Argentine : Suicide d'une jeune femme Wichí : discrimination du système de santé dans le nord de Salta

Publié le 30 Juillet 2021

Photo : Le Dr Rodolfo Franco est médecin dans les communautés wichíes Misión Chaqueña et Carboncito, à Embarcación. (Izquierda Diario)

Il y a un mois, elle avait été envoyée du service de premiers soins à l'hôpital local. Les indications du médecin référent n'ont pas été prises en compte, la patiente n'a pas reçu les médicaments nécessaires et n'a pas été transférée à l'hôpital de santé mentale de Salta, le seul de la province. Nous avons parlé au docteur Rodolfo Franco, un médecin généraliste de la communauté d'où provenait la jeune femme. Par Melina Sánchez

L'incident s'est produit mardi dernier, mais, comme c'est souvent le cas avec ce genre de nouvelles, il n'a pas été signalé. Une jeune femme de 24 ans, appartenant au peuple Wichí, qui vivait dans la communauté de Misión Chaqueña dans la ville d'Embarcación, Salta, s'est donné la mort. Afin de préserver son identité, son nom ne sera pas donné ici. Elle s'est pendue à un arbre dans le cimetière local. Le médecin de Misión Chaqueña nous dit qu'elle était fatiguée des crises d'épilepsie. Elle souffrait également d'alcoolisme chronique, ne bénéficiait d'aucun soutien familial ou communautaire, mais était également victime de discrimination de la part du système de santé, puisque même si elle avait été hospitalisée, son accès aux soins était retardé jusqu'à ce qu'elle décide finalement de mettre fin à ses maux par ses propres moyens.

Le docteur Rodolfo Franco nous parle de l'affaire :

"Ici, dans le nord de Salta, il n'y a pas de psychiatres, et il n'y a pratiquement pas de spécialistes. L'hôpital Ragone se trouve dans la ville de Salta, à environ 400 kilomètres, et bien, c'est loin, mais les patients sont envoyés ici, car il n'y a pas de spécialistes en quoi que ce soit, donc cette fille aurait dû être envoyée ici.

Il arrive que parfois, comme il n'y a pas assez d'ambulances, il est assez compliqué de référer les patients. Mais dans ce cas, les médecins de l'hôpital auraient dû la référer étant donné les indications qu'ils avaient : alcoolisme mélangé à l'épilepsie et retard de maturation dû aux crises, ils auraient dû la référer. Et l'idéation suicidaire - la tendance au suicide - elle l'avait manifestement, parce qu'elle s'est tuée, elle a fini par se tuer".

Bien que la salle de premiers soins de Misión Chaqueña soit répertoriée comme un hôpital dans le système de santé de Salta, il n'y a ni personnel ni cuisine. Il n'y a que trois lits d'hôpital : "... nous pouvons donc garder une personne là-bas pendant un certain temps jusqu'à ce que nous l'envoyions à l'hôpital d'Embarcación, qui est l'hôpital San Roque, et qui peut l'envoyer à Salta si nécessaire. Les soins dans la région sont tous sans spécialistes, c'est-à-dire que nous, généralistes, devons faire des merveilles pour nous occuper un peu de chaque spécialité, bien sûr nous ne pouvons pas faire face à la population, ni nous occuper bien de tout le monde, nous sommes seuls."

"Quand la pédiatre vient voir dix enfants, il doit y avoir une population de trois mille enfants dans ma ville, et qu'elle vient voir dix enfants une fois par mois, imaginez que c'est totalement insuffisant et qu'elle s'en va, vient un moment, voit ces dix enfants, et s'en va.

Elle est un bien meilleur pédiatre que moi parce qu'elle les examine bien, les pèse, les mesure, fait toutes les choses qu'un pédiatre doit faire, moi je ne suis pas un pédiatre, je leur donne des antibiotiques pour l'angine, quelque chose pour la fièvre, bref, je suis un généraliste. Mais, comme je l'ai dit, ils viennent très peu, très peu, et ils ne les envoient pas, ils ne les envoient pas parce que les médecins ne veulent pas venir ici parce qu'ils gagnent moins qu'à Salta".

Y a-t-il beaucoup de suicides dans les communautés autochtones ?

- Je pense que oui, car cela a à voir avec le manque d'opportunités et le manque de solutions aux problèmes de chacun. Ici, cette fille n'avait même pas de médicaments pour ses convulsions, elle avait des convulsions tout le temps, elle était fatiguée d'avoir des convulsions.

Le suicide comme tendance chez les jeunes autochtones :

"Le taux de suicide chez les peuples autochtones est plus élevé que celui de la population générale dans le monde (surtout chez les jeunes) "1.

La tendance au suicide chez les jeunes autochtones a fait l'objet de nombreuses études et fait partie des statistiques de santé. Si, d'un point de vue occidental, le suicide est généralement considéré comme un acte privé et individuel, dans le cas des peuples indigènes, en revanche, il s'agit d'une question sociale, qui reflète le manque d'opportunités pour les jeunes issus de peuples historiquement opprimés, dont les cultures et les langues sont sous-évaluées dans le système dans lequel ils devraient s'insérer, mais qui ne rencontrent que du rejet.

L'image de la jeune femme qui décide de mettre fin à ses jours au milieu des montagnes de Salta n'est malheureusement pas nouvelle, pas plus que le silence des médias et du système hospitalier à son égard, elle semble plutôt être une métaphore des derniers jours de la vie en montagne.

Mourir seule.

Dr Rodolfo Franco

Le système de santé de Salta abandonne une jeune femme Wichíe malade. Elle s'est pendue dans les montagnes de Salta. Une femme Wichí de 24 ans a pris la décision radicale de se pendre à un arbre dans le cimetière en raison de l'absence de réponse d'un système de santé abandonné. N.N., une femme de 24 ans, a été retrouvée à l'aube pendue à un arbre dans le cimetière de Misión Chaqueña, dans la région impénétrable de Salta. Cette jeune femme Wichí souffre d'épilepsie et d'alcoolisme chronique, pour lesquels elle a été orientée il y a un mois vers l'hôpital San Roque de Embarcación, où il n'existe pas de service psychiatrique. Dans cet hôpital, elle aurait pu être envoyée à l'hôpital neuropsychiatrique de Salta Dr. Ragone, mais ils ne l'ont pas fait et l'ont plutôt gardée avec des médicaments anodins et n'ont pas donné les médicaments antiépileptiques correspondant à son traitement. La jeune femme, dont les liens familiaux sont très faibles, n'a trouvé aucune réponse dans le système de santé publique dégradé de Salta, abandonné par les gouvernements conservateurs successifs de Salta. Il convient de noter que dans l'intérieur de Salta, les peuples indigènes sont pratiquement abandonnés à leur sort, sans éducation, sans travail, sans santé et sans eau... depuis cinq siècles... comme le chante León Gieco.

1 Conducta suicida en pueblos indígenas: Una revisión del estado del arte. Alejandra Vargas-Espíndola • Juliet Catherine Villamizar-Guerrero • Jhon Sebastián Puerto-López • Manuel Ricardo RojasVillamizar • Omar Santiago Ramírez-Montes • Zulma Consuelo Urrego-Mendoza

traduction carolita d'un article paru sur ANRred le 29/07/2021

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article