Pérou : Comités d'autodéfense : un projet dangereux qui aggraverait la violence dans le pays
Publié le 9 Mai 2021
Servindi, 7 mai 2021 - Un projet de loi dangereux a été approuvé le 22 avril par le Congrès de la République. S'il est promulgué par le président Francisco Sagasti, il alimentera le climat de violence dans le pays.
Il s'agit de l'autographe de la loi des Comités d'autodéfense (CAD) qui a immédiatement reçu le rejet des organisations indigènes et des patrouilles paysannes et indigènes qui demandent à Sagasti de ne pas la promulguer.
Ce qui est grave, c'est que l'initiative remise en cause a même reçu l'avis négatif du ministère de l'intérieur et du ministère de la défense, qui préviennent qu'il s'agit d'une loi inutile, inadaptée et inapplicable.
Le ministère de l'intérieur est d'avis que "nous aurions affaire à une organisation qui disposerait librement d'armes à feu et qui risquerait donc de constituer une organisation armée parallèle à la police nationale et même aux forces armées.
"La proposition court le risque de constituer une sorte de police locale militarisée sous la responsabilité des maires", indique le Bureau général du conseil juridique du ministère de l'Intérieur.
Le ministère de la Défense remarque que le projet n'est "pas viable" et indique qu'"il propose un chevauchement de fonctions qui, à ce jour, sont assurées par d'autres organisations civiles, telles que les patrouilles paysannes et les patrouilles communautaires".
Le ministère de la justice et des droits de l'homme souligne même qu'"un marché illicite des armes pourrait être généré".
Il s'agit sans aucun doute d'un projet de terreur, qui va à l'encontre de l'avis des institutions très armées chargées de l'ordre intérieur et de la défense nationale.
L'avis approuvé découle de deux projets de loi. Le premier a été présenté par Percy Rivas Ocejo, du parti Alianza para el Progreso, député qui préside la Commission spéciale pour les vallées des rios Apurímac, Ene et Mantaro (Vraem).
Le second projet de loi a été présenté peu après par Valeria Valer Collado, de Fuerza Popular, fille du colonel de l'armée péruvienne Juan Valer Sandoval, l'un des trois morts de l'opération Chavin de Huántar.
Dans une déclaration publiée le lundi 3 mai dans le journal La República, de nombreuses organisations communautaires et indigènes ont exprimé leur rejet de la loi avec de solides arguments juridiques et sociaux.
Que propose l'initiative juridique ?
L'initiative juridique vise à reconnaître les comités d'autodéfense et de développement rural (CAD) et à les incorporer au système de sécurité citoyenne dans les communautés paysannes et indigènes et les villes rurales.
En plus de ne pas avoir été consultés avec les populations autochtones concernées comme le stipule la Convention sur les peuples autochtones de l'Organisation internationale du travail (OIT), les CAD menacent de mettre en parallèle les organisations communales et autochtones.
Savez-vous que les CAD peuvent...
- Acquérir des armes à usage civil par achat ou don de l'État ou de particuliers.
- Recevoir des subventions économiques des gouvernements locaux, régionaux et nationaux, voire des dons du secteur privé.
- Proposer des projets sociaux et former des noyaux pour mener à bien ces projets.
- Bénéficier d'une attention préférentielle de la part des autorités et de subventions économiques de la part des gouvernements nationaux et infranationaux.
Les CAD jouiraient de privilèges peu courants pour les entités "civiles", comme le fait de bénéficier d'une attention préférentielle de la part des autorités et de recevoir des subventions financières publiques de la part des gouvernements nationaux et infranationaux.
L'a CNA s'étonne de l'intérêt inhabituel pour la création de CAD alors que les peuples autochtones organisés en communautés jouent un rôle important dans le développement avec des ressources limitées, sans aucun soutien public et face à de multiples obstacles étatiques.
