Brésil : Le peuple Javaé
Publié le 1 Juillet 2020

Peuple autochtone du Brésil vivant dans l’état du Tocantins. Les Javaé comme les Karajá et les Xambioá font partie des rares peuples indigènes de l’ancienne capitainerie de Goias à avoir survécu aux captures et aux grands massacres promus par les bandeirantes, à la politique répressive des villages, aux épidémies provoquées par les colonisateurs à différentes époques et à l’invasion de leur territoire.
De nombreuses études mettent en évidence la remarquable capacité de résilience culturelle de ces peuples qui ont su composer avec les changements drastiques imposés par le contact, en conservant les aspects essentiels de leur structure sociale, rituelle et cosmologique.
Ils étaient considérés dans la littérature anthropologique comme un des sous-groupes Karajá (comprenant les Karajá, les Xambioá et les Javaé) habitant les marges du rio Araguaia. Mais cele provient du fait que les Xambioá et les Javaé ont été moins étudiés que les Karajá et leurs spécificités propres sont restées au second plan.
Les Javaés sont restés jusqu’au début du XXe siècle plus isolés de la société nationale que leurs voisins Karajá et Xambioá mais les trois groupes ont une histoire de relation étroite.
Autodésignation : Iny = peuple ou être humain. Dans un sens plus large tous les humains y compris les non indiens sont iny (avec une minuscule). Dans un sens plus strict (avec une majuscule) le nom se réfère aux Javaé , même si les Karajá l’utilisent aussi comme dénomination personnelle.
Les deux groupes se nomment Ity Mahãdu (les gens du milieu) car ils se conçoivent comme vivant au niveau intermédiaire du cosmos entre le niveau sous-marin et le niveau céleste.
Langue : karajá (dialecte javaé) du tronc linguistique macro-jê.
Population : 1484 personnes (2014)
Localisation et terres indigènes (état du Tocantins).
- T.I Araguaia – 1.358.500 hectares, 3502 personnes – Réserve homologuée. Villes : Formoso do Araguaia, Lagoa da Confusão, Pium. 4 peuples y vivent : Avá-Canoiero (langue tupí), Iny Karajá (langue karajá), Javaé (langue karajá) et Tapirapé (langue tupí).
- T.I Canoanã – en cours d’identification – Ville : Formoso do Araguaia.
- T.I Inãwébohona – 377.113,57 hectares, 226 personnes. Réserve homologuée. Villes : Lagoa da Confusão, Pium – 4 peuples y vivent : Avá-Canoiero (langue tupí), Iny Karajá (langue karajá), Javaé (langue karajá) et isolés de l’île de Bananal.
- T.I Utaria Wyhyna /Irôdu Irãna – 177.466 hectares, 116 personnes, réserve déclarée. Ville : Pium. 2 peuples y vivent : Iny Karajá (langue karajá), Javaé (langue karajá).
- T.I Wahurí – 207 personnes, en cours d’identification. Ville : Sandolândia.
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Brésil - Peuple Javaé - Historique du contact - coco Magnanville
Por Marcelo Camargo/Agência Brasil - http://agenciabrasil.ebc.com.br/cultura/foto/2015-10/etnias-nos-jogos-mundiais-dos-povos-indigenas, CC BY 3.0 br ...
http://cocomagnanville.over-blog.com/2020/06/bresil-peuple-javae-histotique-du-contact.html

Depuis les temps immémoriaux les Javaé, les Karajá et les Xambioá habitent la vallée du rio Araguaia au milieu duquel se trouve l’île de Bananal, la plus grande île fluviale au monde. L’île de Bananal est située dans l’état du Tocantins dans une zone de transition entre le cerrado et la forêt amazonienne et se compose de nombreuses rivières, de lacs, de savanes inondées (connues comme varjão), de forêts galeries. Le territoire couvre 2 millions d’hectares et il est presque entièrement couvert par les eaux de l’Araguaia toute la saison.
Pour les Javaé l’île est connue sous le nom d’Iny Olòno (l’endroit d’où les humains sont venus) ou Ijata Olòna (lieu d’origine des bananes en raison d’une grande bananeraie indigène dont l’origine est attribuée aux parents mythiques de l’ancêtre Tolora qui se trouve à côté du lac de Bananal).
En 2009 les Javaé étaient repartis dans 13 villages. Tous les villages en dehors d’Imotxi situé sur l’île de Bananal se trouvent sur la rive gauche du rio Javaés. Les Javaé ont perdu le contrôle de l’utilisation des ressources dans une grande partie du territoire traditionnel et un nombre important de sites dans d’anciens villages et cimetières sont occupés par des non indiens.
Ils ont subi un processus dramatique de déplacement territorial qui les a forcés à abandonner les villages à l’intérieur et à l’extérieur de l’île de Bananal et à se déplacer massivement vers les rives du rio Javaés.
Organisation sociale

