Le cháguar et l'artisanat wichí

Publié le 21 Février 2022

 

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Le terme cháguar sert à désigner plusieurs espèces botaniques différentes qui sont néanmoins apparentées et qui sont endémiques de l’Amérique du sud. Ce sont des plantes aux fibres textiles appartenant à la famille des broméliacées (famille de l’ananas et de la plante que l’on nomme en France, bromélia). Ces plantes font penser au yucca. Les feuilles sont persistantes, en forme d’épée.

 On les trouve plus précisément dans l’écorégion du Gran Chaco, en Argentine, en Bolivie et au Paraguay.

Par Flyhighplato sur Wikipédia anglais — Transféré de en.wikipedia à Commons par Dmitri Lytov utilisant CommonsHelper., Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=8495306

Le terme cháguar vient de la langue quechua.

Dans les régions où domine la langue guaranie la plante est connue sur le nom de caraguatá.

Et pour les peuples qui vivent dans le Gran Chaco, elles portent d’autres nommes comme chitsaj/chutsag en wichi.

Les 3 plantes sont :

bromelia hieronymi De Ignacio13nac - Trabajo propio, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=48964201

  • Bromelia hieronymi
  • Deinacanthon urbanianum

Chaco, province de Córdoba, Salta, Formosa en Argentine, au Paraguay et en Bolivie.

Fibre utilisée par les Wichís depuis toujours. Ce peuple de chasseurs cueilleurs est expert en artisanat utilisent le cháguar et les femmes réalisent de superbes sacs, des articles ménagers, des vêtements, des filets, des cordes et d’autres objets ainsi que des hamacs.

La rosette ou bulbe de cette espèce se mange bien cuite

photo de bromelia urbaniana dont je pense que c'est le synonyme de deinacanthon urbanianum Par Raffi Kojian — http://www.gardenology.org, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=9714759

  • Pseudananas sagenarius (caraguatá)

pseudananas sagenaria Par Ken Marks — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=8228296

Utilité pour les peuples indigènes

Les plantes sont utilisées par les peuples indigènes de la région du Chaco bolivien comme les Chulupí, Wichí, Enxet, Pilagá, Toba/Qom, Ayoreo et Chorote.

Par contre, les blancs eux n’y voient pas d’avantages mais des inconvénients. Ils estiment ses plantes comme des mauvaises herbes, elles gênent le bétail car elles sont piquantes et les animaux pour les éviter ne paissent pas à proximité.

Dans les années 1940 en Argentine et au Paraguay, des industries ont été mises en place pour extraire et transformer la fibre de cháguar pour fabriquer des sacs devant remplacer ceux en jute et en lin. En effet leurs feuilles contiennent une grande quantité de fibres de bonne qualité. Les industries ont cessé malgré tout rapidement.

Ces plantes ne sont pas cultivées, elle poussent à l’état sauvage, à mi ombre dans la strate moyenne des forêts chaqueñas, se reproduisant par stolons.

A  cause de la déforestation et de l’exploitation forestière du Chaco, du pillage de l’agriculture, la présence de ces plantes diminue même si les espèces ne sont pas menacées et ne sont pas non plus jugées d’importance écologique primordiale.

Le territoire du peuple Wichí a été exposé à la fin du XIXe siècle à l’élevage extensif du bétail et aux scieries qui ont considérablement dégradé l’écosystème déplaçant les Wichís dans de petites villes « protégées » par des églises chrétiennes, les transformant en occupants précaires sans droit à la terre.

 

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Le cháguar comme les autres ressources du territoire, les poissons, le gibier, les fruits et les fibres sont des ressources libres d’accès pour les peuples. La relation très complexe du peuple Wichí avec la nature et son économie séculaire de non-accumulation était sa sauvegarde par l’utilisation durable des ressources de manière équitable.

Pour les Wichís il n’y a aucune restriction sur la collecte et l’utilisation du cháguar mais par contre, cela prend du temps et beaucoup de travail.

