Pérou : Les forces de police attaquent le droit de manifester

Publié le 14 Novembre 2020

Le rapporteur spécial de la Commission interaméricaine s'inquiète du recours excessif à la force policière contre les manifestants et les journalistes et des arrestations effectuées lors des manifestations au Pérou.

Servindi, 13 novembre 2020 - La Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) est extrêmement préoccupée par le recours excessif à la force policière contre les manifestants et les journalistes au Pérou.

Le Bureau du rapporteur spécial pour la liberté d'expression (RELE) exprime également sa préoccupation concernant les arrestations effectuées dans le cadre des manifestations pacifiques.

Le RELE demande à l'État péruvien de garantir les droits de réunion pacifique, d'association et de liberté d'expression. En outre, il leur demande de s'abstenir de procéder à des arrestations aveugles lors de manifestations publiques.

L'appel à la manifestation est né de la vacance du poste de président de l'époque, Martín Vizcarra, après que le Congrès péruvien l'ait déclaré "définitivement inapte au poste" le 9 novembre.

On sait que peu après la prestation de serment du président intérimaire Manuel Merino, le 9 novembre, plusieurs groupes de manifestants se sont réunis dans différents quartiers de la ville de Lima.

Selon le RELE, la police nationale a utilisé des gaz lacrymogènes et des plombs de manière massive et aveugle qui ont blessé les manifestants, afin de disperser les protestations.

Il s'agissait notamment de deux jeunes gens blessés par balle, et de personnes gravement blessées au visage et aux extrémités par l'impact de balles.

De plus, selon les médias nationaux, au moins 30 personnes auraient été arrêtées. Parmi elles se trouvaient une fille de 14 ans, qui a passé la nuit là-bas après avoir été battue et arrêtée avec sa sœur, et un garçon de 15 ans.

Il a été rapporté que la police avait demandé au personnel de signer des mandats d'arrêt sans la présence du bureau du procureur général ou d'un avocat.

Ceci est dû au refus de la police d'autoriser, dans certains cas, la communication entre les détenus et les avocats du CNDDHH, aspects qui remettent en cause le droit à la défense.

Infiltrés

Le rapporteur a également été informé de la présence de policiers habillés en civils qui se seraient infiltrés dans les manifestations pour arrêter des personnes, bien qu'ils doivent être en uniforme et identifiés.

Il souligne également que l'infiltration et les activités de renseignement similaires sur les manifestants sans mandat sont particulièrement graves.

D'autre part, des bulletins ont été émis contre les manifestants avec des sanctions pour violation des règles sur l'enfermement et l'isolement social, comme le décret suprême n° 006-2020-IN, émis avant la vacance.

Sur la base de cette norme, des sanctions de S/.387 auraient été imposées en assimilant la participation à une manifestation à la tenue de rassemblements sociaux et récréatifs pendant la pandémie COVID-19.

Selon les informations reçues, cela est fait pour dissuader les gens de sortir pour manifester, malgré l'importance du droit de manifester pour la démocratie.

Violence contre les journalistes

Le RELE souligne que la liberté d'expression protège le droit d'enregistrer et de diffuser tout incident. À cet égard, les travailleurs de la presse jouent un rôle clé dans la collecte et la diffusion des informations sur ce qui se passe, y compris les actions des forces de sécurité.

Le rapporteur rappelle à l'État qu'il doit assurer aux journalistes le plus haut niveau de protection afin qu'ils puissent exercer leur travail librement et tenir la société informée.

Le RELE appelle les autorités à ordonner la cessation immédiate de l'usage disproportionné de la force par les forces de sécurité de l'Etat et à protéger l'activité journalistique.

Selon l'Association nationale de la presse (ANP), les travailleurs attaqués appartiennent aux journaux El Comercio, La República, Wayka, Exitosa, Huku Comunicaciones, entre autres.

Il a également été rapporté qu'au moins 26 journalistes et photojournalistes ont été attaqués alors qu'ils couvraient les manifestations, tant à Lima que dans d'autres régions du pays.

Droit de manifester

Le rapporteur rappelle qu'il est du devoir de l'État de garantir l'exercice du droit de manifester, qui comprend les droits de réunion pacifique et non armée, d'association et de liberté d'expression.

Tant dans son exercice individuel que collectif, la protestation vise à exprimer publiquement des opinions, des visions ou des valeurs de dissidence, d'opposition, de dénonciation ou de revendication et à exiger le respect des droits.

La protestation joue un rôle central dans la défense de la démocratie. Par conséquent, les États doivent agir sur la base de la légalité des protestations ou manifestations publiques et en partant du principe qu'elles ne constituent pas une menace pour l'ordre public.

Le fait que certains groupes ou individus fassent preuve de violence lors d'une manifestation ne rend pas, en soi, l'ensemble de la protestation violente. Cela n'autorise pas non plus les forces de sécurité à disperser la manifestation par la force ou à procéder à des arrestations massives.

C'est pourquoi les opérations de sécurité doivent être soigneusement planifiées dans le cadre de protocoles d'action clairs qui garantissent l'usage de la force de manière exceptionnelle, en vertu des principes de nécessité absolue et de proportionnalité.

En cas d'absolue nécessité, l'utilisation d'armes moins meurtrières doit être appropriée, progressive et proportionnelle, dans le respect absolu des droits de l'homme, et le dialogue doit être encouragé.

Ce bureau rappelle qu'aucun protestant ne peut être soumis à une détention illégale ou arbitraire et que les États doivent s'abstenir de se livrer à des pratiques de détention massive, collective ou aveugle lors de manifestations publiques.

Protestation et droits de l'homme

Dans son rapport "Protestation et droits de l'homme", la CIDH et sa RELE ont indiqué que toute détention fondée exclusivement sur la participation à une manifestation publique ne répond pas aux exigences de caractère raisonnable et de proportionnalité établies par les normes internationales.

La privation de liberté pendant une manifestation a pour effet immédiat d'empêcher le droit de manifester de la personne arrêtée et génère un effet inhibiteur sur sa participation.

En outre, ils ont souligné que les détenus, leurs familles et les personnes exerçant leur représentation légale ont le droit d'être informés par l'État des raisons de leur arrestation et du lieu où ils seront emmenés, dans un langage simple.

Le rapporteur rappelle que les enfants et les adolescents jouissent également du droit de manifester et que, en leur présence, les États doivent adopter des mesures spéciales et différenciées pour leur protection.

Il rappelle également que la police nationale, dans le cadre du maintien de l'ordre public, doit respecter strictement les normes internationales régissant l'usage de la force en vertu des principes d'exceptionnalité, de proportionnalité et de nécessité absolue.

De même, le RELE exhorte l'État à entamer un dialogue pour répondre aux demandes légitimes, dans le respect des droits de l'homme et dans le cadre démocratique de l'État de droit.

Donnée :

Le bureau du rapporteur a été créé par la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) pour stimuler la défense du droit à la liberté de pensée et d'expression dans l'hémisphère, en tenant toujours compte de son rôle fondamental dans la consolidation et le développement du système démocratique.

traduction carolita d'un article paru sur Servindi.org le 14/11/2020

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Pérou, #Coup d'état, #Violences policières, #Manifestations

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