Brésil – Le peuple Arikapú
Publié le 17 Mars 2020
Un groupe familial à Baia das Onças . Photo : Hein van der Voort, 2001.
Peuple autochtone du Brésil vivant dans l’état du Rondônia, ils sont les habitants traditionnels du sud de cet état et vivent aujourd’hui sur les T.I du Rio Branco et du Rio Guaporé. Les premiers contacts entre ce peuple et les non autochtones ont eu lieu au début du XXe siècle. Leurs récits oraux indiquent que le cours supérieur du rio Branco était habité depuis longtemps par eux-mêmes. Leurs voisins traditionnels étaient les peuppes Djeoromitxi, Makurap, Wayurú et Arúa, des peuples locuteurs de langues tupí guaraní.
Autodésignation : arikapu est le nom utilisé par les groupes voisins et les non autochtones pour les désigner. L’origine de ce nom est peut-être liée à la langue tupari des Makurap voisins, il ferait référence à l’oiseau japó (genre gymnostinops, une espèce de cassique).
Population : 37 personnes (2014)
Langue
Arikapú, langue connue depuis peu sur la base des mots existants, elle a été considérée à partir des années 1930 tout comme la langue djeoromitxi comme faisant partie des langues jabuti. Les langues jabuti sont assez différentes des autres langues de la région du rio Guaporé et n’appartient pas aux familles linguistiques des peuples voisins (tupí guaraní, nambikwara er txapakura). Elles sont considérées comme une petite famille sans affiliation ni linguistique connue.
Dès 1935, Curt Nimuendajú (2000) a observé que les listes de mots arikapu collectées par Snethlage révélaient des similitudes avec certaines langues jê de l’est du Brésil (Xerente, Kayapó, Kaingang, Timbira). Des enquêtes plus récentes (Ribeiro et Van der Voort 2005) présentent des preuves lexicales et grammaticales confrmant l’hypothèse de Nimuendajú. La famille linguistique jabuti est probablement une branche de la famille linguistique macro-jê.
La langue arikapu est aujourd’hui quasi éteinte, il n’y a que deux locuteurs âgés résident de plus sur des T.I différentes et aucune transmission de la langue se fait aux générations suivantes. Elle n’est plus parlée.
La plupart des Arikapu vivant sur la T.I du rio Branco parlent le tuparí et le portugais et ceux qui vivent sur la T.I du rio Guaporé parlent le makurap.
Localisation et Terres Indigènes
Leur environnement traditionnel est la forêt tropicale humide. Ils ont selon leurs propres histoires toujours vécu au bord des eaux amont du rio Branco, sur la rive sud du côté où se trouve aujourd’hui la ville d’Alta Floresta d’Oeste.
- T.I Rio Branco – 236.137 hectares, 679 personnes, réserve homologuée. Villes : Alta Floresta d’Oeste, São Francisco do Guaporé, São Miguel do Guaporé. 7 peuples y vivent : Aikanã (langue aikanã), Arikapú (langue jabuti), Arúa ( langue mondé), Djeoromitxi (langue jabuti), Kanoê (langue kanoe), Makurap (langue tupari), Tupari (langue tupari).
La T.I Rio Branco compte près de 400 habitants répartis en plusieurs villages le long du rio Branco. Cette T.I a été homologuée en 1986. La majorité de la population est Tupari mais il y a de petits groupes tels les Makurap, les Arúa, les Kanoë, les Arikapú,les Djeoromitxi. Le village principal est Alto Luis accessible en voiture depuis Alta Floresta d’Oeste. Les autres villages ne sont accessibles que par le fleuve et en raison de leur isolement, les langues indigènes et les pratiques culturelles traditionnelles sont mieux préservées. Ils pêchent avec l’arc et les flèches, le chaman utilise la parica pour soigner et il y a encore des fêtes avec l’utilisation de la chicha. Ils se peignent avec du roucou (colorant rouge) et du jenipapo (colorant noir), chantent et dansent de façon traditionnelle. Les chamans Arikapú étaient traditionnellement connus comme les plus puissants de la région. Aujourd’hui encore le chaman le plus réputé et respecté appartient à ce groupe. La partie sud-ouest de la T.I rio Branco borde la réserve biologique du Guaporé. Cette réserve a une partie de sa superficie affectant la T.I Massaco où des groupes vivent en isolement et dont la langue et l’identité ethnique ne sont pas encore connus. La T.I Rio Branco et ses habitants sont constamment menacés de différentes manières par leurs voisins non autochtones et les politiciens de l’état. A cause de la déforestation, la zone ressemble de plus en plus à une île où le gibier se fait rare, accroissant leur dépendance à la pêche. Les envahisseurs entrent dans la réserve et pratiquent la pêche illégale à grande échelle. Les pesticides utilisés dans les exploitations agricoles situées dans le cours supérieur du rio Branco (hors de la T.I) finissent par polluer la rivière principale mettant en danger ceux qui y vivent. Des projets hydroélectriques irréguliers dans la région causent de graves dommages aux écosystèmes fluviaux.
Des témoignages dénoncent la destruction de sites archéologiques en fonction des travaux à Paulo Saldonha sur le cours supérieur du rio Branco. Des urnes funéraires auraient été déterrées et délibérément détruites pour cacher les preuves juridiques. Ce type d’action nuit aux options futures des Arikapú et d’autres groupes revendiquant leurs terres ancestrales.
La culture traditionnelle dévaluée s’accélère d’autant plus suite à l’arrivée d’une église protestante fondamentaliste qui désapprouve le chamanisme et les fêtes traditionnelles créant la division interne de la communauté.
