Brésil : Le peuple Apiaká
Publié le 23 Février 2020
Par Hércules Florence — collection of Russian Academy of Sciences, Russia, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3522600
Peuple autochtone du Brésil vivant dans les états du Mato Grosso et du Pará. Ils formaient un grand peuple guerrier lorsque le front du caoutchouc atteignit le sud de l’Amazonie au milieu du XIXe siècle. Après des affrontements localisés avec les colonisateurs ils deviennent leurs alliés et maintiennent néanmoins des guerres de vengeance contre des peuples voisins tout au long du XIXe siècle.
Leur culture matérielle est élaborée et leurs beaux ornements corporels ont impressionné Hercules Florence de l’expédition Longsdorff qui a visité les villages Apiaká sur les rios Arinos et Juruena en 1828 et qui a produit d’importants documents textuels et des images.
Au milieu du XXe siècle les Apiaká sont considérés comme disparus par deux ethnologues de renom, Darcy Ribeiro et Nimuendaju. Pourtant malgré leur longue et intense coexistence avec les Kaiabi et les Munduruku ils n’ont jamais été perçus autrement qu’un peuple bien différencié. Malgré les massacres, les épidémies, le catéchisme, l’abandon du gouvernement ils ont résisté en tant que collectif et ont élaboré une interprétation complexe du passé qui guide leur lutte pour un avenir plus juste.
Le nom
Apiaká est un nom qui selon E.Wenzel est une variante du mot tupi apiaba qui veut dire personne, personnes, homme.
Les chefs quand à eux disent que le nom de leur peuple fait référence à une guêpe qui, lorsqu’elle est attaquée parcourt de longues distances pour se venger de son agresseur avec une piqûre très douloureuse. « Nous sommes très bons mais si vous nous trompez nous ripostons comme la guêpe. » ce terme indique la tendance guerrière qui reste latente même si la diplomatie est la stratégie adoptée pour traiter avec les nom indiens et les peuples voisins.
Population : 850 personnes (2014)
Langue
Apiaká , 6e branche de la famille linguistique tupí-guaraní avec le kaiabi, le juma, le parintintin et le tupí-kawahib (Rodrigues 2002). Tous les Apiaká parlent aussi le portugais et ceux qui sont mariés à des Munduruku et des Kaiabi parlent couramment ces langues ou le comprennent parfaitement. Ils n’acceptent pas que le kaiabi soit enseigné dans les écoles de leurs villages mais acceptent que des professeurs de munduruku donnent des cours dans cette langue, une option linguistique qui reflète les relations socio-politiques historiquement construites. Les Apiaká tentent de revitaliser leur langue à l’école depuis des années mais sans y réussir vraiment.
Terres Indigènes (T.I)
- T.I Apiaká do Pontal et isolés – 982.324 hectares- 262 personnes – Mato Grosso - Réserve identifiée. 3 peuples y vivent : Apiaká (langue tupí guaraní), peuples isolés de Pontal – Munduruku (langue munduruku) – Ville : Apiacás.
- T.I Apiaká- Kayabi – 19.245 hectares – 885 personnes- Réserve approuvée – Mato Grosso – 4 peuples y vivent : Apiaká ( langue tupí guaraní), peuples isolés du rio Dos Peixes, Kawaweite ( langue tupí guaraní), Munduruku (langue munduruku).
- T.I Kayabi – 1.053.257 hectares – 768 personnes- Réserve homologuée – Mato Grosso et Pará – 3 peuples y vivent : Apiaká ( langue tupí guaraní), Kawaiwete ( langue tupí guaraní), Munduruku (langue munduruku)- ville : Apiacás.
- T.I Mundurucu – 2.381.800 hectares – 6518 personnes – Réserve homologuée – Pará – 3 peuples y vivent : Apiaká, Munduruku, peuples isolés du Haut Tapajos.
