Les tambours sacrés du Burundi

Publié le 4 Décembre 2021

Une tradition ancestrale reconnue comme patrimoine mondial mais dont les interprètes survivent dans des conditions extrêmes : un immense paradoxe à méditer

Le Burundi est enclavé, bordé au nord par le Rwanda, au sud et à l'est par la Tanzanie et à l'ouest par la République démocratique du Congo. C'est l'un des pays les plus pauvres du monde, où 90 % de la population dépend de l'agriculture.

C'est un pays en proie à la guerre civile, à la corruption politique, à un accès insuffisant à l'éducation et aux graves effets des maladies contagieuses. Dans de nombreuses communautés, il est courant que les adolescents apprennent les bases des mathématiques et de la langue, ainsi que le jeu de tambour - la marque culturelle de la région - mais la réalité des jeunes est loin d'être équitable, entre conflits armés, contextes carcéraux et cas de malnutrition, et une bonne partie de leur enfance se passe sans les ressources les plus élémentaires, alors qu'ils rêvent de vivre dans un pays où la paix est possible.

Dans ce scénario, cependant, il y a un contexte de tambours qui marque une pulsation ancestrale, exprimée par la joie et la danse. Depuis quelques années, les tambours royaux du Burundi, ainsi que les rituels et cérémonies de la Sebeïba dans l'oasis de Djanet en Algérie, font partie des 18 nouveaux participants au patrimoine culturel immatériel de l'humanité, déclaré par l'UNESCO en 2014.

Les tambours sacrés du Burundi, appelés Ingoma, sont toujours actifs dans la région de Gitega, l'ancienne capitale coloniale, lorsque le Burundi était sous contrôle allemand. La Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité est constituée des expressions qui démontrent de manière palpable la diversité du patrimoine immatériel et nous font prendre conscience de son importance. En 2008, le Comité a ajouté 90 nouveaux composants à la liste représentative. De 2009 à 2013, 192 autres composants ont été ajoutés. Une liste qui s'allonge malgré le fait que nombre de ses trésors vivants vivent en permanence dans des contextes d'extrême vulnérabilité sociale.

Le patrimoine culturel immatériel comprend les pratiques culturelles vivantes telles que les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, les rituels et les événements festifs, les connaissances et les pratiques relatives à la nature et à l'univers ou les connaissances liées à l'artisanat et aux compétences traditionnelles.

Au Burundi, il est impossible d'imaginer ses rues et ses villages sans entendre des tambours en arrière-plan. La danse rituelle du tambour royal associe le puissant son synchronisé des tambours à des danses, des poèmes épiques et des chants traditionnels. L'ensemble de la population le considère comme un élément fondamental de son identité et de son patrimoine culturel.

L'exécution de cette danse nécessite un nombre impair de tambours, toujours plus de douze, qui sont disposés en demi-cercle autour d'un tambour central. Certains sont joués avec un rythme continu et les autres suivent la cadence fixée par le tambour central. Deux ou trois des musiciens dansent au rythme des tambours.

Ce rituel a lieu à l'occasion de fêtes nationales et locales, ou de l'accueil de visiteurs importants. Il est censé réveiller les esprits des ancêtres tout en chassant les mauvais esprits.

Les gardiens de cette tradition culturelle sont recrutés dans les sanctuaires du pays et beaucoup d'entre eux sont des descendants des gardiens des sanctuaires des tambours sacrés. La danse rituelle du tambour royal, les valeurs qu'il incarne et les techniques spécialisées de fabrication des instruments sont transmises essentiellement par la pratique, mais aussi par l'éducation formelle. Aujourd'hui, la célébration du rituel est une occasion de transmettre des messages culturels, politiques et sociaux, ainsi qu'un moyen privilégié de rassembler des personnes de générations et d'horizons différents, favorisant l'unité et la cohésion.

Des tambours qui forgent un sentiment d'identité, reconnus dans le monde entier pour leur contribution à la culture immatérielle, mais dont les interprètes survivent dans des conditions extrêmes, voilà un immense paradoxe à méditer.

Par Daniel Canosa

Sources :
UNESCO. La danse rituelle du tambour royal
http://www.unesco.org/culture/ich/es/RL/la-danza-ritual-del-tambor-real-00989
Magazine de la Fundación Sur
http://www.africafundacion.org/spip.php?article19099
Date : 29/11/2021

traduction caro d'un article paru sur Elorejiverde le 29/11/2021

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article