Les deux Guatemala : celui des enfants Ch'orti' et celui des ministres

Publié le 4 Mars 2022

2 mars 2022
17 h 13
Crédits : La fondation Angels to the Rescue soutient les communautés Chorti'de Chiquimula.
Temps de lecture : 6 minutes
Par Juan Calles

Jazmín est née dans la communauté de La Ceiba à Jocotán, Chiquimula, dans le corridor sec, où la crise alimentaire ne s'est pas améliorée depuis des années. Jazmín est morte d'une déficience pulmonaire causée par la malnutrition aiguë dont elle a souffert dès sa naissance.

Les volontaires qui s'occupent des familles à La Ceiba ont été surpris lorsqu'une infirmière du centre de santé où Jazmín est décédé a déclaré aux médias que l'enfant n'était pas mort de malnutrition, mais de problèmes pulmonaires. Ceci malgré le fait que les preuves physiques de malnutrition étaient indéniables.

Il ne s'agit pas d'un incident isolé ; les institutions gouvernementales tentent de cacher la réalité de la malnutrition, ont déclaré à Prensa Comunitaria des membres de la fondation Ángeles al Rescate (Anges à la rescousse).

Cette fondation travaille avec des enfants et des adultes souffrant de malnutrition sévère. Sans soutien institutionnel, elle a réussi à aider de nombreuses familles Chorti et son travail montre la gravité de la situation.

Le ministère de la santé publique et de l'assistance sociale, MSPAS, par le biais du système national d'information sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle, SIINSAN, enregistre 3 230 cas de malnutrition aiguë jusqu'au 22 février de cette année.

Cas de malnutrition aigüe 2020/2022, accumulés dans la même semaine
Graphique de SIINSAN

Les graphiques montrent qu'il n'y a pas d'augmentation du nombre de cas, mais en réalité la situation est différente, selon Roberto Carlos Morales, de la Fondation Angeles al Rescate, le MSPAS tente de cacher les données réelles. En outre, a ajouté M. Morales, les données enregistrées sur les pages web du gouvernement font état des informations qu'ils conservent sur les personnes qui se rendent dans les centres de santé où elles arrivent pour demander de l'aide, cependant, il y a beaucoup de familles dans les communautés qui n'ont pas accès au système de santé et ne sont donc pas enregistrées pour les données officielles.

Malnutrition aiguë chez les moins de cinq ans par année d'enregistrement, Cas et taux jusqu'à la semaine épidémiologique 6, Guatemala, 2020-2022*.


Un budget insuffisant pour faire face à la situation

Le Guatemala a été confronté à de graves crises ces derniers mois, notamment celles générées par les tempêtes ETA et IOTA en 2020, la pandémie de COVID19, l'augmentation de la pauvreté et la capacité limitée des institutions gouvernementales à exécuter le budget alloué.

En outre, chaque année, le budget consacré à ces cas est insuffisant pour faire face à la situation et, de plus, il est réduit. Par exemple, le Plan opérationnel pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle, POASAN, dispose de 5,6 millions d'euros alloués à huit ministères et quatre secrétariats chargés de la sécurité alimentaire.

Pour Andrea María Aldana, défenseur de la sécurité alimentaire et nutritionnelle du bureau du médiateur des droits de l'homme, la réduction du budget pour 2022 est inquiétante. "Par exemple dans la fourniture de micronutriments, dans le contrôle et l'enrichissement des aliments, dans le suivi du développement de l'enfant, ainsi que dans l'accouchement et les soins aux nouveau-nés". "Une autre faiblesse est que le ministère de l'agriculture, de l'élevage et de l'alimentation, MAGA, ne se voit pas allouer de ressources pour la question de la malnutrition infantile, ce qui affaiblit le rôle que cet important ministère devrait jouer dans la stratégie que le gouvernement appelle la grande croisade nationale pour la nutrition", a déclaré Aldana.

Le Gouvernement de la République annonce la Grande Croisade Nationale pour la Nutrition, qui propose cinq lignes d'action pour faire face au grave problème de la malnutrition infantile, à savoir : la santé et la nutrition, la disponibilité et l'accès à une alimentation saine, la protection sociale, l'eau potable, l'assainissement et l'hygiène, et la communication pour le changement social. Toutefois, depuis 2020, cette stratégie a pris du retard en raison de la pandémie de COVID19, selon les autorités du MSPAS.

Pour le bureau du médiateur de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, les lignes d'action proposées par la "Grande Croisade" sont des programmes qui existent déjà au sein des ministères concernés ; il n'y a rien de nouveau dans la stratégie du gouvernement. " Ce sont des programmes qui ont toujours existé, ils ont essayé de les lier dans une Grande Croisade, mais en réalité ce sont des activités qui sont déjà réalisées, le malheur est que, bien qu'ils soient inclus dans la Grande Croisade, cela ne signifie pas qu'ils ont un budget plus important, donc cela devient une autre faiblesse ", a conclu Aldana.

