Chili - Héctor Llaitul et la nouvelle Constitution : " La lutte de la nation mapuche a une autre voie ".

Publié le 26 Décembre 2019

Cette semaine, la Chambre des députés a approuvé un projet de loi qui propose d'établir un certain nombre de sièges réservés dans un éventuel organe constitutif qui serait utilisé par les représentants des différents peuples autochtones qui habitent le territoire national.

Par Tomás González - Source : radio.uchile.cl


Au sein du Congrès, les principaux détracteurs de cette idée étaient les secteurs les plus conservateurs de la droite, comme l'UDI et certains RN, qui  voyaient avec inquiétude qu'il n'y avait pas de représentants autochtones de leurs secteurs. Néanmoins, le projet a été approuvé à une écrasante majorité, étant ainsi envoyé au Sénat pour son deuxième processus législatif en une journée que de nombreux parlementaires ont qualifiée d'" historique " pour les peuples autochtones.

Cependant, au sein des mêmes groupes ethniques, il y a aussi des détracteurs de cette méthode, comme c'est le cas du Mouvement Mapuche Autonomiste et de son chef, Hector Llaitul. Dans une entrevue avec Diario et Radio Universidad de Chile, le porte-parole de la Coordination Arauco-Malleco s'est montré réticent à participer à un processus mené par une institution qui, dit-il, ne les représente pas.

Comment le CAM a-t-il vu la lutte que le mouvement social chilien a menée ces derniers temps, où les symboles Mapuche ont également été protagonistes des manifestations ?

C'est une reconnaissance avant tout de ceux d'entre nous qui ont été dans le Mouvement Mapuche Autonomiste avec un profil et une définition anticapitalistes. En fait, nous considérons qu'il est très gratifiant et fier que les drapeaux mapuches soient hissés lors des manifestations dans différentes parties du pays, ce qui montre qu'il y a une reconnaissance de la résistance de notre peuple.

Pensez-vous que c'est aussi une sorte de "reconnaissance" qu'ils veulent inclure des représentants des peuples autochtones dans un éventuel organe constitutif ?

Nous pensons que la société chilienne, surtout le mouvement social et politique qui est à l'origine des protestations et des manifestations, doit construire son propre chemin par rapport à ce qu'elle veut. Comment obtiendront-ils une représentation, comment développeront-ils leur lutte pour les droits inhérents à leur condition ?

La lutte de la nation mapuche a une autre voie, elle a une voie de reconstruction de la nation mapuche, et dans ce cadre, nous considérons que la situation est différente.

En ce sens, la lutte du peuple chilien n'est-elle pas la même que celle des Mapuche ?

D'une certaine manière, la libération de notre peuple passe aussi par la libération du peuple chilien, mais par des chemins différents dans la manière de construire. Mais nous n'allons pas nous adapter aux luttes des Chiliens, surtout en termes d'institutionnalité, parce que cette institutionnalité ne nous représente pas du tout, en fait, c'est un problème idéologico-culturel.

Où se situe cette méfiance à l'égard de l'institutionnalité actuelle ?

En cela, ce sont ces mêmes partis qui ont coopté les dirigeants mapuche aujourd'hui et qui n'ont absolument rien fait au cours de ces deux décennies de lutte que nous avons développées. Nous ne regardons donc pas cela d'un bon œil et nous n'avons aucune garantie de pouvoir réaliser quoi que ce soit.

Vous n'êtes donc pas intéressé à participer au processus constitutif ?

Au contraire, nous pensons qu'en prenant position sur ce point, nous ne ferions que donner une continuité à une forme d'institutionnalité oppressive à l'encontre de notre peuple.

Et vous ne voyez pas dans une nouvelle constitution la possibilité, peut-être, de changer cela ?

Le peuple peut être intéressé par cette question de la Constitution, de la convention ou de l'assemblée constituante, ou par d'autres formes qui se développent à partir de la vision de l'État.

Mais lorsque nous parlons de la reconstruction de la nation mapuche, nous parlons dans le sens où nous allons récupérer les autorités traditionnelles et notre territorialité où nous pouvons exercer ces capacités ethno-politiques.

Quel est le chemin de la nation Mapuche pour retrouver cette territorialité ?

La lutte de la nation mapuche se poursuit depuis une vingtaine d'années, contre le modèle néolibéral et plus particulièrement contre le système capitaliste. Nous le définissons comme un ultra-capitalisme sur notre territoire, étant donné la présence de politiques extractives hautement prédatrices et destructrices de notre environnement et de notre condition de nation mapuche. Notre lutte est une lutte contre l'extermination du peuple Mapuche et le procès de Daniel Canio en est la preuve.

Le cas de Daniel Canío Tralcal

Le procès auquel il fait référence est celui auquel est confronté le membre de la communauté mapuche et militant du CAM Daniel Canío Tralcal, qui est en détention depuis octobre 2018, accusé d'avoir participé à un incendie criminel dans un projet forestier à Arauco, à Lautaro.

Le Gouvernement est demandeur dans cette affaire, ayant invoqué la Loi Anti-Terroriste, tandis que la Coordination Arauco-Malleco est présente depuis le début du procès devant le Tribunal de Garantie, affirmant qu'ils n'excluent pas des "actions concrètes" dans la macro zone de l'Araucanie pour réclamer sa liberté.

" Il est très aimé et respecté parmi les Weichafe, pour sa trajectoire et son dévouement à la cause mapuche ", dit Llaitul.

" Si l'Etat chilien le condamne, les Organes de Résistance Territoriale (ORT) de la Coordination Arauco-Maléco (CAM) vont radicaliser la lutte contre les forestiers et le conflit va s'intensifier ", prévient-il.

traduction carolita d'un article paru sur le site Mapuexpress

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