Rencontre et échange entre zapatistes et résistance au méga-projet routier en Autriche

Publié le 24 Septembre 2021

Posté par : BERNARDO 

Vienne, le 21 septembre 2021.

Le samedi 18 septembre au matin, une délégation zapatiste a eu pour la première fois une rencontre publique avec une résistance qui, en bas et à gauche, affronte le mauvais gouvernement dans ces Terres Insoumises. Elle s'est déroulée dans un camp à Lobau, dans la banlieue de Vienne, avec une infrastructure impressionnante - avec cuisine, cantines, points d'information et une trentaine de tentes - mise en place pour protéger un écosystème unique dans ce qui est l'un des grands centres de l'hydre capitaliste qui, dans sa soif de croissance effrénée, a été le centre de la résistance zapatiste, dans sa quête de croissance effrénée et infinie, engloutit montagnes, plaines, rivières et marais pour les remplacer par des métropoles, des déserts de béton, des agro-industries, des mines et une infinité de méga-projets qui sèment la mort là où il y avait de la vie.

Une soixantaine de zapatistes, hommes et femmes, ont rencontré des jeunes et des écologistes qui, avec le large soutien de la population locale, résistent depuis août au projet du gouvernement autrichien de construire une autoroute au milieu de la plus grande réserve naturelle proche de la capitale, zone protégée depuis 1978 et faisant partie du parc national Danube-Auen depuis 1996.

Dans un premier échange, les participants au camp racontent aux zapatistes l'histoire du site, le méga-projet et les raisons pour lesquelles ils défendent ce paysage unique qui reste écologiquement intact non seulement dans la ville, mais dans toute l'Europe centrale. La zone abrite 800 espèces végétales, ainsi que 100 espèces d'oiseaux nicheurs, plus de cinquante espèces de mammifères, reptiles et amphibiens et 67 espèces de poissons.

Entre discours et questions, les stratégies de résistance pour défendre le territoire sont discutées : pacifisme, désobéissance civile, occupation et violence. Les militants locaux expliquent que l'ensemble du mouvement à Lobau est pacifique, et que c'est une condition fondamentale pour conserver le large soutien du quartier. Bien que la plupart des jeunes passent la nuit dans le camp, les voisins se sont montrés coopératifs et serviables, par exemple en laissant les jeunes campeurs se baigner dans leurs maisons.

Un accord a même été conclu avec la police selon lequel, si la manifestation est non violente, elle donnera aux occupants un jour de préavis en cas d'ordre d'expulsion.

Si cela est étrange pour ceux qui viennent d'une géographie du sud de l'Europe et qui vivent quotidiennement avec des images de policiers réprimant et frappant violemment des personnes sans défense, nous ne pouvons pas imaginer à quel point cela sera étrange pour ceux qui viennent du Mexique, où la violence est à l'ordre du jour et où la police n'est qu'une autre force de répression et de violence gratuite.

"Et si vous n'y allez pas ?" demandent les zapatistes.

Ils leur expliquent que, face à un ordre d'expulsion, s'ils n'acceptent pas de partir par leurs propres moyens, ils sont détenus pendant 24 heures et relâchés, sans charge. En d'autres termes, "il ne se passe rien et on retourne au campement".

"C'est comme si je te disais 'je vais casser ta mère', et que tu disais 'non, ne le fais pas', et qu'ensuite je ne le faisais plus", s'étonne Sub Moisés, qui leur demande ensuite si ce type d'action a vraiment des résultats. La vérité est que, depuis le début des occupations à Lobau, les travaux de construction de l'autoroute et de ses voies d'accès sont à l'arrêt.

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Après une bonne heure pendant laquelle les deux mouvements ont appris à se connaître et ont échangé des idées et des impressions sur la résistance, ils ont été présentés au reste du camp. De là, ils se rendent dans un deuxième lieu occupé, à environ 15 minutes de marche : le chantier de construction où se trouvent toutes les machines. Là, les zapatistes et les autres personnes présentes ont été divisés en deux groupes et on leur a montré les deux camps, plus petits que le principal, qui avaient été installés sur le site.

