Paroles du COPINH 4 ans après l'assassinat de Berta Cáceres

Publié le 6 Mars 2020

Comme vous le savez, ces quatre années ont signifié, au milieu de la douleur de la perte d'une personne aussi importante, un travail intense de recherche de la justice mais aussi de continuer à marcher sur les traces de Berta.

Il y a quatre ans, la première pensée que nous avons eue a été l'incertitude, de penser comment nous allons poursuivre ce travail, comment nous allons continuer ce qu'elle avait entrepris, comment nous allons exiger la vérité et continuer son combat.

Aujourd'hui, nous venons vous dire qu'en ces moments, nous commençons à voir clairement de quoi nous parlions, c'est-à-dire de la conspiration entre les entreprises privées qui se consacrent à la dépossession des territoires et des peuples et l'État, qui contribue à cette dépossession et dispose de toute une structure et d'une stratégie pour cacher les criminels.

Nous avons été surpris que les premières hypothèses de l'enquête sur son assassinat, comme il est propre à un État et à un système patriarcal, aient comme ligne de conduite notre propre organisation et qu'elles affirment que Berta a été assassinée pour un crime passionnel.

Dès le premier instant, nous avons eu beaucoup de mal à savoir sur quoi ils enquêtaient et comment ils allaient accéder à ces informations.

Vous nous avez accompagnés dans le premier et unique procès que nous avons eu pour le cas de Berta Cáceres, et vous savez que cette information sur les enquêtes fait partie des droits des victimes et vous savez aussi que, dans ce premier procès, nous avons été confrontés à toutes sortes d'irrégularités. De nombreuses personnes n'ont pas pu s'exprimer dans le cadre de ce processus, elles n'ont pas pu donner leur témoignage et leur version des faits, car Berta Cáceres a été tuée parce qu'elle était une dirigeante, une femme indigène.

Dans cette lutte, en particulier pour l'accès à l'information, les membres de la famille ont été exclus du processus et nous avons dû demander une protection juridique parce que nous ne faisions pas partie de ce processus. Vous savez qu'il y a beaucoup d'impunité, et déjà 4 ans seraient suffisants pour que le peuple du Honduras prenne des mesures contre les responsables. Parce que nous ne croyons pas que cet État dictatorial va faire quoi que ce soit, et c'est pourquoi nous allons continuer à construire la justice pour le peuple.

Une chose qui nous a fait plaisir a été de pouvoir construire, avec le soutien de la solidarité, des actions internationales qui se sont conclues par des rapports indépendants afin d'avoir une vérité. Des gens comme le groupe international d'experts et des personnes qualifiées, mais aussi des gens qui nous ont accompagnés lors des auditions.

Aujourd'hui, nous voulons vous dire qu'en tant qu'organisation, nous avons compris qu'en ce moment du processus de lutte, nous réaffirmons que notre véritable voie est d'accompagner la lutte des peuples, afin que ces crimes ne se répètent pas et de construire notre processus souverain et autonome. Rappelons-nous que le jour où Berta Cáceres a été assassinée, dans ce même endroit, un forum sur l'énergie communautaire était organisé, parce que l'énergie est aussi un droit du peuple et que les entreprises et les gouvernements veulent la retirer, ils veulent la privatiser.

Aujourd'hui, nous venons vous dire que c'est l'appel à la lutte pour l'eau, car tous les territoires où Berta Cáceres marchait ont une lutte pour l'eau, que ce soit pour les rivières, les mers, contre l'énergie hydroélectrique ou l'industrie de la pêche et de l'hôtellerie. Les citoyens protègent le droit fondamental à l'eau, car il est clair aujourd'hui plus que jamais que les grands intérêts internationaux sont derrière tout le pillage de l'eau.

C'est pourquoi nous invitons à la lutte pour l'eau, car nous savons que toute entreprise qui contrôle l'eau contrôle les gens, et pas seulement dans les territoires indigènes et paysans, mais aussi dans les villes, où commence cette lutte pour l'eau.

Une des plus grandes absences de Berta Cáceres est justement dans ce processus d'articulation, où il y a une dette immense parce que nous n'avons pas encore trouvé le moyen d'unir ces discours de résistance, nous avons fait des efforts mais nous n'avons pas fini.

Notre but est d'unir ces luttes et de trouver une raison ou une manière de nous unir, car nous avons la responsabilité de toute la population. C'est pourquoi il y a tant de diversité dans cette lutte, pourquoi il y a des gens d'autres peuples et d'autres pays qui se joignent à cette résistance

Au-delà de la lutte pour l'eau et la justice, notre combat est de construire un pays de justice et de démocratisation de notre pays, et cela signifie aussi lutter contre la dictature et ce modèle néolibéral, et matérialiser l'autonomie dans nos processus et dans nos peuples.

Nous nous sentons profondément liés aux luttes menées dans d'autres parties du monde, comme celle des Mapuches et d'autres luttes contre les centrales hydroélectriques et contre des projets qui, parfois, convainquent l'opinion publique qu'ils sont bons mais qui, en fin de compte, s'avèrent ne pas l'être. Nous sommes ici pour renforcer ces luttes.

Compañeros et compañeras, pour ce voyage, nous vous souhaitons toute la concentration, l'énergie et l'amour possibles, car c'est ce qui nous a retenus ici tout ce temps.

Aujourd'hui, nous devons partager nos expériences et nous espérons que vous n'aurez pas peur, que vous partagerez parce que nous ne voulons pas monopoliser la parole et que nous avons l'engagement de notre organisation à rester dans cette lutte et à poursuivre le processus organisationnel que le Copinh promeut.

Nous continuons dans différentes communautés avec des luttes différentes, en gardant le souvenir de notre compañera Berta Cáceres, et nous vous remercions pour l'effort d'être venus ici pour partager avec nous.

Nous allons terminer avec un slogan et avec beaucoup d'énergie nous disons :

Berta n'est pas morte, elle s'est multipliée !

Berta vit, la lutte continue !

 

Berta Zuniga Cáceres, coordinatrice générale de la COPINH

 

Publié à l'origine sur le site web du COPINH : https://copinh.org/2020/03/palabras-de-nuestra-coordinadora-general-bertha-zuniga-caceres/

traduction carolita d'un article paru sur le site centro de medios libres.org le 04/03/2020

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