Selon le député Edgar Batres, président de la Commission de l'enfance et de la famille du Congrès de la République, les postes qui ont fait l'objet d'une réduction budgétaire vont encore aggraver la situation de la malnutrition infantile. "Le budget pour la prévention de la malnutrition chronique et aiguë dans le MSPAS a été réduit avec une coupe de Q.137,2 millions de quetzales en 2022 ; de même, les activités de soutien à la disponibilité et à la consommation d'aliments et de soutien à l'augmentation des revenus des ménages pour la prévention de la malnutrition chronique dans le MAGA ont été affectées, dans le ministère du Développement social, MIDES ; le budget pour les transferts monétaires conditionnels a également été réduit, tandis que les ressources pour les cantines sociales ont été augmentées", a-t-il ajouté.

Cependant, dans le système intégré de comptabilité gouvernementale, SICOIN, MIDES ne signale aucune exécution à partir de février 2022 des Q778 700,00 qui lui ont été alloués.

Pendant ce temps, le gouvernement célèbre la "croissance économique".

Au début de l'année 2022, le gouvernement guatémaltèque a célébré des chiffres officiels montrant une croissance de 7,5 % du produit intérieur brut, le PIB, une augmentation positive jamais vue au cours des 40 dernières années, selon les autorités ministérielles. Les secteurs les plus dynamiques ont été l'hébergement et la restauration avec une croissance de 11,6%, l'exploitation de carrières avec 6,2%, les activités financières avec 5,2% et la fourniture d'électricité et le commerce avec 5,1%.

Le représentant des entreprises au sein du cabinet gouvernemental et ministre de l'Économie, Antonio Malouf, dans son discours lors de la présentation des données, a souligné que la "transformation économique est basée sur l'attraction des investissements, la recherche de nouveaux marchés pour promouvoir le commerce et la croissance des micro, petites et moyennes entreprises et la numérisation de la gestion publique".

Lors de la conférence de presse, les ministres semblaient parler d'un autre Guatemala, un Guatemala prospère et sain qui n'existe que dans les rapports gouvernementaux présentés dans les grandes salles du Palais national de la culture.

Selon le député Batres, cette prétendue croissance n'est rien d'autre qu'une injection de 11 milliards de quetzales qui ont été transférés à l'initiative privée, un montant approuvé pour 2020, appelé Bonos para la reactivación económica (obligations pour la réactivation économique). "En plus d'avoir été transférés au système financier, ils ont profité à Banrural avec un milliard de Q, à Banco de los Trabajadores avec 400 millions de Q et à Banco Inmobiliario avec 300 millions de Q. Banrural n'a pas tenu compte de ce qui a été investi dans chacun d'entre eux. Il s'agit d'une injection dans le système productif, qui est à l'origine de la croissance, mais aussi des millions qui ont été générés par les intérêts de gestion, même sans que la Banque du Guatemala ne fournisse les données", a déclaré le député.

Gandul Chorti", une légumineuse qui pourrait être une solution

Roberto Carlos Morales, de la fondation "Angeles to Rescape", confirme une information fournie par les autorités gouvernementales : jusqu'à la fin du mois de février 2022, aucun décès dû à la malnutrition aiguë n'a été enregistré, et l'une des raisons de ce succès réside dans une légumineuse que la fondation a introduite dans l'alimentation des enfants Chorti : le "Gandul Chorti".

"En recherchant ce qu'Haïti a fait pour réduire la malnutrition des enfants, nous avons découvert qu'ils utilisent une légumineuse similaire aux haricots (pois d'angole), elle a des racines qui résistent à la sécheresse et se reproduit bien dans la région Chorti', avec laquelle nous faisons un atol qui pour 100 grammes contient 22 grammes de protéines, ce qui en fait un super aliment", a rapporté Morales.

"L'année dernière, nous avons eu entre 10 et 12 enfants qui sont morts de malnutrition, cette année nous n'en avons eu aucun, et il est faux pour moi de le dire, mais je pense que c'est grâce au succès que nous avons eu avec cet atol que nous préparons avec le Gandul Chorti", a affirmé Morales.

En outre, la fondation encourage les jardins familiaux et les barrières naturelles pour prévenir les glissements de terrain et ainsi protéger les jardins que les familles apprennent à construire. Cependant, les membres de la Fondation "Angeles to the Rescape" font l'objet de graves menaces de mort en raison de leur travail dans la région, et de nombreux bénévoles ont cessé de travailler dans les communautés en raison de ces menaces.

M. Morales a déclaré qu'il poursuivrait le travail de la fondation malgré les menaces, car les enfants de la municipalité en ont besoin. Pendant ce temps, le cabinet du gouvernement continue de célébrer la "croissance économique".

traduction caro d'un article paru sur Prensa comunitaria le 02/03/2022

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