Nous n'acceptons pas que les États nous traitent comme des ennemis internes, qu'ils persécutent les gens qui se battent : leader indigène Leonidas Iza à l'ONU.
Publié le 19 Décembre 2019
Leonidas Iza
Nous partageons le discours complet de Leonidas Iza Salazar, président du Mouvement indigène et paysan de Cotopaxi MICC en Équateur, aux Nations Unies.
Discours de Leonidas Iza aux Nations Unies
Nous disons à toutes les personnes présentes et au monde entier qu'en tant que peuples autochtones, fils et filles de la Terre Mère, nous sommes très préoccupés par cette époque de l'histoire que traverse l'humanité, le type de civilisation qu'ils ont construit pour nous est applaudi sans hésitation, mais de plus en plus, au nom de cette civilisation, la vie est détruite, des peuples entiers de leurs territoires, de leurs coutumes, de leurs traditions, de leurs langues sont réduits à l'abandon. Ils déracinent consciemment nos racines au nom de la cupidité, de l'opulence et du pouvoir, et s'il n'y a pas de transformation immédiate, ils nous guident vers un chemin sans retour pour la vie de l'humanité.
Quand dans ce labyrinthe de l'humanité il y a des étincelles d'espoir qui entrevoient d'autres formes de civilisation qui sont stockées dans la mémoire des peuples originaires, des peuples indigènes, de tous les travailleurs, de toutes les latitudes du monde, il est nécessaire que cette étincelle soit une contribution à la transformation de l'humanité.
Nous nous réjouissons grandement de la décision de l'ONU de déclarer l'Année internationale des langues autochtones, une décision très sage, mais néanmoins, c'est une préoccupation absolue puisque, dans la pratique, les gouvernements n'adoptent pas les mesures nécessaires, même s'ils disposent d'instruments importants comme la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la Convention 169 de l'OIT ainsi que l'OEA, dont les États sont signataires, sans volonté ou décision politique de leurs gouvernements de la respecter, préfèrant renforcer le dispositif militaire et investir des millions en ressources économiques plutôt que de sauvegarder la vie des peuples indigènes.
En Amérique latine et dans les Caraïbes, il y a 826 peuples autochtones, dont 330 sont menacés de disparition et avec eux leur culture, leur langue, tout ce qui, depuis des milliers d'années, est une construction sociale comme contribution à l'humanité. Si nous voulons sauver la langue des peuples autochtones, la première tâche des États est de sauvegarder leurs territoires où ils recréent cette symbiose de manière intégrale, leurs cultures, traditions, coutumes, langues et modes de vie. Même si la déclaration de l'Année internationale des langues autochtones est importante, elle ne sera pas sauvée sans la responsabilité absolue des États, il est nécessaire d'avoir des politiques claires pour surmonter les grandes inégalités économiques qui nous ont plongés dans la pauvreté et mettre fin à la discrimination, au racisme, à la xénophobie et au machisme, qui ont souvent été naturalisés par les États eux-mêmes.
La décennie des langues qui débutera en 2022 est importante ; ce moment doit être une occasion énorme pour tous les États du monde de passer d'une déclaration à de véritables politiques, de politiques d'assimilation à des politiques qui respectent l'autodétermination des peuples.
Il est temps de nous retrouver, de revenir avec vitalité à nos origines, pour cela nous avons besoin du respect des États pour nos pratiques et nos façons de faire l'économie communautaire, la communication communautaire, notre propre justice, nos traditions millénaires et ce que nous pouvons partager dans nos propres langues. Nous n'acceptons pas que les États nous traitent comme des ennemis internes des États, qu'ils nous persécutent parce que nous nous battons, qu'ils nous poursuivent parce que nous pensons différemment, nous ne voulons pas être soumis aux vérités des médias, nous ne voulons pas être déclarés terroristes sur nos propres territoires, nous ne voulons pas être confondus avec le crime commun que cette civilisation a créé, nous n'acceptons ni racisme, ni xénophobie, ni machisme par imposition de pouvoir, nous voulons être nous-mêmes et avec nos différences pour construire un monde de justice et de liberté que nous pouvons transmettre dans nos propres langues.
Je voudrais terminer mon discours en saluant de nombreux compañeros et compañeras autochtones et non autochtones au niveau mondial qui ont contribué à prendre possession de l'agenda des peuples autochtones dans les États.
Leonidas Iza
Président du Mouvement indigène et paysan de Cotopaxi MICC
traduction carolita d'un article paru sur Desinformémonos le 18 décembre 2019