Usages et abus des droits des autochtones dans les conflits entre pouvoirs
Publié le 2 Septembre 2021
Mardi 31 août 2021
Blog ISA
Márcio Santilli, partenaire fondateur d'ISA
Le Tribunal Suprême Fédéral (STF) reprendra demain son jugement sur la thèse du "cadre temporel", qui entend restreindre les droits des autochtones aux seules terres qu'ils occupaient le 5 octobre 1988, date de la promulgation de la Constitution. La thèse a été soulevée, en 2009, dans le jugement du STF sur la démarcation du Territoire Indigène (TI) Raposa-Serra do Sol (RR), mais les ministres du STF lui-même ont considéré, à différentes occasions, que les conditions et restrictions mentionnées dans cette décision ne devaient pas être étendues automatiquement à d'autres cas.
En 2009 également, lors de la contestation de la démarcation de la TI Ibirama-Laklãnõ, des peuples Xokleng, Kaingang et Guarani, le gouvernement de Santa Catarina a repris cette thèse. En 2019, l'affaire a obtenu le statut de "répercussion générale". Cela signifie que la décision finale sur cette affaire servira de ligne directrice, pour le pouvoir judiciaire et l'administration fédérale, pour toutes les autres démarcations.
Cette décision est attendue depuis des années. Les ruralistes veulent que le STF adopte le cadre temporel comme un moyen d'empêcher la conclusion des processus de démarcation en cours, alors qu'ils promeuvent des projets de loi au Congrès pour permettre l'exploitation de zones d'intérêt situées sur des terres indigènes et pour autoriser la plantation de cultures génétiquement modifiées. Du point de vue des indigènes, le rejet du cadre temporel est essentiel pour rendre possible la reconnaissance des terres de divers groupes qui ont été expulsés pendant la dictature militaire.
Sous la pression des ruralistes, le Bureau du conseiller général de l'Union (AGU), en 2017, a émis un avis instituant le cadre temporel et d'autres normes limitant les démarcations. La mesure de l'UGA a vu ses effets suspendus jusqu'à la fin du procès, qui a commencé virtuellement, mais a ensuite été transférée à la plénière formelle à la demande du ministre Alexandre de Moraes. Il a ensuite été programmé pour la fin du mois de juin et, après quelques reports, a finalement commencé jeudi dernier, avec la perspective d'être conclu au cours de cette semaine.
Mobilisation autochtone
En juin, après tous les protocoles sanitaires, des délégations indigènes sont venues à Brasilia, même sans invitation formelle et sans structure de permanence. Un campement improvisé a été mis en place et a rassemblé un millier d'indigènes qui ont protesté contre les projets de loi, contraires à leurs droits, qui sont en cours de discussion au Congrès, mais en accordant une attention particulière au procès qui allait commencer à ce moment-là. Avec son report à la fin du mois d'août, l'Articulation des peuples indigènes du Brésil (Apib) a organisé le Campement Luta pela Vida (ALV), qui a accueilli plus de six mille représentants de 176 peuples de tout le Brésil. Il s'agissait de la plus grande manifestation de l'histoire et une partie des autochtones sont restés à Brasilia, dans l'espoir que l'affaire soit résolue, avec l'affirmation de leurs droits.
La force politique du mouvement indigène a été clairement perçue. L'ALV est un exemple d'organisation. Tous les participants avaient été préalablement vaccinés et une grande partie d'entre eux ont été testés à l'arrivée et au départ. Ils ont également eu accès à des masques, du gel alcoolisé et d'autres fournitures, donnés par des particuliers et des institutions. Ils ont mené leurs manifestations de manière pacifique et ont fait comprendre que le groupe d'indigènes qui a souvent été mobilisé par le gouvernement, y compris lors des élections présidentielles, est une infime minorité.
Le banc des ruralistes, qui défend les intérêts du segment le plus arriéré et prédateur de l'agrobusiness, a écarté de l'ordre du jour du Congrès ses projets les plus pernicieux, qui visent à rendre non viables les nouvelles délimitations de terres, en plus de réduire l'extension de celles déjà délimitées et de permettre leur exploitation par des tiers. Des articles de presse payants ont également été publiés, diffusant de fausses informations sur l'impact des démarcations en cours sur la production agricole et l'élevage, qui ont été rapidement démenties.
Le président Jair Bolsonaro a également eu recours à des mensonges alarmistes, affirmant que si le STF rejette le cadre temporel, une zone plus grande que toute la région sud serait ajoutée aux terres déjà délimitées, rendant l'agrobusiness non viable dans le pays. En fait, les démarcations d'un tiers des terres indigènes sont en attente (avec des processus déjà ouverts à la Fondation nationale des Indiens), la plupart d'entre elles étant plus petites et situées en dehors de l'Amazonie. Les demandes en suspens ne sont pas d'une ampleur telle qu'elles puissent affecter la production agricole et l'élevage. Mais le président a l'intention d'utiliser le procès d'étape temporel pour attaquer le STF, y compris lors des manifestations pour le coup d'État prévues pour le 7 septembre.