C'est dans l'un de ces camps qu'ils se sont tous rassemblés devant une tour construite par les manifestants pour enregistrer une vidéo de soutien à la résistance à Lobau.

Puis, soudainement, il s'est mis à pleuvoir à verse et les dizaines de personnes ont dû s'abriter sous une longue bâche, ce qui n'a pas empêché la plupart des personnes présentes d'être trempées.

A ce moment-là, la plupart des compañeros zapatistes ont décidé de retourner à leur logement. Un groupe de femmes zapatistes hébergées au Frauenzentrum (Centre des femmes) a décidé de rester à Lobau en attendant le repas auquel elles avaient été invitées.

Pendant ce temps d'attente, il y a eu un autre moment de discussion et d'échange, cette fois plus informel, au cours duquel les compañeros ont partagé l'histoire du mouvement zapatiste depuis 1986, la préparation du soulèvement de 1994 et le rôle des promoteurs de la santé et de l'éducation, avec un accent particulier sur la participation des femmes dans tout le processus. La consommation d'alcool dans les communautés, qui est un problème dans le mouvement zapatiste, a également été discutée.

Pendant ce temps d'attente, il y a eu un autre moment de discussion et d'échange, cette fois plus informel, au cours duquel les camarades ont partagé l'histoire du mouvement zapatiste depuis 1986, la préparation du soulèvement de 1994 et le rôle des promoteurs de la santé et de l'éducation, avec un accent particulier sur la participation des femmes dans tout le processus. La consommation d'alcool dans les communautés, qui est un problème dans le mouvement zapatiste, a également été discutée.

Un compañero présent nous a dit que "les zapatistes viennent pour donner de l'espoir, ils nous inspirent avec tout ce qu'ils ont déjà réussi à construire au Chiapas. Ils constituent une véritable bibliothèque itinérante". En conclusion, les zapatistes ont souligné qu'ils sont actuellement un mouvement pacifique et qu'ils sont réticents à prendre les armes malgré les provocations.

La zone de Lobau, dans le parc national Danube-Auen, est ce qui reste d'un immense écosystème de zones humides qui s'étendait autrefois le long des rives du Danube, détruit lors des travaux de terrassement pour l'expansion et l'industrialisation de la capitale autrichienne à la fin du XIXe siècle. C'est dans ce lieu particulier qu'ont commencé les rencontres entre les zapatistes et les mouvements et résistances de l'Europe insoumise, point central de ce premier chapitre du Voyage pour la vie. C'est également dans ce parc national qu'a eu lieu, en 1984, l'un des plus grands processus de résistance de l'histoire récente de l'Autriche.

Le projet de construction d'une centrale hydroélectrique à l'extrémité est du parc a suscité une vague de protestations qui a abouti, en décembre de la même année, à l'occupation du site que les machines s'apprêtaient à détruire. Le 8 décembre, 8 000 personnes ont manifesté sur le site et quelques centaines ont commencé une occupation permanente de l'espace, forçant la suspension des travaux. Le 19 décembre, un contingent de 800 policiers a entamé une intervention violente pour expulser les quelque 3 000 manifestants restés sur le site. Les affrontements ont fait des dizaines de blessés et ont provoqué une vague d'indignation à Vienne, où 40 000 personnes ont manifesté la même nuit. Craignant une émeute, le gouvernement a annoncé quelques jours plus tard la suspension de la construction, et début janvier, la Cour suprême a annoncé l'interdiction de tous les travaux dans la zone. L'occupation a pris fin et quelques mois plus tard, le projet a été définitivement abandonné.

Cette lutte historique reste dans les mémoires comme l'un des moments les plus importants du processus démocratique autrichien, et la première fois que la désobéissance civile a été largement acceptée comme une stratégie pour affirmer la volonté du peuple contre les intentions du mauvais gouvernement. Depuis cette année-là, pratiquement tous les mégaprojets en Autriche ont été confrontés à une sorte de mouvement populaire. En 1996, la construction d'une centrale hydroélectrique à Lambach a été retardée par une occupation, et en 2003, un projet similaire pour la région de Lobau a également été arrêté après une occupation symbolique du site.

traduction carolita d'un article paru sur Pozol.org le 21/09/2021

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