- T.I Munduruku et Apiaká de Planalto Santareno – Réserve en cours d’identification – 2 peuples : Apiaká et Munduruku – Etat de Pará.
Le territoire traditionnel comprend les cours moyen et inférieur du rio Arinos et les cours moyen et bas du rio Juruena ainsi que ses affluents orientaux dans le Mato Grosso, ses affluents occidentaux dans l’état d’Amazonas, le cours inférieur du Rio Teles Pires et ses affluents orientaux dans l’état du Pará, ses affluents occidentaux dans l’état du Mato Grosso.
Il existe 7 villages Apiaká dans les états du Mato Grosso et du Pará :
- Mayrob et Figueirinha sur la rive droite du Rio Dos peixes (T.I Apiaká- Kaiabi, Mato Grosso) ;
- Mairowy sur la rive gauche du Rio Teles Pires (T.I Kaiabi, Mato Grosso) ;
- Bom Futuro et Vista Alegre sur la rive droite du Rio Teles Pires (T.I Mundurucu, Pará) ;
- Minhocuçu sur la rive droite du Rio Teles Pires (T.I Kaiabi, Pará) ;
- Pontal sur la rive droite du Rio Juruena (Mato Grosso) .
Des familles élargies Apiaká vivent dans des maisons séparées et entretiennent des relations de parenté et de coopération politique et économique avec des résidents des villages de Pontal et Mairowy. D’autres dans des villes et villages Munduruku (Missião cururu, Poste teles Pires et Sapezal) et Kaiabi (Tatui), dans des villes du Mato Grosso, du Pará et de l’Amazonas.
Organisation socio politique
La communauté
Ils affirment fièrement qu’ils vivent aujourd’hui en communauté (synonyme de villages), une forme d’organisation sociale et politique qui a vu le jour dans la deuxième moitié du XXe siècle, bien différent des maisons communales, ou malocas du XIXe siècle où les petits groupes étaient en déplacement constant en tant que parents isolés existant à Pontal.
La communauté désigne des familles élargies liées par des liens de parenté, des liens politiques et économiques, occupant et utilisant la même portion de territoire, reconnaissant l’autorité d’un chef et de ribeirinhos (des parents et compadres vivant dans des maisons séparées sur les bords des rivières et fréquentant le village). Une communauté considérée comme « bonne » est une communauté dans laquelle des principes moraux de générosité, de pacifisme et d’hospitalité sont observées, où il y a une école, un poste de santé, une salle, un terrain de football, des pâturages, un four, une cuisine, un jardin communautaire, une route, une piste d’atterrissage, des biens matériels à usage collectif (hydroglisseur, plat pour griller la farine, camionnette, tronçonneuse, téléviseur, antenne parabolique, têtes de bétail). Ils disent que les villages Apiaká sont beaux et gais, paisibles.
Le monde sous-marin est conçu comme une réplique du monde humain avec des jardins et des maisons, des êtres enchantés redoutés comme la mère de l’eau Ajáng, l’anaconda (Mosahúa, propriétaire du poisson), les marsouins (piraputóa) qui tentent parfois de séduire les humains. S’ils parviennent à capturer l’ombre d’une personne, la victime de ces entités devient apathique, peut avoir de la fièvre et manquer d’appétit, avoir des cauchemars ou des délires, refuser de vivre avec ses co-résidents. Il faut alors activer une prière pour secouer le corps du patient.
Dans la forêt il y a la sirurie, un être anthropomorphe qui confond le chasseur le faisant se perdre, le serpent boa et une liane qui désorientent aussi l’homme qui tourne alors en rond et rate la piste, le singe juruparí qui attaque la nuit, décapite la victime et suce son sang, le capelobo (mapinguari) dont la puanteur cause la mort aux hommes, les groupes de pécaris qui, s’ils sont confrontés à une attitude inappropriée de la part du chasseur (cris, rires) peuvent capturer son esprit , le sirurekanjiga, propriétaire , chef et esprit des animaux, lui ne présente pas de danger pour l’homme, mais il ne faut pas le viser. Les chasseurs peuvent chercher à lui plaire pour avoir de la chance à la chasse en lui laissant une cigarette au creux d’une souche.
