Pérou : Rejet unanime de l'arrêt du TC qui ne tient pas compte du droit à la consultation

Publié le 7 Mars 2022

L'arrêt du TC niant le droit à la consultation préalable est décrit comme un acte de "racisme traduit en droit". Photo : Andina/Andrés Valle

Les organisations autochtones et de la société civile rejettent l'arrêt du TC qui nie le droit à la consultation préalable de tous les peuples autochtones du pays.

Servindi, 4 mars, 2022 - Les organisations autochtones et de la société civile ont exprimé leur rejet catégorique d'un récent arrêt de la Cour constitutionnelle (TC) qui ne tient pas compte de la consultation préalable comme droit fondamental.

Les organisations exigent la rectification immédiate du TC, ainsi qu'une déclaration de rejet de cette décision par le président Pedro Castillo et le ministre de la Culture, Alejandro Salas.

"La Cour constitutionnelle entend priver les peuples autochtones d'un outil fondamental d'accès à la justice pour la défense de nos droits", a dénoncé l'Association interethnique pour le développement de la selva péruvienne (Aidesep).

L'Instituto de Defensa Legal (IDL), l'Organisation nationale des femmes indigènes andines et amazoniennes du Pérou (Onamiap) et la Confédération des nationalités indigènes du Pérou (Conap) ont également remis en cause le jugement dans une déclaration.

Les communautés paysannes aymara Chila Chambilla et Chila Pucará, qui ont été directement affectées par la décision du TC, ont approuvé le rejet.

Des droits ignorés

Le 2 mars, l'assemblée plénière de la Cour constitutionnelle a déclaré irrecevable un procès intenté par les communautés paysannes de Chila Chambilla et Chila Pucará, à Juli (Puno), qui demandait la nullité des concessions minières accordées sans consultation préalable sur leurs territoires.

Dans sa décision Exp. N° 03066-2019-PA/TC, la Cour a estimé que la consultation préalable n'est pas un droit fondamental et que la Convention 169 de l'Organisation du travail (OIT) n'a pas de valeur constitutionnelle.

Cette décision du principal organe constitutionnel du pays laisse les peuples autochtones du pays sans protection dans leur lutte pour la protection de leurs droits. Comme l'a souligné Aidesep, il s'agit d'un acte de "racisme traduit en loi".

L'organisation souligne que la mesure de la Cour constitutionnelle affecte tous les droits envisagés dans la Convention 169 : au territoire, au consentement, à l'autodétermination, à l'éducation, à la santé interculturelle, entre autres.

"200 ans après la République, il est scandaleux que le plus haut interprète de la Constitution persiste dans des déclarations qui ne font que rendre visible le racisme contre les peuples autochtones", a déclaré l'Aidesep, qui représente 1809 communautés autochtones du pays.

Dans la même veine, l'Onamiap a indiqué que l'arrêt ne représente pas seulement une violation des droits, mais qu'il est "la continuité des politiques de colonisation auxquelles nous, les peuples indigènes, continuons à être confrontés".

L'organisation a souligné le soutien des magistrats Augusto Ferrero Costa, José Luis Sardón de Taboada et Ernesto Blume Fortini à cette décision, qu'elle a qualifiée de "barbarie juridique".

"La consultation et le consentement préalable, libre et éclairé sont des droits qui permettent et garantissent l'autodétermination des peuples autochtones, qui représentent plus de 20% de la population nationale", a rappelé l'Onamiap.


Arguments avancés

La Cour constitutionnelle a rejeté la demande des communautés paysannes de Puno pour les motifs suivants :

  • Le droit à la consultation préalable n'est pas reconnu dans la Constitution, que ce soit de manière expresse ou tacite, et il n'est donc pas possible de demander une protection par le biais du processus d'amparo, car il ne s'agit pas d'un droit fondamental. 

Comme l'explique l'Instituto de Defensa Legal (IDL), la décision du TC est erronée car elle ne tient pas compte du droit à la consultation préalable prévu par la jurisprudence nationale et internationale.

Dans une prise de position, l'IDL analyse les arguments utilisés par la Cour, tels que ceux faisant référence au fait que la consultation préalable "n'est pas un droit fondamental", "n'a pas de rang constitutionnel" et "ne peut être protégée par amparo".

En réponse, l'IDL rappelle les nombreux précédents qui confirment le droit à la consultation préalable dans le pays par la Cour elle-même et dans la région par la Cour interaméricaine des droits de l'homme.

En outre, la IDL précise que "les droits reconnus dans la Convention 169 de l'OIT et dans tous les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme sont des droits fondamentaux d'origine conventionnelle".

L'IDL indique ainsi qu'elle présentera un "recours en rectification" dans le but de rectifier cette sentence qui, bien qu'elle ait été prononcée contre les communautés de Puno, "laisse sans défense le droit à la consultation préalable de tous les peuples indigènes du pays".

Que dit la Constitution ?

Article 3 - Droits constitutionnels. L'énumération des droits établis dans le présent chapitre n'exclut pas les autres droits que la Constitution garantit, ni ceux de nature analogue ou qui sont fondés sur la dignité de l'homme, ou sur les principes de la souveraineté du peuple, de l'État de droit démocratique et de la forme républicaine de gouvernement.

Article 55.- Traités. Les traités conclus par l'État et en vigueur font partie du droit national.

Quatrième disposition finale et transitoire : Interprétation des droits fondamentaux. Les normes relatives aux droits et libertés reconnus par la Constitution seront interprétées conformément à la Déclaration universelle des droits de l'homme et aux traités et accords internationaux sur les mêmes sujets ratifiés par le Pérou.

Les signatures suivent

Se joignant au rejet, plus de quarante organisations autochtones et de la société civile ont remis en question le sérieux revers qu'implique l'arrêt de la Cour.

Dans leur déclaration, ils rappellent les précédents qui soutiennent le droit à la consultation préalable des peuples autochtones depuis que la Convention 169 de l'OIT est entrée en vigueur au Pérou en février 1995.

Dans cette optique, il est rappelé que "notre Constitution politique protège non seulement les droits fondamentaux explicitement reconnus, mais aussi ceux qui sont implicitement reconnus et ceux qui sont incorporés par les traités relatifs aux droits de l'homme".

Le devoir de garantir ces droits est impératif, "surtout lorsque ces droits correspondent à des peuples historiquement exclus qui sont confrontés quotidiennement à diverses barrières politiques, sociales, économiques et culturelles".

Le communiqué se termine par un rejet de la position des trois magistrats qui ont soutenu la décision et un appel au TC pour qu'il la rétracte.

Menée par les communautés paysannes Chila Chambilla et Chila Pucara, cette dernière déclaration est signée par Derechos Humanos sin Fronteras/Droits Humains sans Frontières (DHSF), Cooperacción, Red Muqui et le Comité national de coordination des droits de l'homme (CNDDHH).

Le gouvernement autonome de la nation Awajún (GTAA), la Confédération des nationalités amazoniennes du Pérou (Conap), l'Institut du bien commun (IBC), l'Association des services éducatifs ruraux (SER), Peru Equidad, entre autres organisations.

traduction caro d'un article paru sur Servindi.org le 04/03/2022

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