Un mécanisme pour renforcer les droits linguistiques ?

Publié le 16 Octobre 2020

En 1996, la Déclaration universelle des droits linguistiques a été adoptée à Barcelone, reprenant d'importants précédents établis des années auparavant dans la Convention 169 de l'OIT.

Un appel à l'action est la mise en œuvre de la Décennie des langues indigènes (2022-2032), promue par l'UNESCO. Cependant, en Argentine, où la représentation d'un pays monoculturel et monolingue est installée depuis la consolidation de l'État-nation, les droits linguistiques ne sont pas un sujet de débat et très peu de lois ou de résolutions abordent cette dimension.

La diversité linguistique dans le pays est une réalité réduite au silence. Les statistiques n'apportent pas de réponse unanime à la question de savoir combien de langues maternelles et de langues de migrants sont équivalentes à l'espagnol, quel est leur environnement spatial et communicatif, combien de personnes composent les communautés de langue maternelle. Elles sont même classées comme "éteintes" et font partie d'un passé lointain, des langues que les gens maintiennent ou revitalisent. Elles sont également souvent situées en milieu rural alors que c'est dans les villes que résident un grand nombre de locuteurs. Cette invisibilité est une autre expression de la discrimination et de l'inégalité sociale, économique et politique.

La situation actuelle de la COVID-19 est propice à repenser les droits linguistiques, non seulement dans le cadre d'une réparation historique aux peuples qui existaient avant la formation de l'État-nation, mais aussi comme une politique publique inclusive qui répond à l'urgence sanitaire et socio-économique actuelle avec des protocoles multilingues et multiculturels. Comment la population peut-elle accéder à l'information publique dans sa propre langue ? Comment repositionner les langues socialement minorisées dans d'autres espaces que l'éducation ?

Depuis 2018, les membres du réseau professionnel indigène, en collaboration avec des linguistes, des anthropologues et des chercheurs de diverses universités nationales, s'organisent pour exiger de l'État qu'il intègre la question des langues dans le prochain recensement. Comme il a été présenté lors du séminaire international "Les peuples autochtones dans le recensement argentin 2020" (septembre 2019), les données démographiques en termes de communautés linguistiques (langues autochtones, migrants, signes) permettront de disposer de données officielles qui aideront à mettre en œuvre des politiques linguistiques, en particulier, et des politiques publiques, en général. En ce sens, la question de la langue n'est pas seulement liée à un aspect de l'identité et de la préservation des cultures, mais aussi à une conceptualisation de la langue comme un outil fondamental pour l'accès à d'autres droits : éducation, santé, justice et territoire. Il s'agit simplement de la possibilité concrète de jouir pleinement des droits constitutionnels.

D'ailleurs, l'invisibilité statistique elle-même conduit l'Argentine à présenter un retard important en termes de droits linguistiques, par rapport aux autres pays d'Amérique latine. Un document récent de la CEPALC recommande d'intégrer au moins une question relative à la langue parlée, à la langue maternelle ou aux langues apprises à parler, qui devrait s'appliquer à l'ensemble de la population et inclure d'autres langues minoritaires en plus des langues autochtones. Les cycles de recensement de la dernière décennie montrent que la grande majorité des pays ayant des populations indigènes (Mexique, Guatemala, Équateur, Colombie, Bolivie, Paraguay et Pérou) incluent des questions sur ce sujet. En Argentine, en revanche, il n'existe pas de données équivalentes, mais seulement des données de l'enquête complémentaire sur les peuples indigènes (2004-2005) qui ont biaisé les locuteurs âgés de plus de cinq ans et qui se sont reconnus comme membres de ces peuples.

L'intégration de la question sur les langues dans le prochain recensement - un sujet sur lequel l'INDEC n'a pas encore émis d'avis public - permettra de concevoir et de gérer des politiques spécifiques qui garantissent les droits linguistiques de toutes les personnes et, surtout, de parier sur la construction de sociétés plus justes et plus inclusives qui mettent sur un pied d'égalité des groupes, des peuples et des langues jusqu'ici subordonnés. Il s'agit sans aucun doute d'un pas supplémentaire vers la désactivation du racisme qui persiste encore dans nos sociétés.

Par Silvina Corbeta et Sofia De Mauro / Page 12
Silvina Corbetta (UNSE), Sofía De Mauro (UNC), Máximo Farro (UNLP), Ana Carolina Hecht (UBA) et Marisa Malvestitti (UNRN)

source d'origine  https://www.pagina12.com.ar/297571-un-dispositivo-de-fortalecimiento-de-derechos-linguisticos

traduction carolita d'un article paru sur Elorejiverde le 14/10/2020

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Argentine, #Peuples originaires, #Les langues

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