sans aucun doute en présence d'une éco-constitution, qui crée un précédent au niveau mondial, car elle contribue à mettre des limites à un système de vie totalement insoutenable".
Par Andrés Kogan Valderrama*.
2 août 2022 - Quiconque examine le contenu du projet de nouvelle constitution du Chili remarquera facilement que l'un des domaines les plus importants du texte est sans aucun doute le soin et la défense de la Nature, qui, pour la première fois dans l'histoire du pays, fera l'objet de droits.
D'où l'importance accordée à la Nature, en lui consacrant un chapitre entier dans la nouvelle charte fondamentale (Ch. III, Nature et Environnement), en prenant en charge la principale menace qui pèse sur nous en tant qu'êtres vivants, comme la crise climatique et de civilisation à laquelle nous sommes actuellement confrontés au niveau mondial.
Pour commencer, si l'on compare tout ce qui est écrit dans cette nouvelle proposition de constitution avec ce qui était écrit dans la constitution antidémocratique de Pinochet, il est pitoyable de constater le peu d'importance qui lui est accordée dans toutes ses pages, ne mentionnant qu'à l'article 19 "Le droit de vivre dans un environnement exempt de pollution". Il est du devoir de l'État de veiller à ce que ce droit ne soit pas affecté et de protéger la préservation de la nature" (1).
Dans le même sens, non seulement la constitution actuelle laisse la nature pratiquement muette tout au long du texte, mais elle la transforme en un simple bien économique, échangeable sur le marché, d'un point de vue économique néolibéral extrême, rendant explicite un tel niveau de marchandisation avec l'eau par exemple, où il est dit dans l'article 19 de la constitution actuelle que "les droits des personnes sur l'eau, reconnus ou constitués conformément à la loi, confèrent à leurs titulaires la propriété sur celle-ci" (2).
Au contraire, la nouvelle constitution démocratique écrite, qui sera votée le 4 septembre, place la Nature au centre, ce qui se reflète dans le nombre de fois où elle est mentionnée d'une manière ou d'une autre, où 74 articles sur les 388 sont présents dans toute la proposition constitutionnelle, ce qui équivaut à 19%.
De même, sur les 57 articles transitoires pour la mise en œuvre de la constitution, une fois approuvée, 9 d'entre eux sont liés à la nature, ce qui montre le souci de l'État de développer des lois et des politiques qui garantissent le soin et la défense de territoires qui ont été fortement malmenés au cours des dernières décennies.
En d'autres termes, nous sommes sans aucun doute en présence d'une éco-constitution qui crée un précédent au niveau mondial, car elle contribue à fixer des limites à un système de vie totalement insoutenable qui, dans le cas du Chili, se manifeste par la désertification, la perte de biodiversité, les zones dites sacrifiées et les multiples conflits socio-environnementaux générés par l'extractivisme de nature minière, forestière, agroalimentaire, salmonicole, immobilière et énergétique.
Face à cela, la nouvelle constitution présente un énorme changement de paradigme en termes de relation avec la nature, nous considérant comme faisant partie de celle-ci et interdépendants, laissant derrière nous un paradigme mécaniste et anthropocentrique, fonctionnel à la privatisation et à la marchandisation de la vie.
Ce n'est donc pas un hasard si le président de la Cour constitutionnelle de Belgique, Luc Lavrysen, a souligné que si la nouvelle constitution est approuvée au Chili, elle sera la plus avancée du monde en matière de protection de l'environnement, ce qui devrait nous emplir de fierté en tant que pays (3).
Par conséquent, la révision de la nouvelle constitution met en évidence le fait que l'État doit générer des politiques préventives face à la crise climatique existante et qu'il doit respecter et promouvoir les droits de la nature, à travers des politiques écologiquement responsables et l'éducation environnementale pour tous.
Elle souligne également l'obligation de l'État de protéger la biodiversité, en préservant, conservant et restaurant les différents habitats, en accordant une attention particulière aux biens communs naturels (fonds marins, plages, eau, glaciers et zones humides, champs géothermiques, air et atmosphère, haute montagne, forêts indigènes, sous-sol).
Pour la même raison, un nouveau statut de l'eau en tant que bien commun indispensable à la vie et en tant que droit que personne ne peut s'approprier, ce qui signifie que le Chili abandonne enfin le modèle du profit de l'eau, qui en a fait le seul pays au monde à privatiser non seulement son administration mais aussi les sources d'eau elles-mêmes.
En même temps, il est impossible de ne pas mentionner la création d'un bureau autonome du médiateur de la nature, ainsi que l'installation de différents principes transversaux qui reflètent la perspective écologique dans la nouvelle constitution (bien vivre, justice environnementale, solidarité intergénérationnelle, responsabilité et action climatique équitable).
Enfin, le fait que le Chili se déclare pays océanique et reconnaisse le maritorio comme une catégorie juridique est remarquable et sans précédent au niveau mondial, ce qui montre une fois de plus la centralité accordée à la nature dans cette nouvelle constitution.
Notes :
(1) Voir : http://www.oas.org/dsd/EnvironmentLaw/Serviciosambientales/Chile/Constitucionchile.pdf
(2) Voir : https://www.senado.cl/capitulo-iii-de-los-derechos-y-deberes-constitucionales
(3) Voir : https://www.reddit.com/r/chile/comments/w5fa5d/luc_lavrysen_pdte_corte_constitucional_de_b%C3%A9lgica/
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* Andrés Kogan Valderrama est un sociologue diplômé en éducation au développement durable, titulaire d'un master en communication et culture contemporaine et professionnel de la municipalité de Ñuñoa. Il est membre du comité scientifique de la Revista Iberoamérica Social et directeur de l'Observatoire Plurinational de l'Eau www.oplas.org.
Note de caro : J'aimerais ajouter à cette analyse ce qui a selon moi permis cette prise de conscience et cette place première de la nature dans la constitution : le fait que des représentants des peuples originaires soient partie prenante dans son écriture, c'est ce que le décrypte dans cette constitution, car là est leur vision du monde tout à fait éloignée de la nôtre. Pour mon cher Pablo Neruda, pour mon cher Victor Jara, pour tous les autochtones massacrés et mis en prison, pour toutes les victimes de la dictature qui ont voulu par leurs idées, leur art, leur musique faire de ce pays un pays-exemple, un pays libéré des jougs, je souhaite de tout mon coeur voir l'aboutissement de cette constitution. Qui sait, ne serait-elle pas celle qui permet de débloquer les consciences des états du monde ?
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La Naturaleza en el centro de la nueva constitución de Chile
"estamos en presencia sin duda a una eco constitución, que marca un precedente a nivel mundial, ya que contribuye a poner límites a un sistema de vida completamente insostenible" afirma Andrés K...
https://www.servindi.org/02/08/2022/la-naturaleza-en-el-centro-de-la-nueva-constitucion-de-chile