Notre Colombie, sans propriétaires ni seigneurs
Publié le 18 Juin 2021
Photo : Violeta Sánchez
Nous continuons à avancer dans tous les espaces, à ne pas nous taire, à raconter la réalité depuis les voix, depuis les sons, depuis les différents espaces, à travers des actes symboliques, des mobilisations et des marches, pour voir et rêver, ce grand rêve collectif d'avoir un pays sans maîtres et sans propriétaires.
Par Diana Jembuel*
16 juin 2021 - Aujourd'hui, en Colombie, nous vivons une grande crise politique, sociale, culturelle, spirituelle et humanitaire, peut-être l'une des plus grandes de notre histoire. Le 28 mai 2021, des milliers de personnes se sont mobilisées dans tout le pays. La manifestation, qui a commencé comme l'expression d'un mécontentement à l'égard de la réforme fiscale proposée par le président Ivan Duque, est devenue une grève nationale illimitée visant à rendre visibles les inégalités, la violence et l'injustice.
L'idéologie dominante dans notre pays ne garantit pas les droits des individus et des peuples, mais persécute, opprime et élimine les siens, ceux d'entre nous qui disent la vérité.
En Colombie, nous sommes 115 peuples indigènes, nomades, semi-nomades, sédentaires, nomades en confinement, qui se sont isolés face à la violence et aux conflits dont souffre notre pays.
Nous, les peuples autochtones, avons des formes d'organisation, des plans de vie et des systèmes alimentaires qui représentent notre cosmovision et contribuent à la diversité culturelle et à l'harmonie sociale et écologique de l'humanité. Cependant, compte tenu des circonstances, nous sommes aujourd'hui unis dans cette grande mobilisation.
Plusieurs facteurs nous ont poussés à rejoindre cette grève nationale, non seulement le rejet de la réforme fiscale et du système de santé, mais aussi le retour des terribles épandages aériens de glyphosate sur nos territoires, le non-respect de la consultation préalable libre et informée, ainsi que l'assassinat de leaders indigènes.
Depuis le début de la grève nationale le 28 avril, je constate que chaque jour, de plus en plus de personnes se joignent à nous, dans les territoires, dans les grandes villes, il y a de nombreuses actions dans tout le pays.
Les hommes et les femmes endurent tant de douleur, tant de guerre, cette douleur est ce qui nous donne la force de sortir sans peur, de parler de ce qui se passe et de ne pas rester silencieux. La jeunesse avec son art, sa musique, ses charmes de rébellion a tenu si fort que cela continue, nous avons perdu beaucoup de vies, cela fait mal mais nous devons continuer à avancer sans nous arrêter avec la force du peuple.
Selon l'ONG Indepaz, au moins 300 leaders indigènes ont été tués depuis les négociations de paix entre le gouvernement colombien et les FARC en 2016.
Notre proposition est légitime, mais la réponse que nous avons trouvée est la violence de genre, les agressions sexuelles, la brutalité policière, l'abus de pouvoir, la violation des droits de l'homme et ses effets scandaleux sur le corps des femmes.
Face à ces violations, nous, les peuples indigènes et les différentes organisations ethniques, formées par des paysans afro et indigènes, nous unissons pour dire au monde entier la réalité que nous vivons.
Le président, ne comprend pas la diversité culturelle du pays qu'il prétend gouverner, ne reconnaît pas les gens à la base, ne s'est pas assis avec nous et n'a pas respecté les accords de paix signés en 2016.
Ce qui s'est passé en Colombie est un appel à la réaction du président et de son gouvernement. Un vrai leader va à la campagne, parle aux gens, visite les territoires, parle aux gens dans les communautés. Nous savons comment parler et négocier et, de la même manière, nous savons aussi comment nous faire sentir.
Le terme MINGA dans ma langue est ALA ISUP-ALA KUALLIP où nous pensons, nous faisons, nous agissons, nous travaillons collectivement, auparavant on ne l'entendait que dans le sud, dans les récupérations de terres, puis il a commencé à avoir de la force dans les mobilisations et aujourd'hui, il est international.
Aujourd'hui, depuis la Minga, nous sommes unis à la grève nationale, car c'est une force qui avance pour garantir la vie du territoire et des leaders sociaux qui sont persécutés et réduits au silence.
C'est une situation difficile dans laquelle nous nous trouvons, mais les peuples indigènes continuent de marcher avec la Garde indigène, avec la Garde marron, avec la Garde paysanne. La première ligne de l'avancée est menée par nos femmes et les nouvelles générations, qui sont accompagnées par les autorités traditionnelles.
Je crois que beaucoup de nos aînés, hommes et femmes, espéraient voir notre peuple uni, mais ils n'ont pas réussi. Maintenant, les nouvelles générations le font, malgré les différences il y a un vrai collectif, basé sur l'unité dans tous les domaines. Pour que les graines semées puissent germer à partir de l'essence de l'harmonie et de l'équilibre.
Nous continuons à avancer dans tous les espaces, à ne pas nous taire, à raconter la réalité depuis les voix, depuis les sons, depuis les différents espaces, à travers des actes symboliques, des mobilisations et des marches, pour voir et rêver, ce grand rêve collectif d'avoir un pays sans maîtres ni seigneurs.
Comme le dit Vilma Almendra et que nous allons réaliser, malgré le sang qui a coulé, malgré avoir subi des féminicides, des génocides. Du plus profond de nos cœurs, nous souhaitons que ce changement se produise pour nos générations, pour la Colombie et que cela soit un exemple pour le monde entier.
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*Diana Jembuel est une journaliste indigène. Membre de la communauté indigène Misak, communicatrice sociale et journaliste de l'Université Externado de Colombie. Elle a été récompensée comme la meilleure journaliste indigène de Colombie, et depuis son plus jeune âge, elle se bat pour préserver la communication des peuples indigènes, c'est pourquoi elle utilise des outils qu'elle transmet par l'oralité. Elle a pu surmonter le machisme qui caractérise sa communauté grâce à la communication et à l'expression, car cela leur a apporté autonomie et responsabilisation.
traduction carolita d'un article paru sur Servindi.org le 16/06/2021
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Nuestra Colombia, sin dueños ni señores
Seguimos avanzando en todos los espacios, para no callar, para contar la realidad desde las voces, desde los sonidos, desde los diferentes espacios, a través de actos simbólicos, movilizaciones y...
https://www.servindi.org/actualidad-opinion/16/06/2021/nuestra-colombia-sin-duenos-ni-senores