Brésil : Le peuple Menky Manoki
Publié le 6 Avril 2020

Enfant du village Myky - Menino na aldeia myky. Foto: Elizabeth Rondon Amarante, década de 70.
Peuple autochtone du Brésil vivant dans l’état du Mato Grosso et plus connu sous le nom d’Irentxe. Leur langue n’a aucune proximité avec les autres familles de langues indigènes par contre leur histoire ne diffère par de celle de la plupart des indiens brésiliens. Ils ont été pratiquement anéantis à la suite de massacres et des maladies résultant du contact avec les blancs au milieu du XXe siècle. Les survivants ne voyaient pas d’autre alternative que de vivre dans une mission jésuite responsable de la profonde perturbation socioculturelle du groupe.
En 1968 les Manoki reçoivent des terres du gouvernement fédéral mais celles-ci sont située en dehors de leur zone d’occupation historique avec des caractéristiques environnementales rendant impossible l’utilisation traditionnelle des ressources.
Les Myky eux ont un parcours différent, ils sont restés isolés de la société nationale jusqu’en 1971, ensuite ils ont subi les conséquences du siège de la spéculation immobilière sur leur territoire.
Les deux groupes actuellement demandent l’expansion de leurs terres.
Population : 117 personnes (2014)
Langue : irantxe ou munku, isolat linguistique.
Localisation et Terres Indigènes
- T.I Menku - 47.094 hectares, 129 personnes, état du Mato Grosso. Ville : Brasnorte.
- T.I Menku réétudiée - 146.398 hectares, 105 personnes, en cours d'identification, sujet à contestation.
Les T.I sont situées à l’ouest de l’état du Mato Grosso dans la municipalité de Brasnorte.
La T.I Irantxe compte 6 villages : Paredão, Recnato do Alípio, Perdiz, Asa Branca, Treze de Maio, Aldeia do Mauricio et Cravarí qui est le plus grand village.
La région dans laquelle se trouve la T.I Irantxe est le siège depuis les années 1980 de grandes entreprises agricoles à prédominance de cultures mécanisées (production de soja, riz, maïs, canne à sucre avec des taux élevés d’engrais et de pesticides) et il y a la présence de l’élevage de façon intensive. La déforestation est croissante, les sources d’eau empoisonnées, la faune et la flore menacées, les Manoki voient leurs déplacements restreints.
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Brésil - Peuple Menky Manoki - Historique de l'occupation et contact - coco Magnanville
Por Marcelo Camargo/Agência Brasil - http://agenciabrasil.ebc.com.br/cultura/foto/2015-10/etnias-nos-jogos-mundiais-dos-povos-indigenas, CC BY 3.0 br ...

Le cas des Miky
Selon un récit du père Tomas de Aquino Lisboa (1979), survolant la région, des membres de la mission Anchieta ont localisé en 1969 deux villages à la tête du rico, un affluent du Juruema, signalant l'existence possible d'irantxe "isolés". Une première expédition terrestre composée de prêtres et d'indiens du village de Cravari a alors été effectuée. Mais le village trouvé était vide. L'année suivante, ils ont fait une autre expédition, tout aussi ratée.
En 1971, un nouveau survol a été effectué et un autre village a été situé le long d’ un ruisseau à 20 km du vieux village qui a été nommé Escondido parce qu'il était en grande partie couvert de buissons. Enfin, une nouvelle expédition par voie terrestre composée de missionnaires et de deux manoki - Tapurá et Tupxi - a permis la première rencontre avec le groupe d'environ 23 personnes, qui s'identifiaient comme Myky (ou Mükü, selon l'orthographe du père Tomas de Aquino Lisboa, présent à la rencontre) et parlaient la même langue que les Irantxe. La réunion a été amicale et les visiteurs ont été accueillis avec du cará rôti.
Les Manoki du Cravari et les Myky ont parlé avec animation et ont fait le cri rituel pour célébrer leur rencontre. Le groupe s'était séparé des autres Manoki au début du XXe siècle, alors qu'ils fuyaient les blancs après le massacre du village de Tapuru. Depuis, plusieurs visites ont suivi avec des échanges de cadeaux. Ils ont apporté des haches, des faux, des crochets et des couteaux, et ont reçu des Myky des aliments tels que des chips de maïs, des gâteaux de beiju et d'arachides, ainsi que des décorations nasales et autres ornements. Une des filles Myky a été offerte comme épouse à Tapurá, qui s'est déclaré veuf. Lors de la deuxième visite, les visiteurs sont restés dans le village et ont été initiés aux flûtes sacrées yetá (ou jetá), interdites aux femmes. Tapurá a décidé de se marier et de vivre définitivement dans le village. Le père Tomas de A. Lisboa a ensuite emmené 12 manoki à la fête de mariage de Tapurá . Depuis lors, les relations entre les Manoki du Cravari et les Myky ont été fréquentes, avec plusieurs mariages entre les composantes des deux groupes. Les Myky représentent une référence culturelle forte pour les autres Manoki, car ils conservent les traditions des anciens et pratiquent certains rituels, comme l'initiation, qui avaient été abandonnés.
En 1973, la mission Anchieta a commencé à alerter la FUNAI sur le danger des fronts de pénétration, qui approchaient rapidement de la zone des Myky, les travaux de démarcation étant déjà en cours à moins de cinq kilomètres du village. Elle a ensuite été envahie et détruite. En 74, 35 000 hectares ont été interdits par décret présidentiel. En 78, la zone a été délimitée avec une extension de 47 094 hectares.
Le père Tomas de A. Lisboa s'est installé chez les Myky en 1976, et fin 79, Elizabeth Rondon Amarante, soeur de la Congrégation du Sacré-Coeur de Jésus, s'est également installée chez ces Indiens, qui à l'époque étaient déjà confrontés à des problèmes de terres car ils étaient entourés de fermes, et de démographie, puisqu'il n'y avait que quatre familles et qu'en raison du système de parenté, les possibilités de mariage étaient limitées.

