Chiapas : En tant que femmes, nous sommes fortes pour continuer à défendre nos droits, nos terres, notre territoire. Et nous ne voulons pas de militaires sur nos terres, c'est pourquoi nous leur demandons de partir (Las Abejas de Acteal)

Publié le 10 Mars 2021

Chiapas : En tant que femmes, nous sommes fortes pour continuer à défendre nos droits, nos terres, notre territoire. Et nous ne voulons pas de militaires sur nos terres, c'est pourquoi nous leur demandons de partir (Las Abejas de Acteal)
 


Organisation de la société civile Las Abejas

Terre sacrée des Martyrs d'Acteal

Acteal, Ch'enalvo', Chiapas, Mexique
08 mars 2021


Au Congrès National Indigène

Au Conseil Indigène de Gouvernement

A toutes les organisations sociales et politiques

A tous les défenseurs des droits de l'homme

A la presse nationale et internationale

Aux médias libres

A la société civile nationale et internationale

A la Sexta et


A l'intention de l'opinion publique

8 mars, Journée internationale de la femme


Frères et sœurs, en ce jour si important pour nous les femmes et pour la société en général, nous, femmes de la société civile de Las Abejas de Acteal et les victimes survivantes du massacre d'Acteal, sommes réunies aujourd'hui, le 8 mars, en commémoration de la Journée internationale de la femme, pour nous souvenir de ces compañeras qui ont donné leur vie pour défendre leurs droits et pour la défense du territoire.

Le 8 mars 1975, les Nations unies (ONU) ont officialisé cette journée en tant que Journée internationale de la femme en reconnaissance des travailleuses qui ont été brûlées à mort le 25 mars 1911 dans une usine textile de la ville de New York. Dans ce cas, 123 femmes et 23 travailleurs sont morts.

Dans ce cadre, nous nous souvenons également de nos compañeras martyres, qui ont été assassinées sur cette terre d'Acteal par un groupe de paramilitaires du PRI et que l'État continue sans apporter la justice. C'est pourquoi, les femmes de Las Abejas de Acteal, en cette date commémorative, nous appelons le peuple en général et l'État mexicain à lui rappeler qu'à Acteal nous continuons à lutter, à résister et à chercher la justice pour nos martyrs, et aussi à lui demander en tant que peuple et société civile de continuer à réclamer une justice collective pour Acteal dans chacun de ses espaces.

Lors du massacre d'Acteal, 45 personnes et 4 enfants à naître ont été exécutés par un groupe paramilitaire portant des armes à feu de gros calibre. Des femmes enceintes ont vu leur bébé disparaître, le corps d'autres femmes présentait des traces de violence sexuelle, ces actions cruelles sans sentiments nous offensent, nous sommes des femmes, des mères, des filles, des sœurs ; c'est pourquoi ces actions violentes et impitoyables ne peuvent rester dans le silence et sans justice.

Le gouvernement actuel se répand et montre aux médias qu'il y a un échange d'armes à Chenalhó, pour nous ce n'est qu'une tromperie pour nous faire croire qu'il y a un désarmement dans les villes, les armes échangées sont toutes celles qui ne sont plus utiles, ce sont de vieilles armes sans usage mais les armes de gros calibre, elles n'apparaissent pas.

Les vraies armes de gros calibre étaient gardées dans les maisons, dans les communautés, donc on ne peut pas dire qu'il n'y a plus d'armes dans les communautés et les villes. Nous, femmes et hommes de conscience, savons que les armes sont stockées quelque part sur notre territoire de Chenalhó et qu'avec elles, des crimes et des violations des droits de l'homme continuent d'être commis.

Nous, les femmes, demandons le désarmement complet, le démantèlement des groupes paramilitaires afin qu'ils ne continuent pas à dominer notre peuple, et la punition du groupe paramilitaire de Chenalhó qui a exécuté les 45 personnes et les 4 enfants à naître à Acteal. 

Que les armes soient éliminées, et aussi que les militaires quittent notre ville, notre communauté, parce que leur présence dans le passé et dans le présent génère l'insécurité et l'absence de justice.

Nous nous rendons compte que le gouvernement nous trompe en nous envoyant ses projets d'aide, mais ce qu'il veut, c'est causer encore plus de divisions, les projets sont pour la mort, pour l'inégalité, pas pour un monde meilleur, pas pour le respect de l'autonomie et de l'autodétermination des peuples. Ils essaient de nous achever, mais nous, les femmes Abejas d'Acteal, continuons à lutter et à résister.

Cette marche a pour but de rendre visible que la force des femmes continue avec une grande force, nous les femmes n'oublions pas les dépossessions, les meurtres, les disparitions que le gouvernement provoque ; nous voyons, nous entendons ce que le gouvernement fait ; et ainsi nous nous souvenons de notre compañero militant Samir Flores Soberanos assassiné au mois de février 2019. Son meurtre est l'un des nombreux meurtres que le gouvernement commet avec ses militaires, qui ne protègent pas la vie, qui plus est, ils tuent ceux qui protègent nos ressources, et un gouvernement qui tue, n'est pas un gouvernement de vie, c'est un gouvernement de mort.

En tant que femmes, nous sommes fortes pour continuer à défendre nos droits, nos terres, notre territoire, même si le gouvernement veut nous faire disparaître, mais nous ne disparaîtrons pas, nous renaissons dans chaque frère, dans chaque sœur qui a la conscience de défendre son peuple.

Et face à ces attaques, nous nous souvenons de la sœur dominicaine María Isabel Hernández Rea, qui a été abattue par des groupes armés depuis Santa Martha Chenalhó et dont la seule faute est d'être allée apporter une aide humanitaire aux communautés en conflit entre les territoires d'Aldama et de Santa Martha, Chenalhó.