Brésil- Peuple Apiaká - Relations de parenté - coco Magnanville
Indiens Apiaká, village de Mairowy, terre indigène Kaiabi, Apiacás, Mato Grosso. Photo : Giovana Acacia Tempesta, 2007. Les relations de parenté Mariage Le mariage marque l'entrée des jeunes d...
http://cocomagnanville.over-blog.com/2020/02/bresil-peuple-apiaka-relations-de-parente.html
Foto: Eugênio G. Wenzel
Activités économiques
Dans le calendrier des cultures, deux saisons s’alternent, l’été qui est la saison sèche er l’hiver qui est la saison pluvieuse. Dans l’écosystème amazonien le niveau des rivières peut atteindre jusqu’à 10 mètres et modifie l’apparence des villages. L’été est la saison qui procure le plus d’abondance de nourriture, il y a la récolte des tubercules, des légumes, la récolte des tortues et de leurs œufs sur les plages, la récolte de l’açaï, du buriti, du bacaba, du pataúa qui servent à préparer des boissons, il y a beaucoup de poissons dans les rivières et d’animaux à chasser dans les bois, des larves et des champignons.
Les fêtes ont lieu en été car l’hiver est une saison « triste » car la chasse est difficile, les champs ne produisent pas, on ne peut pas récolter de fruits sauvages.
La base alimentaire est surtout concentrée dans les tubercules.
La taille des jardins varie selon la composition de la famille et ils sont situés à distance de 10 à 40 minutes à pied des villages. L’ensemble du territoire est en possession collective, il n’y a pas de propriété privée de la terre.
Ils utilisent pour cultiver la méthode d’agriculture dite coivara, la terre est défrichée à la saison sèche (en août) et plantée aux premières pluies (en septembre). Ils utilisent un système de jachère, une zone déboisée reste en repos et une autre partie est travaillée , ce qui permet d’assurer la fertilisation du sol.
Une famille peut donc avoir 3 jardins ou plus à différents stades, un au repos, un en production et un nouvellement planté par exemple.
Ce sont d’excellents agriculteurs, toute sorte de produits cultivés sont : ananas, citrouilles, arachides, bananes, patates douces, noix de cajou, canne à sucre, igname, haricots, ingá, papayes, mangues, manioc doux et amer, fruit de la passion, pastèques, maïs, concombres, arbres fruitiers (tucunzeiro et inajazeiro), fleurs et plantes aromatiques et médicinales.
Chasse/pêche/cueillette
La chasse et la cueillette sont également des activités principales.
L’hiver la pêche se pratique en eaux stagnantes avec un canot,, une ligne, un hameçon, des appâts, la nuit à la palangre, avec des pièges en nylon, la pratique de la nivrée ou timbo, des pièges
Les tortues sont pêchées à la ligne, hameçon et harpon.
La chasse se pratique de nos jours avec des fusils mais ils utilisent toujours l’arc et les flèches. De petits groupes d’hommes partent la nuit pour « attendre » les proies cachés dans la cime des arbres.
Les viandes sont consommées rôties, sous forme de bouillons, de bouilles (mujica), moqueada, enveloppée de feuilles de pacova, toujours accompagnées de farine de manioc.
La viande de gibier est considérée comme la nourriture d’excellence même si le poisson est consommé chaque jour. La viande de gibier circule au sein de la famille et elle est non commercialisable. S’il y a un excédent du produit de la chasse, celui-ci est partagé dans toute la communauté ou donne l’occasion de grandes fêtes.
Les fruits sont consommés sous forme de vins (açaï, bacaba, buriti, muruci, pataúa, uxi) avec des gâteaux au manioc, du beiju, du tapioca, des tubercules, des légumes cuits en bouillie, de la chicha au manioc ou au maïs.