Obstruction et représailles
Il est prévu que la majorité des juges du STF suivront le vote du juge rapporteur, Edson Fachin, pour rejeter la thèse du cadre temporel et réaffirmer la nature originelle des droits territoriaux autochtones, qui est exprimée dans la Constitution. Cependant, tout ministre peut demander des vues et interrompre le procès, et Kassio Nunes Marques, nommé par Bolsonaro, sera le prochain à voter, dès que les interventions des parties au litige et des institutions qui se sont qualifiées comme amici curiae (personnes et organisations qui apportent des subventions à l'affaire) seront terminées. En cas de demande d'accès au plumitif, une autre date serait fixée dans le futur pour la conclusion de l'affaire.
Le ministre Gilmar Mendes s'est dit préoccupé par le manque de médiation entre les intérêts des autochtones et des ruralistes. Il se peut qu'il tente, par son vote (s'il y en a un), de construire une position intermédiaire, qui rejette le délai comme une limite, mais établit le droit à une compensation (pour le terrain), en plus de toute amélioration, pour les propriétaires ayant des titres de propriété légitimes. Il semble difficile, mais pas impossible, pour la majorité du STF de s'aventurer à légiférer dans ce sens, dans le cadre de cette décision qui devrait revenir au Législatif.
Cependant, les ruralistes ne semblent pas disposés à faire une quelconque médiation. Des efforts dans ce sens ont déjà été faits, sans succès jusqu'à présent. Même la proposition d'amendement à la Constitution (PEC) 132, qui institue le droit à l'indemnisation et a déjà été approuvée par le Sénat, a été laissée de côté par le banc.
Les ruralistes comptent également sur le soutien du président de la Chambre, Arthur Lira (PP-AL), pour porter à la délibération de la plénière le projet de loi 490, qui institue le cadre temporel. Avec ou sans décision du STF, les ruralistes et les bolsonaristes pourraient tenter de porter un coup aux droits indigènes, après la démobilisation de l'AVL.
Si le STF conclut le procès et rejette le cadre temporel, d'autres réactions sont prévisibles. Bolsonaro a déjà intégré cette éventuelle décision dans le récit de confrontation qu'il entretient contre le pouvoir judiciaire, en insinuant qu'il n'a pas l'intention de s'y conformer et qu'il s'associera au groupe des ruralistes pour porter un coup au pouvoir législatif. Il n'est pas exclu qu'ils tentent de ressusciter un autre PEC, le 215, qui dénaturerait complètement les droits indigènes reconnus par la Constitution de 1988.
Maintenant ou jamais
Soutenu par Bolsonaro et Lira, le banc des ruralistes veut profiter de ce moment de force pour approuver une longue liste de maux. Il a déjà approuvé des projets de loi visant à réduire les permis environnementaux à une procédure autodéclarative et à faciliter l'occupation des terres publiques par des agents privés. Et il veut encore légaliser l'utilisation de pesticides interdits dans d'autres pays, révoquer l'application du code forestier dans les zones urbaines, réduire ou supprimer les unités de conservation de l'environnement, sans oublier, bien sûr, de porter un coup aux droits des autochtones et autres populations traditionnelles.
La tactique ruraliste du "maintenant ou jamais" a généré de l'embarras au Sénat. Si, d'une part, des agendas tels que celui de l'occupation illégale des terres publiques, trouvent même une acceptation et suscitent une concurrence prédatrice chez certains sénateurs, d'autre part, ils suscitent également une résistance. Par exemple, l'intention ruraliste de transférer au Congrès la compétence de délimiter les terres indigènes, qui est incluse dans les deux PL 490, est fortement rejetée par les sénateurs.
Le président du Sénat, Rodrigo Pacheco (DEM-MG), tente pour sa part de consolider une image plus mesurée, une posture de médiation face aux propositions controversées et aux conflits entre les branches du gouvernement. L'agenda prédateur encouragé par le gouvernement et les ruralistes contraint Pacheco, qui entend se différencier de Bolsonaro et de Lira pour s'accréditer comme candidat présidentiel de la soi-disant troisième voie.
Le champ est exploité et, comme on peut le voir, il y a plusieurs développements possibles. La force du mouvement indigène, qui a réagi à la conjoncture défavorable avec plus de vigueur que d'autres segments sociaux, réside dans l'importance de leurs territoires, que ce soit pour l'avidité des prédateurs ou pour une stratégie visant à faire face au changement climatique et à la crise de l'eau. Cela place les peuples autochtones en première ligne de la résistance politique.
La rhétorique agressive du président Bolsonaro visant à déconstituer les droits constitutionnels indigènes finit par les valoriser et les consolider en tête de l'agenda. Les peuples indigènes, leurs droits et leurs terres auront certainement une présence sans précédent dans les élections de 2022 et dans les projets futurs pour le Brésil. Certaines des mêmes personnes qui défendent aujourd'hui le cadre temporel appellent à la fermeture du STF. Il est nécessaire de défendre la démocratie et les institutions.
traduction carolita d'un article paru sur le site de l'ISA le 31/08/2021
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