Chili - Elicura Chihuailaf Prix national de littérature 2020. Premier Mapuche à obtenir cette reconnaissance
Publié le 2 Septembre 2020
01/09/2020
Santiago, 1er septembre 2020. (mapuexpress.org)- L'écrivain, poète et orateur mapuche Elicura Chihuailaf a reçu le prix national de littérature 2020, a annoncé mardi le ministère de la Culture, des Arts et du Patrimoine.
La ministre de ce portefeuille, Consuelo Valdes, a déclaré dans son compte-rendu sur Twitter que "le Chili a un nouveau #Prix national de littérature 2020 : Elicura Chihuailaf, un écrivain et poète Mapuche qui a porté la tradition orale et l'univers poétique du peuple Mapuche au-delà des frontières de sa propre culture."
"Merci beaucoup pour cette bonne nouvelle, je remercie chaque membre du jury. Je vous remercie de m'avoir décerné ce prix très important. C'était la troisième fois que l'UFRO et le PUC me nommaient, et je dois les remercier pour cette confiance", a déclaré l'écrivain en apprenant la nouvelle par la radio cooperativa.cl.
"La parole de nos ancêtres vit en moi, j'essaie de dialoguer avec mon esprit et mon cœur de Mapuche parce que je crois que le multiculturalisme est nécessaire, c'est le chemin que nous devons prendre aujourd'hui, dans un moment aussi formidable que celui que vit le monde, dans lequel la nature nous a donné un dur avertissement", a ajouté M. Chihuailaf.
Elicura Chihuailaf Nahuelpán est un poète et traducteur mapuche né dans la communauté de Quechurewe, dans la province de Temuco. Son œuvre, comme celle des poètes Sebastián Queupul, Pedro Alonzo, Leonel Lienlaf, Lorenzo Aillapán, José Santos Lincomán, Anselmo Raguileo, Pedro Aguilera Milla, Eleuterio Cayulao, Florentino Coroso, Segundo Llamín, Armando Mena, Víctor Huisca, Graciela Huinao, Adriana Pinda, Jaime Huenún et Bernardo Colipán, fait partie de ce qu'Iván Carrasco a appelé la poésie ethnoculturelle.
Selon les critères "générationnels", Elicura Chihuailaf appartiendrait à la génération des années soixante-dix, aux côtés d'auteurs comme Raúl Zurita, avec qui il a été lié dans l'œuvre poétique par des récitals et des publications. Cependant, il a également été associé aux auteurs qui ont commencé leur activité poétique après le coup d'État de 1973, la "génération" connue alternativement sous le nom de diaspora et d'exil intérieur ou, comme l'a caractérisé l'universitaire Soledad Bianchi, la génération dispersée ("Una generación dispersa"). Poésie chilienne (Miradas, enfoques, apuntes). Santiago : Documentas, 1990, pp. 20-36). Cela permettait d'intégrer la poésie mapuche de la fin du XXe siècle, définie par la volonté de faire valoir les modèles culturels indigènes historiquement déplacés dans le panorama de la poésie chilienne.
Du point de vue de la critique, l'apparition de la poésie mapuche a produit un changement dans la conception de l'histoire littéraire chilienne, organisée autour des grandes figures de Mistral, Huidobro, de Rokha, Neruda ou Parra. En ce sens, un des débats qui a accompagné l'apparition de ces poètes a poser un problème quand à leur incorporation dans cette tradition, en considérant la poésie mapuche comme une production culturelle autonome, ancrée dans l'oralité et loin des schémas symbolistes et modernistes européens de la poésie et de la figure d'auteur du poète. Prônant la création d'un discours autonome, une partie de la poésie mapuche a également été posée de manière critique face à l'État chilien par l'expression de sa cosmovision et de son idiosyncrasie comme drapeau de la lutte contre la marginalisation culturelle.
Cette poésie est liée, mais pas exclusivement, aux discours publics des Mapuche et aux problèmes de leurs communautés. Le panorama actuel, à partir des années 90, a vu l'émergence de nouveaux sujets mapuche dans le domaine intellectuel et dans le contexte urbain, ceux qui rendent compte de l'hétérogénéité du monde mapuche. C'est le cas de poètes tels que José Ancán, Maribel Mora Curriao, Pablo Huirimilla, Roxana Miranda Rupailaf, Adriana Paredes Pinda et David Añiñir.
Au milieu de ce panorama, Elicura Chihuailaf a joué le rôle de médiateur culturell, car il est l'une des voix les plus représentatives dans l'appel critique à l'État chilien, revendiquant le dialogue interculturel à travers son intense travail de traducteur espagnol-mapudungun.
El invierno y su imagen (1977) est son premier recueil de poèmes ; plus tard, en juillet 1983, paraît le premier numéro de la revue Poesía Diaria, qu'il dirige avec Guido Eytel. Dix ans plus tard, en 1988, il publie à nouveau, En el país de la memoria, un livre avec lequel il entre dans un circuit critique plus large. En 1991, il a réédité sa première publication, en y incorporant de nouveaux poèmes, avec le titre El invierno, su imagen y otras poemas azules. En 1995, il a publié De sueños azules y contrasueños, qui a remporté le prix du Conseil national du livre et de la lecture pour la meilleure œuvre littéraire. En poésie, il a également publié Sueños de luna azul (2008).
Son incursion dans d'autres genres a été aussi pertinente que son œuvre poétique : il a publié le témoignage de Marta Lefimil (1990) et un essai paradigmatique sur l'établissement d'un dialogue interculturel entre la culture chilienne et la culture mapuche : Recado confidencial a los chilenos (1999). Plus tard, en 2008, il a collaboré à l'ouvrage Histoire et luttes du peuple mapuche.
Son travail de traducteur a été une contribution précieuse à la mise en œuvre de politiques éducatives bilingues espagnol-mapudungun et aux efforts visant à renforcer les ponts qui mènent à un dialogue équitable avec les cultures indigènes. En 1996, Chihualaf a anthologié et traduit la poésie de Pablo Neruda dans Todos los cantos / Ti kom vl. Il a également été responsable de la version mapudungun de La Araucana de Ercilla, publiée en 2006, La Araucana / Ta awkan mapu mew, et a traduit l'œuvre de Victor Jara, Canto Libre / Lliz Vlkantun (2007). En 2009, il a compilé l'édition bilingue de Poesía y prosa chilena del siglo XX (pour les étudiants) / Ülkantun ka epew Chile mapu mew (kom chi pu chillkatufe), dont la traduction en Mapudungun a été réalisée par Manuel Manquepi Cayul, un enseignant et linguiste mapuche décédé à Temuco en avril 2010.
Une des propositions centrales d'Elicura Chihuailaf est l'oralité comme activité des cultures indigènes en Amérique. De même, la différence radicale que l'État mapuche assume par rapport à l'État chilien a permis d'installer le thème de l'altérité dans notre culture et de promouvoir la relecture et la réécriture de l'histoire, ainsi que de reformuler les questions autour des identités nationales dans une perspective ethnique.
Source : Memoriachilena.cl
traduction carolita d'un article paru sur Mapuexpress le 01/09/2020