Ils consomment également des champignons sauvages, du miel, des cœurs de palmier, des larves de palmier.
Le plat préféré est la viande de singe cuite avec du lait de noix du Brésil et la viande de tracaja (tortue) rôtie dans sa carapace.
170 d’espèces d’oiseaux sont connues d’eux, environ 10 espèces sont consommées.
60 espèces de mammifères sont connues d’eaux, environ une vingtaine est consommée.
100 espèces de poissons sont connues d’eaux, environ une cinquantaine est consommée.
Artisanat
Apiaká fabriquant des canoës en bois sur les rives de la rivière Fish. Immédiats du village de Mayrob, Terre indigène Apiaká-Kaiabi, Juara, Mato Grosso. Photo : Giovana Acacia Tempesta, 2007
Ils fabriquent des métiers à tisser, des paniers, des tamis en fibres végétales, des rames, des canoës, des colliers, des boucles d’oreilles, des bracelets en graines et perles. Ils construisent des maisons en argile avec un toit en paille de babassu, des structures en bois.
Par Wolfgang Sauber — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=23192428
Femme Apiaká utilisant le métier à tisser, village Mayrob, terre indigène Apiaká-Kaiabi, Juara, Mato Grosso. Photo : Giovana Acacia Tempesta, 2007
Conception de la personne
Etre une personne pour eux c’est une personne capable d’agir selon des paramètres établis à chaque âge et à chaque sexe.
Les jeunes enfants reçoivent une attention particulière car ils sont vulnérables aux actions des gens et à l’action des surnaturels. L’enfant est vu comme une vraie personne quand il commence à marcher et à parler.
La séparation entre les sexes augmente avec les années et atteint son apogée à l’âge de 10 ans où les adultes commencent à spéculer sur les conjoints possibles de leurs enfants
Habituellement le garçon de 14 ans et la fille de 12 ans sont capables physiquement et socialement de former une unité sociale relativement autonome. Ils ont les compétences et les connaissances de base pour la vie dans le village. Ils ont appris dès le plus jeune âge par l’observation directe, progressive et la participation aux activités et affaires des adultes.
Les personnes âgées ne devraient pas contribuer de manière intensive aux activités productives.
Les activités associées aux femmes sont les soins de la maison des enfants, les cultures du jardin, la préparation et distribution de la nourriture, la confection de l’artisanat.
Les activités des hommes sont la préparation de la terre, l’agriculture, la chasse, la pêche, la cueillette, la fabrication de canoës, de paniers en fibres, de coiffes, de harpons, d’arcs et de flèches, l’interaction avec des étrangers, la politique officielle.
Ces activités sont réalisées en complémentarité et l’interdépendance entre les sexes se manifeste dans toutes les sphères de la vie sociale. Quelques exemples :
- Socialisation des enfants : la mère s’occupe d’eux tous les jours, le père fournit une alimentation d’origine animale et des objets, des vêtements.
- Sphère productive : l’homme est responsable de procurer de la nourriture provenant d’ en dehors du village (rivières, forêts, ville) et la femme est en charge de la transformation en nourriture domestique.
- Culture matérielle : l’homme fabrique des objets en fibres végétales (paniers, ustensiles de cuisine, tamis) dont se servent les femmes ; les femmes confectionnent des ornements pour les hommes.
En langue apiaká ang signifie « âme » ou ombre. Une personne en bonne santé est une personne d’ont l’âme est bien attachée au corps. Ils croient que l’âme peut se détacher du corps ce qui entraîne de graves maladies et même la mort. De leur point de vue les gens sont responsables de leur propre maladie et de celles des autres personnes. Une personne peut provoquer la séparation de l’âme d’une autre personne de son corps.
Les Apiaká valorisent la maîtrise de soi et craignent les gens en dehors d’eux-mêmes.