Territorialité
Ils maintiennent une alternance territoriale entre les villages d’hiver (la pleine saison) situés dans des endroits plus ou moins secs et des camps provisoires et plus dispersés d’été ( la saison sèche) situés sur des plages qui émergent des rivières au fur et à mesure que l’eau s’assèche. La proximité d’importants cours d’eau riches en poissons et tortues qui constituent la base alimentaire est un critère fondamental pour la construction des villages.
La pêche constitue la base alimentaire , elle est pratiquée toute l’année, le rendement étant plus élevé pendant la saison sèche (mai à octobre) lorsque les poissons sont concentrés dans les nombreux lacs et fleuves du bassin de l’Araguaia.
En pleine saison quand les poissons sont dispersés dans l’immenses zones inondées, étant plus difficiles à attraper, les produits de la chasse et de l’agriculture plantés en début de saison des pluies sont plus importants dans la subsistance et le calendrier rituel. C’est à cette saison qu’a lieu le rituel d’initiation masculin.
Les villages traditionnels étaient composés de parents du fondateur du village et sa femme (ou ses femmes). Les résidents peu à peu sont devenus les descendants du groupe d’origine grand et unique sy (groupe de parents) au sein duquel se pratiquent le mariage entre membres du village et individus considérés comme cousins éloignés.
Les villages sont autonomes, chaque habitant a le droit de pêcher, chasser et récolter dans un certain territoire environnant (hãwa) qui comprend les lacs et les rivières spécifiques de la région. Les relations entre les villages sont pacifiques ainsi qu’avec les villages karajá.
Mariage
Un homme quand il se marie doit vivre avec sa femme dans la maison de ses parents et se soumettre à l’autorité du beau-père pour « rembourser sa belle famille par des services liés à la subsistance. Les femmes restent chez leurs parents même après le mariage et sont protégées par les frères, sœurs, cousins et elles deviennent les « propriétaires de la maison », les éducatrices des enfants et des petits enfants. Les femmes âgées sont admirées par le fait qu’elles racontent les histoires du passé aux nouvelles générations. Elles étaient autrefois également responsables des mariages et elles sont la principale autorité au sein des familles ayant le pouvoir de décision dans les conflits domestiques.
Par contre les hommes, eux, exercent la domination dans la vie rituelle et publique.

Danse de l’Arowana
Depuis que les hommes sont sortis du fond des eaux, les chamans et la communauté masculine sont chargés d’amener chaque année des arowana (irasó), ancêtres qui vivaient principalement sous le niveau de l’eau- ce afin de connaître le monde. Chaque arowana est une paire de personnages rituels presque identiques qui est « livrée » rituellement à un couple avec des enfants comme un cadeau honorable afin qu’ils soient responsables de leur nourriture tout au long du cycle annuel qui se produit en parallèle à la saison des pluies. Les arowana sont considérés comme un atout précieux (nohõ) et sont transmis au sein des familles au fil du temps idéalement par le biais d’une lignée de premier-né quel que soit son sexe. Le cycle annuel de la danse arowana dont le point culminant est le rituel masculin Hetohoky ou Casa Grande n’existe que parce que les ancêtres fréquentent le niveau terrestre amenés par les chamans pour qu’ils soient nourris de la nourriture qu’un homme livre à sa belle famille en échange de son épouse.
Cosmologie
Les Javaé se nomment "le peuple du milieu" (Itya Mahãdu), car ils croient qu'ils vivent dans un plan intermédiaire du cosmos, situé entre le niveau inférieur ou sous-marin (Berahatxi) - l'origine de l'humanité - et le niveau supérieur ou céleste (Biu) - la destination idéale après la mort. L'île Bananal serait également située dans la partie intermédiaire du rio Araguaia, principale référence spatiale, entre les extrémités du fleuve en amont (ibòkò) et le fleuve en aval (iraru).
Dans cette conception spatiale qui divise le cosmos en trois parties, on n'a cependant pas un axe vertical opposé à un axe horizontal, mais un seul "axe du corps", puisque le monde est considéré comme un grand corps, également pensé en termes de division ternaire : tête, ventre et pieds. La tête est symboliquement associée au niveau supérieur, le fleuve en amont, l'est, la primogéniture, l'identité, la continuité, la masculinité et l'immortalité, d'un côté, tandis que les pieds sont associés au niveau inférieur, le fleuve en aval, l'ouest, la réciprocité, l'altérité, la transformation, la féminité et la mortalité, à l'extrême opposé. Le niveau intermédiaire du cosmos, où vivent les humains sociaux, composé à la fois d'un "corps de vérité" périssable (tykytyhy) et d'un "vieux corps" immortel (tykytyby), est associé au ventre (wè) du corps humain, point sensible de la médiation entre les extrêmes.

Les latèni dansent autour des maisons des jeunes qui seront initiés lors du rituel d'initiation masculine (Hetohoky ou Grande Maison). Le village de Canoanã. Photo : Patrícia de Mendonça Rodrigues, 2006.
La division du cosmos en trois parties (un centre et deux extrémités de valeur inégale) est projetée dans l'espace social du village, qui s'organise en termes d'opposition entre la Maison des Hommes, du "côté de la forêt", et le reste des maisons, alignées le long de la rivière. La maison des hommes Javaé, cependant, est conçue pour occuper le "centre" ou "milieu" (itya) par rapport aux deux extrémités de la rangée de maisons, respectivement associées au fleuve en amont et au fleuve en aval. Traditionnellement, les villages sont situés sur les rives d'un important cours d'eau et sont socialement structurés en opposant un espace masculin et sacré, représenté par la Maison des hommes, à un espace féminin et profane, représenté par les maisons d'habitation. L'espace masculin est le lieu approprié de la purification du corps et de la vie rituelle ordinaire, associée à l'immortalité, en contraste avec l'espace féminin, lieu des substances polluées des corps et de la dramatisation du deuil.
traduction carolita d'un extrait de l'article sur le peuple Javaé du site pib.socioambiental.org
Source pour rédiger l'article : pib.socioambiental.org