Economie et société
L’énorme perte de population, l’expulsion de leur territoire, la catéchèse et le processus historique d’implication à la société brésilienne ont imposé de sévères restrictions à la reproduction du mode de vie Manoki. Leur unité de production et de consommation est basée sur la famille élargie matrilocale avec le travail masculin basé sur la coopération entre les gendres et le beau-père. Aujourd’hui beaucoup de couples construisent leur maison séparément et constituent une famille élémentaire comme unité de production et de consommation.
Chaque famille avait l’habitude de faire un jardin près du village, d’un à deux hectares environ pour y planter du manioc sauvage, du maïs, des patates douces, des ignames, des pommes de terre, des haricots, des fèves, du roucou, du coton, des arachides etc….plus tard ils ont incorporé le manioc cultivé, le maïs dur, le riz, les pois de cajan. Leur territoire est composé de terres peu fertiles et inadaptées nécessitant des apports en amendements, ce système n’est pas leur de système de plantation traditionnel.
Les réussites à la chasse, à la pêche sont médiocres. Les espèces chassées ont disparu.
La récolte de fruits sauvages sont toujours pratiquées par les femmes et les enfants.
Ils abandonnent peu à peu leur mode de vie traditionnel et les hommes vont vendre leur force de travail dans les grandes plantations, la culture se perd.
L’artisanat est une source de revenus, les produits sont soit rachetés par la Funai ou vendus par des indiens dans les villes. Les femmes confectionnent des coiffes, des filets de coton ou en tucum, des colliers. La farine et le miel peuvent être vendus de même.
Mais l’argent qui circule dans les villages provient souvent des pensions de retraite, ou vient de l’argent gagné par les enseignants indigènes et les agents de santé.
Autrefois la direction du groupe passait de père en fils mais il n’y avait pas de chef à proprement dit mais des chefs de village. Aujourd’hui ces chefs sont élus par le vote, ils n’ont pas de mandant définitif. Leurs fonctions consistent à représenter la communauté lors des réunions extérieures, d’adresser des demandes à la Funai, d’organiser des projets communautaires et de les convoquer.
Chez les Myky, la base alimentaire provient du manioc et du maïs, puis des haricots, des patates douces, des ignames, des arachides. Ils ont introduit la canne à sucre en 1979, cette plante est largement utilisée et ils fabriquent de la chicha de garapa bouilli et épaissi avec du maïs ou de la pomme de terre.
Rituels

Initiation myky. Foto: Elizabeth Rondon Amarante, década de 70.
Le rite d’initiation des garçons était associé aux flûtes sacrées (les masculines portent le nom de yetá et les féminines le nom de madipu), ces flûtes étant à l’usage exclusif des hommes.
Pendant la journée, ils en jouent dans la maison des flûtes, une maison située à l’extérieur du village bien camouflée dans la végétation. La nuit ils en jouent dans la cour du village. Il est interdit aux femmes et aux enfants de voir les flûtes ni même de les mentionner.
Les garçons initiés au rite des flûtes sont âgés de 12 à 14 ans, ils sont séparés des autres résidents du village et passent des semaines dans la maison des flûtes pour apprendre les secrets des hommes et les enseignements de la vie adulte. Ils doivent être sérieux, ne pas jouer, être respectueux et rapides.
Les Myky effectuent toujours ce rituel.
IMAGES de ce peuple
IMAGES des Myky
source : pib.socioambiental.org