Antolín Huáscar, président de la CNA, considère que "l'approbation de ce projet constitue, d'une part, un camouflet pour les patrouilles paysannes qui, selon la Constitution et la loi, ont la prérogative de veiller à la sécurité, à la justice et à la paix sociale dans les communautés".
Problème de fond
Le problème fondamental est que la loi cherche à donner un statut juridique permanent à une figure transitoire : les comités d'autodéfense, qui sont apparus à l'époque de la violence subversive pour les affronter.
Les comités d'autodéfense ont été reconnus sous le gouvernement d'Alberto Fujimori par le décret législatif 741, sous le contrôle direct des commandements militaires respectifs :
Décret législatif 741
Les comités d'autodéfense sont reconnus
Chapitre I. Comités d'autodéfense
Art. 1.- Les Comités d'autodéfense sont reconnus comme des organisations de la population qui surgissent spontanément et librement pour développer des activités d'autodéfense pour leur communauté, empêcher l'infiltration de terroristes, se défendre contre les attaques terroristes et soutenir les Forces armées péruviennes et la Police nationale dans les tâches de pacification, dont la caractéristique est qu'elles sont transitoires.
Art. 2.- Les comités d'autodéfense sont accrédités par les commandements militaires correspondants, avec l'autorisation expresse préalable du commandement conjoint des forces armées.
Art. 3 - Leur fonctionnement est encadré géographiquement sous le contrôle des commandements militaires respectifs.
Il est extrêmement important de souligner que l'origine, l'objectif et le caractère des patrouilles paysannes et communautaires sont très différents des comités d'autodéfense, comme le soulignent les organisations indigènes.
Loi 24571
Loi sur les patrouilles paysannes
Article unique : Les patrouilles paysannes pacifiques, démocratiques et autonomes, dont les membres sont dûment accrédités auprès de l'autorité politique compétente, sont reconnues comme des organisations destinées à servir la communauté et à contribuer au développement et à la paix sociale, sans but politique partisan.
Elles ont également pour objectifs la défense de leurs terres, le soin de leur bétail et de leurs autres biens, la coopération avec les autorités pour l'élimination de tout crime.
Leur statut et leurs règlements sont régis par les normes des communautés paysannes établies par la Constitution et le Code civil.
"Les patrouilles paysannes sont démocratiques, elles n'utilisent pas d'armes, elles résolvent tout par le dialogue dans les assemblées" Antolin Huáscar.
Antolin Huáscar Flores, président de la Confédération nationale agraire (CNA), affirme que "les patrouilles paysannes sont démocratiques, elles n'utilisent pas d'armes, elles résolvent tout par le dialogue dans les assemblées".
"Le CAD a toutes les caractéristiques d'un groupe paramilitaire au service et à la disposition des forces armées et de la police nationale du Pérou" et ouvrirait la voie à la violence et aux effusions de sang.
"On leur confie des pouvoirs excessifs qui empiètent sur les rôles des communautés paysannes, des communautés autochtones et des patrouilles paysannes, et qui menacent leur autonomie et leur autodétermination", indique la CNA.
"Nous ne voulons pas de confrontations entre nos frères et sœurs (...). Les expériences passées nous ont montré que sous le prétexte de 'combattre le terrorisme', de 'rétablir l'ordre' et de 'garantir la sécurité', nos frères et sœurs sont persécutés et harcelés".
"Nous attendions une loi qui renforce le cadre normatif de la juridiction indigène [...] et non la création d'une organisation parallèle qui nous confronte, nous affaiblit et nous subordonne aux forces de l'ordre", indiquent les organisations dans la déclaration publique.
L'Association interethnique pour le développement de la selva péruvienne (AIDESEP) souligne que cette loi faciliterait l'armement des territoires indigènes, ce qui est en soi grave dans un contexte de violence et de menaces à l'encontre des défenseurs de l'environnement.
Déclaration complète publiée en page 15 de l'édition du 3 mai 2021 de La República :
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traduction carolita d'un article paru sur Servindi.org le 07/05/2021
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