Brésil. Les autorités enquêtent sur l'assassinat d'un dirigeant autochtone en Amazonie

Publié le 14 Octobre 2019

par Thais Borges le 13 octobre 2019

  • Selon le Conseil des villages Wajãpis (Apina), un corps spécial enquête sur la mort du leader  indigène Emyra Wajãpi, retrouvé poignardé le 23 juillet dernier près du village indigène Waseity où il vivait, dans l'État d'Amapá, au nord du pays.
  • Selon le conseil Apina, dans la nuit du 26 juillet, un groupe de 50 mineurs d'or - dont certains auraient été armés de fusils et de mitrailleuses - a envahi le village indigène voisin d'Yvytotõ et menacé ses habitants, les forçant à s'échapper. Les autorités enquêtent sur cette incursion présumée.

Les autorités brésiliennes enquêtent sur le meurtre d'un leader indigène dans l'État d'Amapá, au nord de l'Amazonie, où le niveau de violence a augmenté depuis qu'un groupe de 50 mineurs d'or - dont 13 fortement armés - aurait envahi la réserve indigène Wajãpi.

Selon Apina, le Conseil des villages Wajãpis, dans la matinée du 23 juillet, le leader indigène Emyra Wajãpi a été retrouvé poignardé près du village indigène Waseity. Selon les déclarations du Conseil, aucun Wajãpi n'a été témoin de la mort.

Selon les membres du Conseil, dans la nuit du 26 juillet, un groupe d'hommes non autochtones armés de fusils et de mitrailleuses a fait irruption dans la communauté voisine d'Yvytotõ et a menacé les habitants, qui ont dû fuir vers la communauté autochtone voisine de Mariry.

Les villages indigènes où les crimes présumés ont été commis font partie de la réserve indigène  Wajãpi, une zone d'environ 6 000 kilomètres carrés riche en or et autres minéraux, qui a été délimitée comme aire protégée depuis 1996. La moitié de son territoire se trouve dans la Réserve nationale de cuivre et associés (RENCA), que l'ancien président Michel Temer a tenté d'éliminer en septembre 2017. Ce plan n'a pas fonctionné parce que les revendications internationales qui l'accusaient de céder l'Amazonie à des intérêts miniers étrangers l'ont forcé à reculer.

La police fédérale et le parquet de l'État d'Amapá ont ouvert une enquête sur les événements qui se sont produits dans la réserve Wajãpi, à la suite d'informations faisant état de violences commises par le sénateur Randolfe Rodrigues sur des réseaux sociaux. Suite à des demandes d'aide de la part de groupes indigènes, Rodrigues a demandé aux autorités d'agir immédiatement pour empêcher de futurs affrontements directs entre les envahisseurs et les communautés indigènes.
 

Jawaruwa Wajãpi, un conseiller indigène de l'État d'Amapá, chassant dans la région de l'Okakai, en 2012. Il était chargé de signaler les actes de violence enregistrés dans la réserve indigène Wajãpi. Image de Bruno Caporrino.


"Nous sommes en danger. Nous demandons instamment à l'armée et à la police fédérale de nous aider. S'ils ne nous envoient pas de l'aide rapidement, nous devrons agir ", a déclaré Jawaruwa Wajãpi, conseiller de l'État d'Amapá, dans un message audio envoyé à Rodrigues.

Le sénateur a reconnu qu'il s'agissait de la première incursion violente dans la réserve Wajãpi depuis sa démarcation en 1996. "Nous devons nous unir pour éviter le bain de sang qui va se produire. Nous avons été en contact avec des dirigeants indigènes pour leur demander de ne pas riposter avant l'arrivée des forces de sécurité gouvernementales ", a dit M. Rodrigues.


Enquêtes controversées
 

La Fondation Nationale de l'Indien (FUNAI) a annoncé dans un communiqué que ses fonctionnaires étaient déjà sur le terrain pour enquêter sur ces deux affaires, ainsi que des policiers fédéraux et le bataillon des opérations spéciales de police (BOPE) de la police militaire d'Amapá.

Selon la FUNAI, un organisme fédéral et étatique spécial a été créé pour enquêter sur les conflits indigènes dans la région. Cependant, le dernier rapport de la police fédérale déclare : "Il n'y a aucune preuve de la présence de groupes armés dans la région jusqu'à présent. Toutefois, la FUNAI a indiqué qu'un rapport détaillé sera préparé.

Le président d'extrême droite Jair Bolsonaro a déclaré à Folha de São Paulo qu'"il n'y a pas de preuves convaincantes" de l'assassinat du dirigeant indigène : "Je vais essayer de démêler l'affaire et de faire la lumière", a-t-il dit.

Cependant, dans une déclaration antérieure, la FUNAI avait reconnu que la présence d'envahisseurs " est réelle et que la tension (...) dans la région est élevée " et avait demandé aux Wajapis d'éviter la confrontation avec des envahisseurs non indigènes, afin de ne pas exacerber le conflit.

Dans sa dernière déclaration, Apina a fait valoir que lorsque les forces de police ont atteint les villages de Mariry et d'Yvytotõ, les envahisseurs n'étaient plus présents ; seules leurs traces restaient. "La police a marqué les points à l'aide d'un GPS et a pris des photos (...)[mais] ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas chercher les envahisseurs dans la forêt," a-t-il rapporté. Il a ajouté qu'après cet événement, la police est retournée dans la capitale d'Amapá, Macapá.

Pression croissante en faveur du développement des réserves indigènes
 

Alors que la violence s'est produite à Amapá, le Président Bolsonaro a continué de faire pression pour la légalisation des activités minières et de l'agro-industrie dans les réserves indigènes protégées.

Le 27 juillet, M. Bolsonaro a déclaré qu'il avait l'intention de nommer son fils, Eduardo Bolsonaro, ambassadeur du Brésil aux États-Unis pour attirer des investissements brésiliens dans l'exploration minière dans les territoires indigènes. La semaine dernière, lors d'une visite à Manaus, le président a réaffirmé son objectif de légaliser l'exploitation minière, malgré la contamination et la déforestation que cette activité a déjà provoquées dans plusieurs réserves indigènes, notamment dans les territoires des Yanomamí (dans le Roraima et dans les États amazoniens), les Mundurukus (au Pará) et les Cinta Larga (dans le Rondonia).

Kleber Karipuna, représentant de l'Articulation des Peuples Indigènes du Brésil (APIB), a déclaré qu'il existe une corrélation directe entre l'invasion et les politiques du gouvernement fédéral. "Les conflits que nous voyons sont liés à tout ce que ce gouvernement a fait en matière de droits des Autochtones, en paroles et en actes. Lorsque les gens sont incités à porter les armes, par exemple, ils sont également encouragés à affronter et à tuer les peuples autochtones."

Selon l'anthropologue Bruno Caporrino, qui a travaillé comme conseiller sur un programme de recherche avec les Wajãpis entre 2009 et 2016, le groupe indigène supervise la présence de mineurs sur son territoire, mais jusqu'à présent les incursions ont toujours été occasionnelles et discrètes. Selon lui, les crimes récents pourraient marquer une nouvelle tendance alarmante par laquelle les envahisseurs cherchent à transmettre le message suivant : "Désormais, c'est ainsi que nous allons nous comporter ; avec le soutien de l'État.

traduction carolita d'un article paru sur Mongabay latam le 13 octobre 2019

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Peuples originaires, #pilleurs et pollueurs, #Brésil, #Wayãpi

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