Chili : Des communautés Kawésqar demandent que la Réserve Nationale en Patagonie soit déclarée Parc National sans salmoniculture
Publié le 23 Juin 2022
21 juin 2022
Selon une étude réalisée par NatGEO Pristine Seas et les communautés locales, les principales menaces à court terme sont la salmoniculture et le changement climatique. Le rapport souligne également la diversité des habitats existants, des eaux protégées alimentées par de vastes systèmes de glaciers aux zones les plus exposées de l'océan Pacifique. Les connaissances traditionnelles du peuple autochtone Kawésqar, notamment l'importance du lien terre-mer dans la structuration des communautés marines, sont fortement étayées par les résultats scientifiques.
Magallanes, juin 2022. (radiodelmar.cl)- Les communautés du peuple Kawésqar en Patagonie ont demandé au gouvernement de Gabriel Boric d'engager la procédure de re-catégorisation de l'actuelle réserve nationale Kawésqar afin qu'elle acquière le statut de parc national. "Cela formerait une unité entre la terre et la mer, incorporant les systèmes fragiles de fjords et de canaux de l'actuelle réserve nationale dans le parc national", indiquent les pétitionnaires.
L'objectif est de faire travailler ensemble les communautés indigènes et l'État chilien pour "protéger efficacement la biodiversité et la culture qui habitent les Kawésqar Wæs", affirment les communautés.
Ils ont également désigné comme "conseillers techniques Alex Muñoz et Luciano Hiriart-Bertrand de National Geographic Pristine Seas afin qu'ils puissent travailler avec les équipes techniques du ministère des biens nationaux", indique une lettre qui a été remise à l'État.
Les Communautés Kawésqar pour la défense de la mer, composées des communautés Aswal lajep, Ata'p, Résidents de Rio Primero, Groupe familial Renchi Navarino, Groupes familiaux Inés Caro et Nomades del Mar, font partie du peuple Kawésqar qui habite le territoire sud du continent depuis plus de six mille ans.
Une réserve nationale a un degré de protection inférieur à celui d'un parc national.
Le 30 janvier 2019, le décret du ministère des biens nationaux a été publié au Journal officiel créant la réserve nationale " Kawésqar ", constituée de l'espace maritime qui faisait partie du périmètre de l'ancienne réserve forestière " Alacalufes ", identifiée dans le plan du ministère des biens nationaux n° 12401-1719-C.R., avec une superficie approximative de 2 628 429,2 hectares.
Le même décret a créé le parc national "Kawésqar" sur la zone terrestre adjacente à la réserve nationale couvrant la zone maritime.
"Il existe des raisons écologiques et bioculturelles pour accorder le même traitement et le même degré de protection au parc national et à la réserve nationale Kawésqar, qui forment une unité entre la terre et la mer", indique la lettre soumise au gouvernement.
La justification de cette demande est contenue dans le rapport ci-joint intitulé " Réserve nationale Kawésqar : connaissances traditionnelles, biodiversité et recommandations pour la protection du territoire ".
Ce rapport a été co-rédigé par le programme de conservation marine Pristine Seas de National Geographic et des membres de nos communautés. Le rapport a combiné les connaissances scientifiques et bioculturelles recueillies lors de deux expéditions dans la zone des fjords de Patagonie qui correspond au territoire ancestral du peuple Kawésqar ou Kawésqar Wæs.
Expéditions National Geographic Pristine Seas
La première expédition, menée en février et mars 2020, comprenait une équipe de scientifiques et de documentaristes de National Geographic Pristine Seas, des communautés Kawésqar pour la défense de la mer et du peuple Yagán. Plusieurs enquêtes scientifiques ont été menées à l'aide de la plongée sous-marine et de caméras à distance en eaux profondes qui ont enregistré jusqu'à 600 m afin d'examiner un écosystème unique et largement inexploré.
Les communautés Kawésqar pour la défense de la mer ont mené la deuxième expédition entre juillet et septembre 2020, explorant et recueillant des informations auprès de leur peuple dans une partie de leur vaste territoire, en appliquant une approche bioculturelle.