Toute personne peut devenir une bête (synonyme d’esprit), il suffit de la déshabiller de ses vêtements humains pour voir que l’intérieur est un monde animal.
Source : pib.socioambiantal.org
HISTOIRE DU CONTACT
Ilustração: Hércules Florence, 1828
Depuis le XVIIIe siècle, des textes ont été produits qui expriment le point de vue des voyageurs, des missionnaires et des colons concernant la rencontre avec les peuples indigènes dans le bassin du Tapajos.
La zone située entre les rios Madeira et Tapajós se caractérise par une forte densité démographique indigène depuis le XVIIe siècle, étant habitée par de nombreux peuples parlant des langues tupi et quelques peuples très mobiles parlant des langues macro-jê, qui ont formé un réseau complexe de relations par le biais de guerres et d'échanges (Menéndez, 1981/82 et 1992). Il est possible que ces peuples n'aient pas formé des unités sociales discrètes et durables, les villages composant un ensemble lâche de groupes locaux environnants qui n'étaient pas soumis à une autorité commune et n'avaient pas de frontières rigides, à l'instar des Tupinambá quinhentistas (Fausto, 1992).
Les premiers explorateurs de la vallée du Tapajós ont enregistré la prédominance des Tupinambá et des Tapajós, peuples expansionnistes et guerriers, qui pratiquaient le commerce intertribal et l'esclavage et le vassalisme de groupes plus petits, mais qui ont rapidement succombé au contact avec les non-Indiens, n'étant plus mentionnés par les chroniqueurs après 1690. Il se trouve que "l'espace laissé par ces deux groupes est rapidement occupé par ceux qui ont été soumis ou asservis, et l'émergence de nouveaux groupes est enregistrée", et les Mura, les Sateré Mawé et les Munduruku "semblent avoir constitué pendant longtemps une sorte de bouclier protecteur" pour les peuples qui occupaient une position plus intérieure dans la région du Tapajós-Madeira (Menéndez, 1992 et 1989).
Au XVIIIe siècle, les informations sur ces divers peuples non hégémoniques, produites par les religieux, les fonctionnaires et les voyageurs, consistaient principalement à fixer des noms et des lieux, contribuant à former une image statique et fragmentée d'une région caractérisée par un mouvement intense et des unités sociales peu articulées. Le peuple Apiaká constituait l'un de ces peuples non hégémoniques plus intérieurs ; l'extension de leur territoire était déterminée par la compagnie des guerriers et par la collecte de pierres pour leurs haches et leurs pointes pour fabriquer des flèches. Ils ont ensuite parcouru de vastes étendues à la poursuite de leurs ennemis traditionnels, les Matanawi, les Tapayuna, les Munduruku et les Nambikwara, démontrant ainsi une grande capacité de mobilisation pour la guerre.
Les célèbres tatouages faciaux, marque distinctive du peuple Apiaká, représentés par Hercule Florence dans le cadre de l'expédition menée par le baron de Langsdorff, attestent des "exploits et de la bravoure dans les combats avec les ennemis", ainsi que de la participation aux rites anthropophagiques résultant des guerres (Castelnau, 2000 ; Guimarães, 1865 ; Nimuendaju, 1963) À la fin du XVIIIe siècle, un mouvement d'expansion territoriale apiaká a commencé, qui a provoqué un réarrangement géopolitique dans la région des rios Arinos moyens et inférieurs (Menéndez, 1981).
La plus ancienne information sur les Apiaká date de 1746 et provient de João de Souza Azevedo qui, à l'occasion de la première navigation officielle du rio Tapajós depuis le Mato Grosso, mentionne un "royaume Apiacás" dans le bas Arinos (apud Fonseca, 1880). Cette année-là, des gisements de diamants avaient été découverts dans la province du Mato Grosso ; la nouvelle a mobilisé d'innombrables "entrées" et "drapeaux" en provenance de São Paulo. La région de la source du rio Arinos a été mise en valeur deux ans plus tard, en 1748, lorsque des mines d'or et de diamants y ont été découvertes, parmi lesquelles les célèbres mines de Santa Isabel. Le lieutenant-colonel Ricardo Franco de Almeida Serra rapporte avec regret que l'hostilité des Apiaká a été l'un des facteurs déterminants du déclin de ces mines (Almeida Serra, 1797).