Nous nous souvenons également de la compañera Berta Cáceres, assassinée le 2 mars 2016, elle aussi a combattu pour son peuple, elle était aussi indigène comme nous, et sa seule préoccupation était de défendre l'environnement sur le territoire hondurien.

Les violations de nos droits sont nombreuses, c'est pourquoi nous mentionnons notre compañera Verónica Pérez Pérez de la communauté de Campo los Toros, appartenant à l'Organisation de Las Abejas de Acteal, qui  a subi des violations de ses droits, puisqu'on lui a refusé l'accès à l'électricité et aux routes, et cela ne peut pas continuer, assez de violence, il faut d'abord voir que nous sommes des personnes, nous sommes des êtres humains et nous avons tous des besoins, mais il ne faut pas se laisser gagner par les intérêts matériels, les intérêts de l'argent, il est temps de nous voir comme des frères, comme des sœurs ; nous exigeons une solution à la situation de notre compañera Veronica Perez Perez.

Depuis que le Covid 19 est présent, nous avons subi une crise économique dans la vente de nos produits, ils nous ont obligés à rester dans nos maisons et à ne pas sortir, maintenant qu'ils ont trouvé le vaccin, ils nous obligent à nous faire vacciner. Pour les personnes qui sont affiliées à des programmes gouvernementaux, ils leur disent qu'elles doivent recevoir le vaccin car sinon, elles ne pourront pas recevoir leurs paiements du programme.

Mais nous nous rendons compte que nous aussi, en tant que peuples indigènes, nous sommes obligés de fermer nos magasins, nos petites entreprises, alors que les grandes entreprises continuent à ouvrir et à fournir des services, elles gagnent malgré l'aléa sanitaire, et nous, les peuples pauvres, nous nous appauvrissons et les riches s'enrichissent.

C'est un gouvernement injuste qui ne se soucie pas de son peuple et ne le protège pas, la seule chose qu'il protège ce sont ses intérêts, ce qu'il garde dans sa poche ou dans sa banque, mais il ne s'intéresse pas aux peuples et à leurs territoires, il nous tue, petit à petit ; il nous tue en donnant des droits aux compagnies de boissons gazeuses comme Coca Cola qui consomment l'eau de nos peuples et nous vendent leurs boissons gazeuses comme seule boisson ; comme si notre pozol était inutile. C'est pourquoi, compañeros et compañeras, nous vous invitons à cesser de consommer les produits de ces entreprises, ces boissons ne sont pas nutritives, elles nous nuisent petit à petit.

Une autre boisson qui nous empoisonne peu à peu, c'est le fameux "pox" et toute boisson qui rend les gens ivres dans nos villes. Ils nous causent la maladie, la tristesse, la faim, la pauvreté, la violence et la mort. Malgré le fait que nous, les femmes, exigeons la fin de ces ventes dans les villages, le gouvernement ne fait rien pour arrêter ces actions car il préfère nous soumettre. C'est pourquoi, en cette Journée internationale de la femme, nous demandons aux gouvernements municipaux, étatiques et fédéraux de mettre un terme à la vente de boissons alcoolisées qui ne font que détruire les familles, provoquer des maladies et des décès.

Depuis Acteal, maison de la mémoire et de l'espoir, nous disons Stop à la paramilitarisation dans les villages. Arrêtez de tuer des femmes. Que notre rôle de gardiennes de la vie soit reconnu. Nous exigeons une solution aux conflits territoriaux qui détruisent nos villages.


Vive les femmes qui se battent pour la paix !

Vive les femmes qui défendent la vie !

Femmes luttant et monde transformé !

Que demandons-nous, compañeras ? Justice pour Acteal

Gouvernement : comprend que la justice ne peut être ni achetée ni vendue !

Sincèrement

Pour les Femmes coordinatrices de la Société Civile de Las Abejas de Acteal.

     Florentina Gómez Pérez                Catarina Pérez Pérez.

Por le Conseil d'Administration:

Cristóbal Ruiz Arias  - président       

Gerardo Pérez Pérez - secrétaire

Manuel Ortiz Gutiérrez - trésorier              

Pedro Pérez Pérez - Vice-président

Sebastián Guzmán Sántiz - trésorier adjoint

 

Organisation de la société civile Las Abejas
Terre sacrée des Martyrs d'Acteal
Acteal, Ch'enalvo', Chiapas, Mexique

08 mars 2021

A l'armée mexicaine

Aujourd'hui, 8 mars, commémoration de la Journée internationale de la femme, nous sommes les femmes de la société civile de Las Abejas de Acteal, nous venons ici pour vous dire quelques mots, vous qui êtes sur nos terres.

Nous ne voulons pas de l'armée sur nos terres, nous n'aimons pas ça. Le gouvernement auquel vous obéissez est un gouvernement de mort, il ne s'intéresse pas aux gens, la seule chose qu'il voit en eux est la richesse des terres, c'est pourquoi il nous assassine, il nous kidnappe. En tant que peuples indigènes, nous savons comment prendre soin de nous-mêmes, nous ne voyons pas l'armée dans nos communautés comme une protection, nous ne l'aimons pas, c'est pourquoi nous leur demandons de partir.

Les femmes de la société civile de Las Abejas ne sont pas en conflit avec vous, nous, en tant que femmes, ne voulons que la paix, c'est pourquoi nous vous disons que nous ne voulons pas que vous soyez sur nos terres.

L'armée hors de nos communautés
L'armée hors du Chiapas
Nous voulons la paix et non la guerre
 
Sincèrement
Les femmes de la société civile Las Abejas

Florentina Gómez Pérez

Catarina Pérez Pérez Pérez

traduction carolita d'un communiqué paru sur le site des Abejas le 09/03/2021 (me manquez pas les très belles photos de cette journée directement sur le site)
 

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