Les résultats de ces études ont été publiés dans la prestigieuse revue scientifique PLOS ONE. Cette publication décrit comment la réserve nationale Kawesqar est une zone prioritaire pour la conservation en raison de son haut degré d'endémisme, de ses fjords vierges, de ses glaciers, de ses forêts pluviales tempérées, de ses habitats océaniques et du plus grand champ de glace en dehors des régions polaires.
Le rapport indique que les principales menaces à court terme sont la salmoniculture et le changement climatique. L'étude souligne également la diversité des habitats existants, des eaux protégées alimentées par de vastes systèmes de glaciers aux zones les plus exposées de l'océan Pacifique. Les connaissances traditionnelles du peuple autochtone Kawésqar, notamment l'importance du lien terre-mer dans la structuration des communautés marines, sont fortement étayées par les résultats scientifiques.
L'étude souligne que la protection efficace de cette zone est d'une importance non seulement locale, mais aussi mondiale. Il s'agit du troisième plus grand réservoir d'eau douce de la planète après l'Antarctique et le Groenland, respectivement. Il constitue l'un des plus grands systèmes interconnectés connus de forêts de macroalgues brunes sous-marines, ainsi qu'un important réservoir de CO2, contribuant à atténuer l'impact du changement climatique. La zone protégée est importante pour les espèces migratrices et résidentes, notamment les baleines, les orques, les dauphins, les éléphants de mer, les otaries, les oiseaux, les poissons et les invertébrés marins. Elle abrite également les habitats les plus productifs de la région, en raison de sa forte incorporation de nutriments provenant du système montagneux, des glaciers et des courants océaniques subantarctiques. En tant que refuge climatique important, il soutient l'équilibre écologique de l'hémisphère sud et représente, à son tour, une zone clé pour la sauvegarde de notre sécurité alimentaire.
Dans le cadre du processus de création du parc national Kawésqar, une consultation indigène a été menée auprès des communautés Kawésqar, conformément à la convention 169 de l'OIT. Le rapport final est contenu dans le document du ministère des biens nationaux d'octobre 2017 intitulé " Systématisation du processus de consultation indigène avec le peuple Kawésqar pour l'extension et le reclassement de la réserve nationale d'Alacalufes ".
De manière pertinente, le rapport indique ce qui suit :
"Malgré tous les efforts déployés pour parvenir à un accord sur la mesure consultée, le peuple Kawésqar s'est opposé à la création du parc jusqu'à ce que la reconnaissance de sa revendication sur la mer soit résolue. En réponse à cela, tout a été fait pour expliquer les compétences du ministère et son champ d'action. L'organisme responsable a pu faire part de son incapacité à donner suite à cette demande, ce qui a finalement été compris par les communautés. Le peuple Kawésqar, en tant que peuple nomade de canoës de mer, comprend culturellement la mer et la terre dans leur ensemble en relation avec lui-même. Le maritorio fait partie de leur cosmovision, de la manière dont ils décodent la réalité et l'interprètent. Par conséquent, leur réticence à ce que la mer ne fasse pas partie de la proposition est tout à fait raisonnable, bien qu'ils soient d'accord avec le parc national pour la protection de l'environnement contre l'avancée de l'exploitation aquacole et minière, ainsi que du tourisme intensif".
Comme on peut le constater, les communautés kawésqar ont clairement fait savoir à l'époque que le fait de limiter le parc national de Kawésqar à la partie terrestre, laissant le territoire maritime dans un moindre degré de protection et de vulnérabilité, est contraire à notre cosmovision et à nos territoires de vie. La mer et la terre constituent le territoire ancestral du peuple Kawésqar ou Kawésqar Wæs. Ils forment une unité et nous ne croyons pas aux divisions artificielles telles que celles qui ont été créées en les traitant différemment.
[1] (Convention pour la protection de la flore, de la faune et de la beauté naturelle des paysages des Amériques "Convention de Washington". Ratifié par l'État du Chili par le décret suprême n° 531 du ministère des affaires étrangères en 1967).
source d'origine www.radiodelmar.cl
traduction caro d'un article paru sur agencia de noticias.org le 21/06/2022