Dans la première moitié du XIXe siècle, le chanoine jésuite José Guimarães (1865) et le voyageur Francis de Castelnau (2000) ont écrit des informations détaillées sur le mode de vie des Apiakás. Le premier a passé quelques jours en compagnie d'un entourage qui s'était rendu à Cuiabá pour se présenter au gouverneur ; le second a rencontré quelques Apiaká à Diamantino. Tous deux ont souligné que les Apiaká entretenaient des relations amicales avec les Brésiliens, bien qu'ils aient mené des guerres avec les peuples indigènes voisins.
Illustration : Hercule Florence, 1828
Les guerres de vengeance, la capture des têtes des ennemis et les rites anthropophagiques configuraient une matrice culturelle tupi dans la région du rio Tapajós. Ces pratiques, qui ont tant éveillé la curiosité des Européens, ont probablement été abandonnées dans la seconde moitié du XIXe siècle. À cette époque, les peuples indigènes du nord de la province, établis le long du réseau fluvial Arinos-Juruena-Tapajós, sont devenus importants pour les gouvernements du Mato Grosso et du Pará (le fleuve São Manoel, plus tard appelé Teles Pires, ne sera exploré qu'au XXe siècle), car ils occupaient une région qui abritait de nombreuses richesses naturelles, une cible d'intérêt pour les particuliers de São Paulo et les gouvernements provinciaux du Mato Grosso et du Pará. Le besoin s'est alors fait sentir d'établir des alliances avec les populations indigènes qui le souhaitaient.
Cependant, à la fin du XIXe siècle, après la consolidation de la route commerciale entre Cuiabá et Belém, un nouveau problème se pose pour le pouvoir centralisé : la nécessité de peupler et d'organiser l'extraction des richesses d'une région considérée comme éloignée et inhospitalière. Les indigènes avaient déjà prouvé qu'ils ne deviendraient pas les travailleurs les plus productifs ; ils envisageaient alors de faire venir des Européens appauvris en Amazonie pour y exercer des activités agricoles et extractives. À ce moment, les Apiaká cessèrent d'être considérés comme des alliés utiles de l'Empire et devinrent un obstacle à l'expansion capitaliste et au "développement" de la nation.
C'est dans ce contexte, aggravé par les conflits territoriaux et fiscaux entre deux États (Mato Grosso et Pará), que les Apiaká ont commencé à être systématiquement persécutés par des fonctionnaires du gouvernement. Du point de vue indigène, le tournant du XXe siècle correspond au moment où les Apiaká ont définitivement abandonné les guerres de vengeance et ont commencé à avoir besoin d'objets industrialisés, à l'exception d'une partie du groupe qui est retournée dans la forêt, refusant le mode de vie des non-Indiens (et qui vivrait dans la région de Pontal jusqu'à aujourd'hui).
Le récit Apiaká sur l'origine du mode de vie contemporain se concentre sur les personnages de Paulo Corrêa, un puissant patron, et de sa femme, une indienne Apiaká qui méprisait ses propres parents. Paulo Corrêa a commis tant de meurtres dans la région de Barra de São Manoel qu'un de ses hommes de confiance l'a assassiné et a remis sa tête aux Apiaká en disant : "Voici la tête de votre beau-frère ; il avait l'habitude de tuer beaucoup de vos proches, maintenant vous les emmenez dans votre village. Les Apiaká se sont ensuite rendus avec leurs têtes au village d'Apiakatuba (sur les rives du rio São Tomé, l'affluent oriental du Juruena) et ont organisé une belle fête - la dernière du genre. Les Apiaká expliquent que Paulo Corrêa était un beau-frère qui se comportait comme un jaguar : au lieu de se comporter comme un parent, respectant et partageant les objets et la nourriture avec les siens, il est "devenu un animal" et est allé jusqu'à tuer les siens.