Ils ont malgré tout des tabous qui punissaient ceux qui extrayaient de trop, ces tabous étant représentés par le « propriétaire » ou « seigneur » de la ressource à qui il faut demander l’autorisation pour la récolter, chasser, pêcher. Le propriétaire ne maltraite pas la ressource et permet aux Wichís de prélever ce dont ils ont besoin en veillant sur eux afin d’éviter qu’ils ne soient égoïstes avec les familles, afin de ne pas extraire de trop sous peine d’être punis par des chasses ou des collectes infructueuses.

 

Processus de récolte

Autrefois, c’était l’homme qui tissait les filets et les cordes avec le cháguar pour pêcher. Aujourd’hui, certains récoltent la plante pour les femmes mais la production des objets en cháguar est purement féminine.

Les femmes vont en petits groupes dans les montagnes pour récolter le matériau, elles peuvent passer parfois 2 ou 3 jours dans des campements sommaires. Si les chaguarales sont éloignées elles parcourent jusqu’à 30 km pour les atteindre.

Avec la plante, elles déchirent les feuilles, les filent les teignent, les tissent, fabriquent leur artisanat et disposent comme elles le souhaitent des revenus qu’elles en tirent.

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Elles choisissent uniquement les plantes qui ont une taille et une qualité requises.

couper des feuilles de Chaguar

Avec un bâton ou une machette, elles détachent la plante du sol en la tirant en faisant en levier avec le corps.

beating the fibres

Elles choisissent les feuilles les plus longues, en bon état, enlèvent les épines, épluchent les feuilles, séparant les couches extérieures de la partie intérieure qui contient la fibre, qu’elles ramèneront chez elles.

Les feuilles les plus courtes et le reste de la plante restent sur place.

Elles écrasent la fibre avec un morceau de métal, la grattent avec un objet pointu, la trempent dans l’eau à plusieurs reprises jusqu’à ce que le tissu parenchyme attaché à la fibre soit enlevé.

Drying the Chaguar fibres

La fibre est ensuite mise à sécher au soleil pendant une ou deux journées : elle doit devenir blanche.

Le filage se fait en réunissant plusieurs brins, en les tournant d’un mouvement rapide des mains sur les cuisses, enduite de cendres provenant d’une pierre calcinée ce qui rend le filage plus doux.

Chaguar tissé

Ensuite les fibres sont teintes avec différents colorants naturels (noir, brun, gris, rouge sont les couleurs les plus courantes), ces plantes venant de la brousse également.

Le tissage se fait à l’aide d’une aiguille.

source de ces images

Les dessins : Les dessins sont issus de l'univers culturel des Wichis, un peuple de chasseurs-cueilleurs qui a toujours vécu dans la brousse, en suivant les rythmes de la nature. Ils reproduisent les animaux de la forêt, avec lesquels le chasseur établit une relation intime : il s'identifie même à l'esprit de la proie. Parmi les plus utilisés, citons le dos du suri, l'œil du hibou, la poitrine du pic et la peau de la vipère.

Quelques exemples de graines récoltées par les femmes Wichís pour l'artisanat :

mimosa Par Roger Culos — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=29631103

  • Mimosa (leucaena leucocephala), faux mimosa : graines brun foncé, allongée et plate. C'est la plus utilisée par les Wichis.

jaboncillo CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=703281

  • Jaboncillo ou palo del jabón (sapindus saponaria), arbre à savon, bois savonnette : graine ronde, grosse, noire, opaque, très utilisée également.

tipa Par Philmarin — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=68641539

  • La tipa (tipuana tipu), palo rosa : graine allongée de couleur rougeâtre.

tartago/ricin Par Schnobby — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=19032039

  • Le tártago (ricinus communis), ricin commun : grosse graine tachée de plusieurs couleurs.

canna https://www.wikiwand.com/fr/Canna_indica

  • Achira ou achera (canna edulis), canna comestible : graine ronde et noire, plus petite que celle du jaboncillo.

guayacan Par PATRICIA BULARTE — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=58370016

  • Guayacán (caesalpina paraguariensis), graine dure, brun clair, allongée, plus grande que celle du mimosa.

palo borracho

  • Palo bolilla ou palo borracho (chorisia insignis), ceiba speciosa : c'est l'épine du tronc qui est utilisée.

algarrobo source

  • Algarrobo (prosopis spp.), le caroubier.

 

 

sources : wikipedia, matriarcat.com

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