- T.I Rio Guaporé – 115.788 hectares, 911 personnes, réserve homologuée. Ville : Guajará Mirim peuples y vivent : Aikanã (langue aikanã), (langue jabuti), Arúa ( langue mondé), Djeoromitxi (langue jabuti), Kanoê (langue kanoe), Kujubim ( langue txapakura), Makurap (langue tupari), Tupari (langue tupari), Wajuru (langue tupari), Wari’ (langue txapakura).
La T.I du Rio Guaporé compte environ 600 habitants divisés en différents villages dans les baies et les lacs le long du grand rio Guaporé l’homologation de cette réserve a eu lieu en 1996. La population est composée de familles mixtes Arúa, Wayurú, Makurap, Kanoê, Aikanã, Djeoromitxi, Arikapú, Wari’ et Kuyubi. La plupart vit dans le village surpeuplé Ricardo Franco. Il y a un poste de la FUNAI, un poste médical et une école. Sur cette T.I l’influence de la culture indigène est forte. Par contre les jeunes ont peu d’option de vie et d’avenir ce qui cause des problèmes sociaux.la vie dans les autres villages est meilleure pour la chasse, la pêche et l’agriculture sur brûlis. Les langues et les cultures y sont mieux préservées.
La région autour de la T.I n’est pas entièrement connue et il peut y avoir la présence de peuple isolés. Comme sur la T.I du rio Branco, la pêche illégale existe mais l’exploitation forestière et la contamination aux pesticides sont moins importants (il faut dire que l’emplacement est isolé).
Brésil - Peuple Arikapu - Histoire du contact - coco Magnanville
Naviguant sur le Rio Branco. Foto: Hein van der Voort, 2004. Outre les rencontres sporadiques avec les voyageurs, entre le XVIIe et le XIXe siècle, les peuples vivant sur la rive droite du rio ...
http://cocomagnanville.over-blog.com/2020/03/bresil-peuple-arikapu-histoire-du-contac.html
Harvesting grubs at Ricardo Franco. Photo: Hein van der Voort, 2002
Le complexe culturel « marico »
Les Arikapu vivaient dans de grandes malocas en forme de ruche et leur subsistance était basée sur la pêche, la chasse, la cueillette de fruits et d'insectes et l'agriculture sur brûlis. Ils plantaient du maïs, du manioc, des arachides, des ignames, des bananes, des citrouilles et élevaient des larves comestibles de diverses espèces d'insectes.
Ils enterraient leurs morts dans des maisons, assis et dans des urnes en céramique, fermées par des couvercles. Au-dessus du tumulus, un bûcher était allumé pendant quelques jours pour aider à préserver les restes. Lors d'un déménagement, la famille emportait souvent les urnes pour les enterrer dans la nouvelle maison.
En termes culturels, les Arikapu sont assez semblables aux autres groupes du sud-est du Rondônia et partagent avec eux de nombreuses caractéristiques. Selon l'ethno-historienne Denise Maldi (1991), le "complexe culturel Marico" comprend plusieurs groupes linguistiques tupi, les deux groupes linguistiques jabuti (Arikapu et Djeoromitxí), ainsi que les Kanoê, les Aikanã et les Kwazá, qui parlent des langues isolées.
"En ce qui concerne la culture matérielle, certains éléments témoignent sans équivoque de la similitude entre les peuples de la région du Guaporé : l'absence de la culture du manioc "brava" et de la farine dans l'alimentation ; la consommation de chicha de maïs dans l'alimentation régulière et de chicha fermentée dans les occasions cérémonielles, et la fabrication du marico. Il s'agit de paniers en fibres de "tucum", tissés en petits ou moyens points, qui peuvent être de différentes tailles et qui sont non seulement caractéristiques mais aussi exclusifs aux groupes indigènes qui vivent aujourd'hui sur la terre indigène Guaporé et sur la terre indigène Rio Branco.
Un autre élément culturel, outre la fabrication du marico, qui pourrait être considéré comme exclusif aux peuples des Rio Branco, Colorado et Mekens est l'aspiration de la poussière d'angico dans les actes chamaniques.
La structure sociale traditionnelle des groupes de la région du Guaporé a subi de graves menaces en termes de reproduction et de perpétuation en raison des pertes démographiques. Entre-temps, une nouvelle réalité sociale émerge de l'intensification des relations entre les groupes, du moins au sein du territoire indigène guaporé. Certains éléments culturels sont valorisés et agissent comme des mécanismes de solidarité entre différentes sociétés : la consommation de chicha, qui établit une règle d'étiquette non coercitive, et le chamanisme, par l'action conjointe d'individus de différents groupes indigènes dans l'aspiration de la poudre d' angico et dans les cérémonies de guérison.
C'est sans doute lors des cérémonies de guérison que les relations entre les groupes se sont intensifiées, notamment grâce à deux mécanismes : les fêtes de chicha et les mariages. Les fêtes de la chicha étaient des pratiques traditionnelles de tous ces groupes, au cours desquelles les villages alternaient dans les rôles d'hôte/invité, créant des réseaux ininterrompus de solidarité et de réciprocité. Après le contact, les différents villages, à la différence des différents villages du même groupe ethnique, ont commencé à alterner dans ces rôles. Les mariages intergroupes sont apparus en réponse aux besoins démographiques et, avec le temps, ont servi à renforcer les liens entre les peuples de la région" (Denise Maldi, 1991).
traduction carolita d'un extrait de l'article sur le peuple Arikapu du site pib.socioambiental.org