Illustration : Hercule Florence, 1828
Après cette "guerre" à Barra, les Apiaká ont été victimes d'épidémies et se sont dispersés dans l'espace, pris par des patrons pour exploiter les serngales indigènes, disposés de façon clairsemée sur le territoire ; d'autres ont été internés dans la forêt, dans la région du rio São Tomé. Dans la première moitié du XXe siècle, les Apiaká qui ont accepté le contact avec des non-Indiens ont épousé des Munduruku, Kaiabi, Kokama et Sateré-Mawé et des migrants du Nord-Est, appelés arigós ou "soldats du caoutchouc" ; ils ont abandonné les villages sur les rives de rivières plus petites et ont commencé à vivre près de la Mission franciscaine de Cururu (PA) et dans des "lieux" d'exploitation du caoutchouc dans le cours inférieur des rivières Juruena et Teles Pires.
Dans les années 1960, des sections de vastes familles apiakás travaillant encore dans l'extraction du latex dans le cours inférieur du Juruena se sont déplacées, à l'invitation du missionnaire jésuite João Dornstauder, de la mission d'Anchieta, vers le village de Tatuí, destiné aux Kaiabi, dans le Rio dos Peixes (affluent oriental de l'Arinos). Dans les années 1970, ces Apiaká ont établi des contacts avec leurs parents qui vivaient dans la région du rio Cururu, dont beaucoup se sont ensuite installés sur le rio Peixe, amenant dans leur entreprise quelques Munduruku, qui sont devenus leurs conjoints. Depuis lors, les Apiaká se restructurent politiquement et se battent pour faire respecter les droits que leur garantit la nouvelle législation indigéniste.
Bien que les Apiaká aient choisi la voie de la diplomatie pour entrer en relation avec les non-Indiens, il est à noter que le besoin d'ennemis reste vivant, exprimé notamment dans la relation d'hostilité entretenue avec les Kaiabi. On peut dire, en outre, que les rivalités du passé sont responsables du fait que les Apiaká n'ont pas été pleinement intégrés par les Munduruku ou les Kaiabi. Comme nous l'avons vu, lorsqu'ils sont allés vivre aux côtés des Kaiabi, les Apiaká n'ont pas épousé de personnes de cette ethnie, préférant "importer" des épouses Munduruku de la mission Cururu, et n'ont pas non plus adopté la langue kaiabi. Sinon, les Apiaká mariés aux Munduruku, vivant dans des villages Munduruku et parlant cette langue, sont généralement nommés par les Munduruku comme Apiaká, bien que leur relation soit amicale.
Il est donc impossible de comprendre la situation actuelle des Apiaká sans considérer leur insertion dans le réseau social régional constitué avant l'arrivée des colonisateurs et maintenu jusqu'à aujourd'hui par des échanges commerciaux, un soutien politique, des relations matrimoniales et des guerres. Ce réseau, qui a sans doute changé au fil des siècles et semble avoir rendu possible la survie des Apiaká, se présente aujourd'hui comme un complot de relations politiques, commerciales et matrimoniales instables et tendues. Il est significatif qu'aujourd'hui, les Apiaká agissent comme des pivots de ce réseau, articulant les Kaiabi et les Munduruku dans l'interaction avec les non-Indiens et leurs institutions. La grande continuité semble donc résider dans la nécessité de l'échange avec l'extérieur pour la reproduction des Apiaká en tant que collectif, thème récurrent dans les recherches les plus récentes sur les peuples Tupi.
traduction carolita d'un extrait de l'article sur les Apiaká du site pib.socioambiental.org